En Thaïlande, les élections législatives auront lieu ce dimanche 14 mai. Elles donneront peut-être l’occasion à l’opposition de revenir sur le devant de la scène politique, après neuf ans au pouvoir de l’armée et des partis pro-militaires. L’insoutenable pollution de l’air dans plusieurs régions de la Thaïlande s’est invitée dans cette campagne pour les élections législatives.
Provoquant une véritable crise sanitaire publique, la pollution a obligé les candidats et leurs partis de se positionner sur ce sujet environnemental.
Les habitants de Bangkok et de plusieurs villes du Nord de la Thaïlande ont étouffé de longues semaines sous un air toxique. Cet énième épisode de pollution atmosphérique sévère est due à de multiples feux de forêt, mais aussi au brulage des chaumes par les agriculteurs. Bien qu’interdite, cette pratique reste très répandue en Thaïlande. Conséquence : entre février et avril, plusieurs millions de patients ont été hospitalisés pour des problèmes respiratoires.
Problème de santé publique
« C’est une véritable crise de santé publique », estime Weenarin Lulitanonda, membre de l’ONG thaïlandaise Clean Air Network (CAN). Militante de longue date, elle se dit encouragée par les promesses pour améliorer la qualité de l’air que tous les partis thaïlandais – du plus conservateur et pro-armé au plus réformiste – ont dû faire à l’approche des scrutins. Mais elle reste sceptique.
« L’air que nous respirons n’est rien d’autre que notre droit à la vie en tant qu’être humain. Ce droit devrait être au-dessus des intérêts politiques ou commerciaux. Reste à savoir si ce sera le cas ou non », poursuit-elle. Puisque selon le Clean Air Network ce ne seront pas tant les politiques qui pourraient faire la différence, mais les puissantes entreprises agro-alimentaires.
Le cannabis, des volutes de fumée dans la campagne
Au-delà de l’éternel face à face de l’armée avec l’opposition « rouge » soutenue par le vote paysan, un débat a émergé au cœur de la campagne : celui de la libéralisation du cannabis, que certains candidats accusent d’être un danger pour la jeunesse, rapporte Carol Isoux, notre correspondante à Bangkok.
Cette année, Chuvit Kamolvisit n’est pas candidat. L’homme de 62 ans, figure flamboyante de la vie politique thaïlandaise, ancien proxénète, ancien député devenu activiste anti-corruption, interpelle les candidats aux législatives sur un sujet qui lui tient à cœur : la loi sur la dépénalisation du cannabis. Effective depuis juillet, elle a donné lieu à l’apparition de magasins et de fumoirs partout dans le pays et serait responsables d’une hausse de la consommation de stupéfiants par les adolescents.
Le ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul, qui a piloté la réforme, a beau jurer qu’il s’agit de profiter des bénéfices médicaux de la plante, Chuvit Kamolvisit l’accuse de n’avoir considéré que la manne financière du tourisme du cannabis, au détriment de la jeunesse locale. « Le ministre répète que c’est une réforme qui va rendre le monde meilleur, alors je me demande : pourquoi ne rendre le monde meilleur que dans les endroits touristiques, à Bangkok, Pattaya ou Phuket ? Les ados fument jusqu’à en perdre conscience, on peut même commander de l’herbe sur internet maintenant, alors que les cigarettes, c’est interdit », estime-t-il.
La Thaïlande vise de devenir une place forte mondiale d’export du cannabis. À la tête de son propre parti, le ministre de la Santé a vu sa popularité plonger après la réforme, mais il reste un acteur important en vue d’une éventuelle coalition gouvernementale, après les élections.