Alors que le projet de loi sur la réforme des retraites arrive à l’Assemblée nationale ce lundi 6 février, les syndicats entendent maintenir la pression avec deux nouvelles journées de mobilisation les 7 et 11 février. Si l’objectif commun est bien de forcer le gouvernement à retirer sa réforme, la stratégie pour y parvenir semble diverger en fonction des centrales, avec le risque de faire voler en éclat une union syndicale que l’on n’avait pas vue depuis 2010.
Face à un gouvernement qui maintien son cap, certains syndicats estiment que la rue ne suffira pas pour le faire plier, et souhaitent donner une autre forme a la contestation. Déjà la date du 31 janvier, deuxième journée de mobilisation, a fait l’objet de discussion. La CGT la trouvait trop éloignée de celle du 19 janvier, alors que la CFDT, qui a obtenu gain de cause, souhaitait son maintien pour laisser du temps aux manifestants.
Si le mouvement perdure, il est probable que certaines centrales poussées par leur base pourraient faire un pas de côté. Comme à la CGT où son leader Philippe Martinez veut accentuer la pression sur l’exécutif avec des grèves reconductibles et des blocages dans certains secteurs d’activité, alors que Laurent Berger de la CFDT ne le souhaite pas. D’ores et déjà, la CGT chimie prévoit des mouvements dès ce mois-ci, la CGT cheminots et Sud Rail ont suggéré une grève reconductible à la SNCF. Du côté de FO transports, une grève d’une heure par jour au moment de la prise de service a été évoquée.
Un pari risqué pour la CFDT qui s’interroge de savoir si les Français, fatigués par la crise énergétique et l’inflation, pourront soutenir longtemps la grève, d’où son choix d’organiser des manifestations le samedi, jour de repos.
Deux Français sur trois soutiennent la mobilisation
Mais selon un sondage Ipsos effectué au début du mois, deux Français sur trois se sont prononcés en faveur de la poursuite de la mobilisation, comme cette quinquagénaire parisienne : « Je suis tout à fait consciente qu’il faut absolument effectuer des réformes du point de vue économique, mais je pense que la façon de le faire n’est pas la bonne. Je soutiens tout à fait les manifestants, même si je ne manifeste pas moi-même ».
Il m’a fallu sept ans pour devenir un vrai déçu du Macronisme
Et il n’y a pas d’âge pour sauter le pas. C’est le cas de Bertrand Hays, ingénieur chez Hewlett-Packard. À 61 ans, il va manifester pour la première fois. « D’habitude, je ne suis pas dans la rue, ce n’est pas ma culture, je ne viens pas d’un milieu syndiqué. Je prends part aux manifestations, car ce qu’il se passe au niveau national fait écho à ce que je vois dans mon entreprise. Et j’ai l’impression qu’on se fiche un peu de notre figure. On dit qu’il y a une concertation avec les syndicats, ce n’est pas vrai. Il y a eu des monologues, il n’y a jamais eu de vrais échanges […]. Il m’a fallu sept ans pour devenir un vrai déçu du Macronisme ».
« Inutile » et « pénalisant »
Mais, pour 36% des Français, les mobilisations ne changeront rien. C’est le cas de cette septuagénaire qui trouve que manifester ou faire grève, c’est « inutile, pénalisant pour les usagers des transports en commun, pour tout le monde. De toute façon, il faudra passer par là si on veut que les retraites continuent d’être payées, que les impôts ne soient pas augmentés. Moi, j’ai travaillé jusqu’à 65 ans, je n’en suis pas morte ».
D’autres soutiennent le mouvement, mais ne peuvent rater une journée de travail, à l’image de Charlotte, parisienne de 34 ans : « Faire grève implique de ne pas avoir de salaire et malheureusement, j’ai un loyer à payer, donc je ne peux pas me le permettre. Mais j’ai soutien les grévistes, on se demande même si nous, nous allons avoir une retraite un jour. Je m’inquiète pour mes parents, car je vois qu’on leur demande de travailler de plus en plus longtemps […]. Avant, je travaillais en crèche, et travailler dans ces conditions jusqu’à 64 ans, ça ne va pas être possible ».