Les autorités iraniennes ont annoncé que quatre détenus sont morts dans l’incendie la nuit dernière de la prison d’Evine à Téhéran. Un peu plus tôt, elles assuraient qu’aucune victime n’était recensée et selon les sources officielles, on parle d’événement sans rapport avec les manifestations, mais l’inquiétude demeure auprès des familles des détenus iraniens et étrangers.
Construite avant la Révolution islamique, la prison d’Evin est située dans le nord de Téhéran. C’est là que des coups de feu et le bruit d’explosions ont été entendus samedi soir 15 octobre alors qu’une épaisse fumée se dégageait du vaste complexe, selon des images postées sur les réseaux sociaux. Le feu a été maîtrisé, selon les autorités, alors que samedi encore, des manifestations avaient lieu contre le pouvoir, un mois après la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Iranienne de 22 ans.
Les autorités ont accusé des « voyous » d’être à l’origine de ces incidents. Selon l’autorité judiciaire, « quatre prisonniers, condamnés pour vol, sont morts après avoir inhalé de la fumée et 61 ont été blessés, dont quatre grièvement ». L’agence officielle Irna a affirmé que ces incidents n’avaient « rien à voir » avec les manifestations consécutives à la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, 22 ans, entrées dans leur cinquième semaine.
Détenus politiques, manifestants…
Après ces événements, il reste l’inquiétude des familles des détenus iraniens et étrangers. Dans les cellules de cette immense prison se trouvent des prisonniers de droit commun et des détenus politiques, des personnes incarcérées de longue date et des manifestants arrêtés ces dernières semaines. Des défenseurs iraniens des droits de l’homme, des avocats, des syndicalistes ou des artistes comme le cinéaste Jafar Panahi y sont détenus. Des citoyens iraniens, mais aussi des ressortissants étrangers.
Président de la Ligue de défense des droits de l’homme en Iran, Karim Lahidji a recueilli de nombreux témoignages sur ce lieu à la sombre réputation. « La prison d’Evine est très grande, décrit-il. La section des femmes est très éloignée de la section des hommes. Dans la partie réservée aux hommes, il y a aussi des parties réservées aux prisonniers politiques, il y a des sections réservées aux personnes qui ont été arrêtées dernièrement au cours des manifestations. » La section 209 est administrée par les Gardiens de la Révolution. « C’est la partie où sont les détenus politiques, qui sont totalement isolés, souligne Karim Lahidji. Au départ, ils sont détenus dans ce secteur pour pouvoir arracher des aveux. »
Une vingtaine d’Occidentaux (binationaux ou non) sont actuellement emprisonnés en Iran. Selon nos informations, la plupart d’entre eux sont détenus à Evine. C’est le cas de la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah. Ses proches disent avoir reçu des nouvelles rassurantes et indiquent que le bâtiment des femmes n’aurait pas été touché par l’incendie.
La France demande la libération « immédiate » de ses ressortissants
Cinq Français au total sont actuellement emprisonnés en Iran, parmi eux Benjamin Brière, qui n’est pas détenu à Evine. La France s’est adressée dimanche aux autorités iraniennes, affirmant qu’elles sont « responsables de la sécurité et de la santé » des ressortissants français dont elle demande la libération « immédiate ».
Les États-Unis ont également adressé un message à Téhéran à propos de la sécurité des citoyens américains détenus en Iran. L’inquiétude donc s’ajoute au mystère qui entoure l’enchaînement des événements de la nuit dernière alors que sur les vidéos de l’incendie, on entend des explosions et des coups de feu.
Dimanche, des familles ont indiqué ne pas avoir été autorisées à rendre visite à leurs proches détenus.