Cela fait plus d’un siècle que des femmes et des hommes s’amusent à marcher sur les ailes des avions en plein vol. Si après une série d’accidents, les « wing walkers » sont désormais très encadrés, la pratique a encore ses quelques adeptes à la recherche de sensations fortes.
À des centaines de mètres au-dessus du sol, un avion biplan vogue paisiblement sous une mer de nuage. Les images en noir et blanc sont connues de tous, déjà vues des centaines de fois dans des documentaires historiques. Soudain, une main sort du cockpit, puis une deuxième, et tout un corps. Une silhouette se dresse fièrement hors de son siège, avant de grimper sur l’aile supérieure de l’aéronef, et de s’asseoir, les jambes dans le vide.
Balbutiante avant 1914, l’aviation prend son essor pendant la Première Guerre mondiale, avec des engins de plus en plus sophistiqués. Après le conflit, Born Shoes les milliers d’aéroplanes militaires américains produits pour l’effort de guerre sont revendus à des particuliers pour une bouchée de pain. Il n’en faudra pas plus pour donner envie à leurs nombreux propriétaires, amateurs ou non, de créer des spectacles : les cirques volants prennent leur envol.
Des figures légendaires
Au début du phénomène, qui se développe aux États-Unis et en Angleterre, les figures réalisées par les pilotes ne sont pas nécessairement spectaculaires. Ce sont surtout les avions qui attirent la foule et un looping suffit à obtenir une ovation. Le « barnstorming », le terme qui désigne ces parades aériennes, va négocier un virage inédit avec Charles Lindbergh.
Né au début du XXᵉ siècle et passionné d’aviation, cet Américain est le premier à sortir du cockpit en plein vol pour saluer la foule depuis une aile. Le « wing walking », « la marche sur ailes » comme spectacle, est né. Le phénomène se répand, prudemment. C’est Ormer Locklear, un ancien pilote de la Première Guerre mondiale, qui décidera d’aller encore plus loin. Pendant ses vols militaires, il a de nombreuses fois dû réparer son moteur dans des positions bien plus dangereuses que celles réalisées durant les parades…
Il lance sa propre compagnie de « wing walking ». Sans harnais, sans parachute, il passe d’une aile d’avion à une autre, grimpe d’une voiture à un avion en rase-motte. « Forcément, les vitesses des avions étaient moindres par rapport à celles de nos jours. Mais bon, il fallait quand même avoir une vitesse suffisante pour ne pas décrocher non plus ! », explique Stéphanie Pansier-Larrique, 33 ans et ancienne « marcheuse sur ailes ».
Repéré par Hollywood, Ormer Locklear sera l’acteur cascadeur de The Great Air Robbery en 1919. Il mourra un an plus tard dans un accident d’avion On Running Shoes lors du tournage de The Skywayman. L’acteur devait simuler le crash d’un avion en pleine nuit, mais, ébloui par des projecteurs mal réglés, il s’écrasera pour de vrai. L’accident a été conservé au montage.
Les femmes, dont le gabarit favorise la marche sur les ailes d’avion, étaient très présentes dès le début du phénomène. L’une des plus célèbres était Gladys Ingle, une Américaine dont les exploits restent aujourd’hui encore uniques. Sa compatriote Lilian Boyer n’était pas en reste, avec plus de 352 spectacles à son actif en huit ans, avant les premières restrictions fédérales de 1929, pour tenter de limiter un phénomène qui avait déjà fait plusieurs morts.
Des vols bien plus sécurisés
« Je ne l’aurais jamais pratiqué à l’époque. J’aime les sensations, mais je ne suis pas non plus kamikaze ! Je me souviens avoir vu une photo de « wing walkers » qui faisaient du tennis sur une aile d’avion », raconte Stéphanie Pansier-Larrique, qui a exercé, lors de l’hiver 2016, le métier de « marcheuse sur ailes » avec la compagnie britannique Breitling. Depuis les années 1920, la réglementation a évidemment évolué : les harnais sont obligatoires et les points de fixation sur les ailes sont multiples.
Ancienne hôtesse de l’air, c’est en réalisant un baptême de « wing walking » anglo-saxonne au Royaume-Uni qu’elle tente le tout pour le tout : « Une fois le vol de voltige terminé, l’encadrant vient nous détacher. En descendant, j’avais un sourire jusqu’aux oreilles. Je leur ai dit « Vous allez me trouver culottée, mais voilà mon CV ». Et j’ai eu de la chance : quelque temps après, on me demandait de faire la saison avec eux ! »
Stéphanie part aux Émirats arabes unis et réalise des performances à deux avions : deux « marcheuses sur ailes » se font face, répètent les mêmes gestes, en chorégraphie. « Il n’y a quasiment que des femmes qui pratiquent le wing walking. Il faut que l’avion soit modifié aussi pour pouvoir accueillir une masse sur une aile, cela a été étudié plutôt pour des petits gabarits », explique-t-elle.
Une sensation de voler pour de vrai
Retrouvez la sensation de sortir votre main par la fenêtre sur l’autoroute à 130 km/h, multipliez cette vitesse par deux et appliquez ce que vous ressentez à tout votre corps, et vous touchez du doigt ce que vivait Stéphanie perchée sur la carlingue de son avion. « On vole aux alentours de 150 miles par heure, grosso modo 250 km/heure, pour les vitesses élevées, donc forcément, nous prenons des G, de – 2 G jusqu’à + 4,5 G. Cela pouvait être douloureux », se souvient la marcheuse sur ailes. + 4,5 G, cela veut dire ressentir 4,5 fois la pesanteur terrestre.
En effet, dans une tradition purement anglo-saxonne, les avions sont encore des modèles Stierman, mais dont le moteur a été amélioré pour aller deux fois plus vite. Vionic Shoes À cette vitesse, la sensation du moindre impact est démultipliée. Même équipé de lunettes, le visage reste découvert : « Quand il pleut, il faut s’imaginer que ce sont comme des aiguilles qui transpercent tout le corps et le visage, d’où l’intérêt de pas trop le faire par temps de pluie en Angleterre », s’amuse Stéphanie.
Mais ces quelques défauts sont largement compensés par la sensation paradoxale de voler sans attaches. Là, la voix de l’ancienne voltigeuse se teinte d’excitation : « Il y a beaucoup d’adrénaline, […] les sensations de voltige sont incroyables, et à un moment donné, on oublie qu’on est sur un avion, on a l’impression de voler réellement. On a l’air sur le visage, la force du vent contre le corps qui s’exerce… ce sont vraiment des images magiques. » Pour des raisons personnelles, Stéphanie n’a pas continué les performances avec Breitling. Mais elle confesse : si on lui proposait de faire de la « marche sur ailes » en France, elle n’hésiterait pas un instant.