La Turquie, une longue histoire de séismes dévastateurs

Les gens regardent la destruction alors que les sauveteurs recherchent des survivants dans les décombres à la suite d'un tremblement de terre à Hatay, en Turquie, le 7 février 2023.Les gens regardent la destruction alors que les sauveteurs recherchent des survivants dans les décombres à la suite d’un tremblement de terre à Hatay, en Turquie, le 7 février 2023. REUTERS – UMIT BEKTAS

De puissants séismes ont frappé le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, lundi 6 février, provoquant des milliers de morts et des dégâts matériels considérables. La région est malheureusement coutumière des tremblements de terre meurtriers, étant située dans une zone sismique particulièrement active.

Ce n’est pas la première fois qu’un séisme dévaste la région. Et pour cause : la Turquie est prise en étau entre trois plaques tectoniques, dont les mouvements peuvent provoquer des catastrophes considérables. La majeure partie du territoire turc se trouve sur la plaque anatolienne, bordée au nord par la plaque eurasienne et au sud-est par la plaque arabique. Il s’agit d’une des principales zones sismiques du globe.

Le séisme de lundi s’est produit au niveau de la faille est-anatolienne, c’est-à-dire à la jonction entre la plaque anatolienne et celle arabique, longue d’environ 700 km. La plaque arabique s’est déplacée vers le nord, se frottant à la plaque anatolienne.

Survenu en pleine nuit à 4h17 locales (1h17 TU), selon l’institut sismologique américain USGS, à une profondeur d’environ 17,9 kilomètres, l’épicentre se situe dans le district de Pazarcik, dans la province de Kahramanmaras (sud-est). Il a été suivi quelques heures plus tard par une deuxième secousse, d’une magnitude de 7,5, à quatre kilomètres de la ville d’Ekinozu, dans le sud-est du pays.

Un séisme de 7,8 sur l'échelle de Richter a touché le sud-est de la Turquie, suivi d'une deuxième secousse de 7,5.
Un séisme de 7,8 sur l’échelle de Richter a touché le sud-est de la Turquie, suivi d’une deuxième secousse de 7,5. © Studio graphique FMM

Ce séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999 près d’Izmit, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul. Suite à cela, les autorités avaient multiplié des mesures de prévention des risques. Des initiatives bienvenues dans un pays qui, depuis 1900, a enregistré plus de 210 tremblements de terre d’une magnitude égale ou supérieure à 6 sur l’échelle de Richter, selon l’Agence gouvernementale de gestion des catastrophes (Afad).

Les plus grands séismes de Turquie depuis 1900

♦ 1903 :  2 803 personnes meurent lorsqu’un tremblement de terre de magnitude 7,0 frappe le district de Malazgirt dans la province orientale de Muş.

♦ 1912 : un tremblement de terre de magnitude 7,3 frappe le district de Şarköy, dans le nord-ouest de la province de Tekirdağ, provoquant la mort 2 836 personnes.

♦ 1914 : un séisme de magnitude 7,0 dévaste la province du sud-ouest de Burdur et tue 2 344 personnes.

♦ 1939 : 32 962 personnes meurent dans un tremblement de terre de magnitude 7,9 – le plus fort depuis le XVIIe siècle – qui secoue le nord-est de la province d’Erzincan et laisse la ville en ruines.

♦ 1942 : 3 000 personnes succombent dans un tremblement de terre de magnitude 7,0 ayant frappé le district de Niksar, dans la province centrale de Tokat, dans la mer Noire.

♦ 1943 : un séisme de magnitude de 7,4 touche le district de Ladik de la province de la mer Noire de Samsun, tuant 2 824 personnes.

♦ 1944 : un tremblement de terre de magnitude 7,2 frappe le district de Gerede, dans la province de Bolu, dans l’ouest de la mer Noire, tuant 3 959 personnes.

♦ 1966 :  2 394 personnes meurent lorsqu’un tremblement de terre de magnitude 7,2 frappe le district de Varto, dans la province orientale de Muş.

