C’était le 29 juillet 2013, aux environs de 22 h. Sofia Fassi Fehri venait de finir de souper avec des amis dans un restaurant de Saint-Laurent, à Montréal. Le groupe a convenu de poursuivre la soirée en allant prendre un verre dans un autre endroit. Pour s’y rendre, la jeune femme alors âgée de 24 ans est montée sur la moto d’un ami.
À peine quelques minutes après le départ, à une intersection, la moto s’est fait couper la route par un véhicule, qu’elle a percuté de plein fouet. Fassi Fehri a été expulsée du bolide. Elle a atterri huit mètres plus loin, sur le dos.
« Je me souviens de tout. Je me suis fracturé pas mal de choses. Le dos, les deux jambes… J’ai eu un coup à l’épaule, j’ai eu un traumatisme crânien. J’étais bien maganée », raconte-t-elle à La Presse dans un petit café rue Centre, à Montréal.
Sofia, Marocaine arrivée au Québec en 2007 pour les études, a été transportée à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Elle a été opérée au dos le lendemain matin. Depuis ce soir de juillet 2013, elle est paraplégique. C’est-à-dire qu’elle ne sent plus rien du milieu de son torse jusqu’à ses pieds.
« Au début, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie, se souvient-elle. Mais j’ai une famille qui me soutient beaucoup. Ça s’est plutôt bien passé. Je n’ai jamais perdu le moral ni rien du tout. »
Fassi Ferhi a passé une semaine aux soins intensifs, puis une semaine aux soins intermédiaires avant de commencer sa rééducation. Son objectif : « devenir le plus autonome possible ». Ce qu’elle a fait. En route vers une longue carrière de basketteuse en fauteuil roulant…
Meriam et Zineb
Sofia Fassi Fehri a deux sœurs : Meriam et Zineb, deux jumelles qui étudiaient en France au moment de l’accident. Quelques mois après celui-ci, une fois leurs études terminées, elles ont décidé de déménager au Québec.
« La seule pensée qu’on a eue, c’est qu’on irait la rejoindre », se remémore Meriam.
Les trois frangines ont toujours été très proches. « On est sœurs et meilleures amies ! », résume simplement mais efficacement Meriam. Pendant leur enfance au Maroc, elles ont fait toutes sortes de sports ensemble. Mais Sofia a toujours voué un amour particulier au soccer.
« Depuis que je marche, je joue au soccer. Depuis que je ne marche plus, je ne joue plus ! », lance-t-elle en riant de bon cœur.
Après son accident, il était hors de question pour elle de rester inactive. Au centre de réadaptation Lucie-Bruneau, elle a fait la connaissance d’une kinésiologue avec qui elle a fait le tour des sports adaptés. Elle les a tous essayés. Sa sœur Meriam, désireuse d’accompagner Sofia dans son sport, en a testé deux avec elles : le rugby et le basketball.
« Quand j’ai essayé le basket, j’ai dit : “Si tu ne joues pas, moi, je vais jouer”, raconte cette dernière. C’était aussi simple que ça ! J’ai vraiment accroché, adoré. »
« On a opté pour le basket et on n’a pas arrêté depuis ! », ajoute-t-elle.
Zineb, absente lors de l’entretien avec La Presse, s’est jointe à elles l’année suivante. Le système de classification des sports adaptés permet aux athlètes qui n’ont pas de handicap de pratiquer le sport. À ce jour, les trois sœurs évoluent dans la même équipe de niveau AA au sein de leur club, le Centre d’intégration à la vie active (CIVA), ainsi que sur l’équipe du Québec. Sofia et Meriam jouent aussi dans le AAA.
« On aime vraiment jouer ensemble parce qu’on se comprend ! », laisse entendre Meriam en regardant Sofia.
« Ça arrive souvent que ça chauffe, mais ça refroidit aussi vite, enchaîne cette dernière. C’est la blague entre nous. On parle arabe ; sur le terrain, dès qu’on switch à l’arabe, ça veut dire qu’on est en train de s’engueuler ! »
Notons que Sofia prendra part à un camp avec l’équipe nationale, au Colorado, à la mi-mai. Seules les joueuses avec un handicap sont admissibles.
Une communauté
En jouant au basketball, Sofia Fassi Fehri a trouvé bien plus qu’une nouvelle façon de dépenser son énergie.
« J’ai surtout rencontré une communauté, dit-elle. J’ai rencontré des gens avec des handicaps qui sont passés par des choses que j’ai vécues. Des gens avec lesquels je peux parler de certaines choses et qui me comprennent. »
Sa sœur Meriam a aussi appris de cette expérience, différemment. « Tu te rends compte que… OK, il y a un handicap, ça se voit. Mais ils peuvent tout faire, indique-t-elle. Il y a les sports, ils peuvent voyager. Si tu te donnes les moyens, tu es capable. »
Les sœurs ont essayé différents sports, comme le ski alpin et le ski nautique adapté. À l’été, elles ont prévu un voyage en Grèce afin de faire du kitesurf adapté. « Si tu veux faire quelque chose, tu fais des recherches et tu vas trouver un moyen », lance Sofia.
« Pour n’importe quelle activité, il y aura toujours un passionné qui, à un moment, a eu de la malchance et a fait en sorte de rendre ça accessible à plus de monde », ajoute Meriam.
Et puis, il y aura toujours les sœurs Fassi Fehri pour essayer !