En moins d’une semaine, deux figures majeures de la Nupes se sont mises en retrait d’une partie de leurs fonctions politiques en raison d’affaires de violences faites aux femmes. Ces affaires ont créé le malaise au sein de l’union de la gauche, et en particulier dans les rangs de la France insoumise.
La polémique a enflé soudainement dimanche quand Jean-Luc Mélenchon a tweeté son soutien à Adrien Quatennens, qualifiant sa mise en retrait suite à une main courante déposée par sa femme, de « digne » et « courageuse » et lui renouvelant « sa confiance ».
Une sortie qui a suscité un déferlement de critiques notamment de la part des mouvements féministes, mais aussi stupeur et colère dans les rangs insoumis. Une proche du leader insoumis confie à RFI avoir cru que le chef de la France insoumise avait envoyé un tweet « incomplet », tant la formulation, sans un mot pour la femme d’Adrien Quatennens, victime dans l’affaire, lui avait semblé incongrue et choquante. Il a fallu plusieurs heures et une multitude de messages et d’appels outrés pour que Jean-Luc Mélenchon cite l’épouse de son lieutenant, a minima, reconnaissant qu’il n’était pas « indifférent » à sa situation.
Ce qui n’a pas adouci la consternation à LFI : ce tweet est « une faute politique », reconnaissent en privé les cadres insoumis. Un avis partagé dans les rangs de la Nupes, à l’image du patron du parti socialiste Olivier Faure : « Il a commis de son propre aveu une maladresse puisqu’il l’a corrigée. Donc, ça veut bien dire qu’il avait conscience que le premier tweet n’allait pas complètement. »
Jean-Luc Mélenchon relance la polémique
Le problème, c’est que Jean-Luc Mélenchon n’est pas un fan de l’autocritique. Il s’est rendu ce matin à l’Assemblée nationale pour ouvrir les journées parlementaires de LFI, qui se déroulent à huis-clos, avec notamment ce jeudi après-midi une formation sur la prévention des violences sexistes et sexuelles. L’occasion d’une thérapie de groupe, de faire amende honorable ? Interrogé par l’émission de télévision Quotidien, le leader insoumis a assuré toujours « peser ses mots » et a averti, tout en tapotant la joue du journaliste, lui « allait regretter » les siens.
Jean-Luc Mélenchon n’aime pas voir son autorité contestée en interne. La dernière fois que des critiques de cette ampleur avaient été émises au sein de LFI, c’était en 2018 à propos de l’abandon de la stratégie souverainiste du mouvement. Cela s’était terminé en purge au sein des insoumis avec les départs de plusieurs cadres historiques.
Les violences faites aux femmes, un dossier très sensible pour la Nupes
La différence entre 2018 et aujourd’hui, c’est que la polémique touche un sujet de société : les violences faites aux femmes. Or, les dossiers s’accumulent au sein de la France insoumise. Le militant antiraciste Taha Bouhafs a vu son investiture aux législatives retirée après un signalement d’une ancienne petite amie, le député et président de la Commission des finances Éric Coquerel fait lui l’objet d’une plainte pour harcèlement et agression sexuels, un autre signalement a récemment visé le député Thomas Portes.
Ces mises en retrait sont toutefois « la preuve que ce sujet est pris au sérieux », se défend-on dans les rangs insoumis. Sauf que les déclarations de Jean-Luc Mélenchon affaiblissent ce discours et sèment le doute sur la réalité de l’engagement du mouvement sur le sujet des violences faites aux femmes. « S’il pèse toujours ses mots et qu’il dit des choses comme celles-là, c’est qu’il ne réalise pas le poids du patriarcat et ferait mieux d’arrêter de tweeter », s’est ainsi insurgée une élue écologiste
Des guerres de succession en toile de fond
Ces tensions interviennent dans une période charnière pour LFI : Jean-Luc Mélenchon, qui a par deux fois terminé en tête des candidats de la gauche à la présidentielle, a émis publiquement le souhait d’être remplacé. Adrien Quatennens était l’un de ses successeurs potentiels et Éric Coquerel avait, lui aussi, affiché ses ambitions par le passé. Mais en face, une génération de femmes politiques est aussi en train de s’affirmer : la présidente du groupe LFI à l’Assemblée Mathilde Panot, une fidèle de Jean-Luc Mélenchon ou encore la députée Clémentine Autain, qui fait partie des critiques les plus virulentes sur les récents dérapages du leader insoumis, émergent.
Du côté des écologistes, la députée éco-féministe Sandrine Rousseau ambitionne aussi de prendre la tête d’EELV. Et elle est opposée au camp de l’actuel secrétaire national Julien Bayou, qui vient de se mettre en retrait en raison d’une enquête interne déclenchée par une plainte de son ex-compagne.
La question politique des droits des femmes, de la lutte contre les violences faites aux femmes et de la manière dont les partis gèrent ce sujet pourrait donc bien être au cœur de ces guerres de succession. Jointe au téléphone par RFI, une députée écologiste soupire et déclare simplement : « l’avenir est féministe ».