Une marche blanche en hommage aux trois Kurdes tués par balle vendredi a rassemblé plusieurs centaines de personnes ce lundi 26 décembre à Paris. Le cortège s’est élancé de la rue d’Enghien, où l’attaque a eu lieu.
Ils étaient plusieurs centaines à défiler sous la pluie, entre deux rues du Xe arrondissement de Paris, la rue d’Enghien et la rue Lafayette. Deux rues où la communauté kurde a été frappée en son cœur à neuf ans d’intervalle. Dans ce quartier, trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avaient été tuées le 9 janvier 2013. Une affaire qui n’a toujours pas été résolue, ce qui renforce l’émotion et le sentiment d’injustice au sein de la communauté kurde aujourd’hui, alors que la piste d’un crime raciste commis par un homme seul semble privilégiée par rapport à celle de l’attentat terroriste.
Le cortège s’est élancé de la rue d’Enghien, où de petits autels avaient été érigés à l’endroit où a eu lieu l’attaque dans laquelle trois Kurdes sont morts vendredi 23 décembre. Entre les slogans « nos martyrs ne meurent pas » ou encore « femmes, vie, liberté », Evrim, une jeune femme française d’origine kurde, raconte sa tristesse et son désespoir. « Je me suis mise à pleurer tout de suite. Je me suis dit, « mais ça se passe encore ? ». C’est une rue où on va tout le temps en famille. Demain, ça sera peut être nous », témoigne-t-elle.
Un sentiment de tristesse
Ils sont parfois venus en famille, comme Yusuf, 38 ans, en France depuis 6 ans. « Je suis là avec ma famille, ma femme, ma fille aussi », dit-il. Pourquoi est-il ici aujourd’hui ? « On manifeste pour les trois personnes tuées. On est triste ! », assure-t-il.
La tristesse est partagée par Omer, étudiant de 26 ans, qui a obtenu le statut de réfugié politique il y a seulement quelques mois. « Les dernières attaques étaient contre les Kurdes. Je suis Kurde. Franchement, c’est triste. Il y a un sentiment de responsabilité », assure-t-il.
Un sentiment de responsabilité qui se double d’un sentiment d’injustice et d’insécurité pour cette jeune fille de 20 ans, dont la famille pensait avoir trouvé refuge en France. « Si on a fui les dégâts de la Turquie et la terreur des Turcs, c’est pour se réfugier en France. C’est pas pour se faire assassiner ici aussi », explique-t-elle souhaitant rester anonyme. Et c’est pourtant ce qui est arrivée à Emine Kara. Elle qui avait combattu l’État islamique en Syrie, est l’une des trois victimes de l’attaque meurtrière survenue vendredi dernier à Paris.
Tensions franco-turques
Après l’attaque, les Kurdes de France ont mis en cause la Turquie. Durant les manifestations qui ont suivi la tuerie, des drapeaux du PKK et des accusations envers la Turquie étaient visibles.
Une prise de position qui a irrité les autorités turques qui ont convoqué l’ambassadeur de France. Selon l’agence de presse officielle Anadolu, l’ambassadeur de France se serait vu signifier « l’inconfort » d’Ankara face à la « propagande anti-Turquie des cercles proches du PKK ». La Turquie déplore que « des responsables du gouvernement français ainsi que certains politiques servent d’instruments à cette propagande », rapporte notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer.
Ankara accuse depuis longtemps la France et d’autres États européens d’abriter sur leur sol des individus et des ONG liés au PKK et de tolérer les activités de ce groupe classé terroriste.
Et la Turquie n’a pas apprécié non plus les titres de la presse française faisant l’hypothèse de liens entre ses services secrets et l’attaque. Ces articles rappellent notamment les zones d’ombre qui continuent d’entourer l’assassinat de 2013.