La France a rapatrié, ce mardi 24 janvier, 15 femmes et 32 enfants qui étaient détenus dans un camp pour jihadistes du Nord-Est syrien. Il s’agit du troisième rapatriement d’ampleur depuis juillet dernier. Les femmes, qui avaient rejoint le groupe État islamique, ont été remises à la justice et séparées des enfants. Claire Paucher, juge pour enfants à Bobigny, détaille comment se déroulera la prise en charge de ces enfants.
RFI : Que deviennent ces enfants une fois rentrés en France ?
Claire Paucher : Ces enfants, lorsqu’ils arrivent en France, sont séparés de leurs parents qui, eux, sont placés en garde à vue. Les enfants sont confiés par le procureur de la République à l’aide sociale à l’enfance, qui est un service du département. Et ensuite, l’aide sociale à l’enfance les oriente le plus souvent en famille d’accueil.
Pourquoi ces enfants ne sont-ils pas directement confiés aux grands-parents, aux familles élargies, qui les réclament des fois depuis de nombreuses années ?
Rien ne l’interdit dans la loi, mais en pratique, le plus souvent, nous choisissons de faire réaliser auparavant des mesures d’investigation éducative pour mieux évaluer la demande des grands-parents et leur possibilité d’accueil, et aussi mieux connaître l’histoire familiale pour vraiment pouvoir penser à un projet à plus long terme pour l’enfant.
Est-ce que les parents, qui vont souvent en détention, peuvent voir leurs enfants ?
S’il est dans l’intérêt de ces enfants de voir leur mère, ils pourront la voir dans le cadre du droit de visite médiatisé. Après, c’est une question évidemment d’appréciation du dossier par le juge des enfants qui saisit.
Vous avez du recul, car vous avez vu des enfants rapatriés. Est-ce que vous les suivez ? Est-ce que vous avez des nouvelles de ce qu’ils deviennent ?
Oui, bien sûr, parce qu’on a été saisis des premiers dossiers en 2016-2017. Donc, on a un peu de recul. Et ce qu’on peut dire, c’est que certains enfants vont bien. En général, quand il y a une cohérence autour d’eux, qu’on arrive à travailler en cohérence avec les services éducatifs, la famille élargie et aussi les parents, les enfants arrivent à trouver un équilibre. Mais là encore, tout dépend des cas.
Est-ce qu’il y a des enfants pour lesquels il est compliqué de se réadapter à une vie en France ?
Oui, cela peut être compliqué. Certains probablement ont vécu des traumatismes sur les territoires du groupe État islamique, dans les camps. Puis, il y a aussi, il faut le dire, le traumatisme de la séparation d’avec les parents pour parfois de très jeunes enfants, même des bébés.
Que répondez-vous à ceux qui disent que ces enfants, vu leur vécu, sont déjà perdus, que ce sont des « bombes à retardement » et qu’il ne faudrait pas les rapatrier ?
Tous les acteurs du monde judiciaire et de la protection de l’enfance sont convaincus qu’il n’est jamais trop tard pour un enfant. On peut bien évidemment le réparer, on peut l’aider à se construire. La seule chose, c’est qu’il faut bien s’occuper de ces enfants, et j’allais dire le plus tôt possible en fait.
Donc, procéder à des rapatriements le plus vite possible…
De façon générale, un enfant qui a été traumatisé, plus on le prend en charge tôt, mieux c’est, évidemment.