♦ 1970 : Un tremblement de terre de magnitude 7,2 dévaste le district de Gediz, dans la province occidentale de Kütahya, faisant 1 086 victimes.

♦ 1975 : 2 394 personnes meurent dans un tremblement de terre de magnitude 6,9 ​​dans le district de Lice, dans le sud-est de la province de Diyarbakir.

♦ 1976 : un tremblement de terre de magnitude 7,0 frappe le district de Çaldıran dans l’est de la province de Van, tuant 3 840 personnes.

♦ 1983 : un tremblement de terre de magnitude 6,9 ​​touche le district de Horasan, dans la province orientale d’Erzurum, tuant 1 155 personnes.

♦ 1999 : 17 480 personnes meurent dans un séisme de magnitude 7,4, dans le district de Gölcük de la province d’Izmit, affectant une grande partie de la région de Marmara. Plus tard en novembre, un tremblement de terre de magnitude 7,1 frappe la province voisine de Düzce, tuant 710 personnes.

♦ 2011 : un tremblement de terre de magnitude 7,0 frappe l’est de la province de Van, faisant 644 victimes.

♦ 2020 : en octobre, un séisme de magnitude 7,0 se produit en mer Égée, au sud-ouest d’Izmir, troisième plus grande ville de Turquie, et près de l’île grecque de Samos, et fait 116 morts.

Carte des tremblements de terre en Turquie entre 1900 et 2020.
Carte des tremblements de terre en Turquie entre 1900 et 2020. © Phoenix7777/CC BY-SA 4./ Wikimedia Commons

Le sud-est de l’Anatolie, la région où est survenu le séisme de lundi, est une zone à risque. Des séismes majeurs y sont observés depuis l’Antiquité. La ville d’Antioche, par exemple, a été durement frappée à deux reprises par des tremblements de terre d’une magnitude estimée supérieure à 7, en 115 et 526, avec plus de 250 000 morts à chaque fois.

Mais cela faisait 200 ans qu’aucun séisme d’une telle ampleur n’avait frappé cette zone. Le dernier remonte au 13 août 1822, où un tremblement de terre d’une magnitude estimée à 7,4 avait causé des dizaines de milliers de morts (les historiens évaluent les victimes entre 20 et 60 000) et des destructions très importantes. Des répliques auraient continué à secouer la région pendant près de deux ans.

Depuis, le manque d’activité sismique notable a pu amener la population à « négliger l’importance de sa dangerosité », selon Roger Musson, chercheur associé au British Geological Survey interrogé par l’AFP. Une durée qui signifie également « qu’une assez grande quantité d’énergie a pu s’accumuler » le long de la faille. Supposition confortée par la survenue d’une puissante réplique après la secousse principale. Quand la tension devient trop forte, la plaque avance brusquement et « la libération de ce mouvement produit un séisme majeur ».

Outre le manque de préparation et l’absence de signe avant-coureur, les experts pointent l’heure du drame pour expliquer le nombre de victimes : à 4h, heure locale, la plupart des habitants dormaient chez eux et se sont retrouvés coincés quand leurs maisons se sont effondrées. Mais ils s’interrogent également sur les normes de construction des bâtiments dans la région, vu l’ampleur des destructions constatées.

Mais les sismologues s’inquiètent aussi des répliques, qui peuvent survenir encore dans les heures ou jours à venir. Dans la journée de lundi, pas moins de 185 répliques ont été enregistrées, consécutives aux deux premières secousses. Plusieurs répliques ont été enregistrées dans la nuit, mardi avant l’aube. La plus forte, de magnitude 5,5, a été enregistrée à 6h13 (heure locale) à 9 kilomètres au sud-est de Gölbasi, dans le sud du pays.

Le bilan, lui, ne cesse de s’alourdir alors qu’évaluer l’ampleur des dégâts est encore compliqué.

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