Emmanuel Abayisenga, un ressortissant rwandais de 42 ans, a été condamné mercredi 29 mars à quatre ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de la ville, qui a retenu une altération du discernement de cet homme au moment des faits. Jugé pour destruction et dégradation du bien d’autrui, il a reconnu les faits dès le début de l’audience.
Frêle silhouette perdue dans un anorak rouge, Emmanuel Abayisenga s’avance péniblement, l’air désorienté. La présidente revient d’abord sur les faits : le feu mis en trois points de la cathédrale le 18 juillet 2020, mais aussi cet email, envoyé trois heures avant l’incendie, qui a rapidement fait de lui le principal suspect.
Le Rwandais, sacristain bénévole, y laissait transparaitre, rappelle la cour, « son amertume et sa détresse d’être arrivé aux bouts de ses démarches pour faire annuler une obligation de quitter le territoire ». Une « injustice » pour Emmanuel Abayisenga, qui écrivait en outre que le violent passage à tabac qu’il avait subi un soir de 2018 en fermant la cathédrale après y avoir installé du matériel de sonorisation aurait dû peser en sa faveur.
D’un tout petit « oui », l’accusé reconnait avoir mis le feu, mais ses problèmes d’audition, ses allers-retours entre le français et le kinyarwanda et son angoisse manifeste rendent l’interrogatoire laborieux.
Envahi par des souvenirs traumatiques
À force de délicatesse, la présidente glane quelques explications. L’homme raconte que ce matin-là, il était allé prier pour s’apaiser, mais avait dû s’interrompre à cause de son incontinence, séquelle de l’agression. Et c’est en passant, justement, près de l’endroit où il avait été attaqué, que les souvenirs traumatiques l’ont envahi. J’ai perdu le contrôle, souffle l’accusé, qui indique s’en être pris à trois éléments de sonorisation, dont les orgues parce qu’il les associait à l’agression. Ce n’était pas, dit-il, un geste de colère lié à la décision d’expulsion. « Je regrette. Je voulais donner ma contribution au pays qui m’a accueilli, mais ça ne s’est pas passé comme ça. Pardon », murmure-t-il.
Un peu plus tôt, l’accusé avait soudainement reconnu avoir menti sur sa jeunesse au Rwanda et inventé des traumatismes qu’il n’avait pas subis. Le tribunal a finalement estimé que son discernement avait été altéré au moment de son passage à l’acte, en lien avec le traumatisme de son agression. Il a aussi rejeté la demande du parquet, qui avait sollicité une interdiction définitive du territoire français. Parce qu’Emmanuel Abayisenga est mis en examen dans une autre affaire, l’assassinat d’un prêtre un an après l’incendie, mais aussi, a souligné la présidente, parce que « le tribunal ne dispose pas d’éléments pour évaluer ce que serait sa situation au Rwanda ».