Faillite de FTX: Sam Bankman-Fried, le roi déchu des cryptomonnaies face à la justice

Sa chute a été aussi rapide que son ascension vers le sommet du secteur des cryptomonnaies fut fulgurante. Le visage rond, la chevelure abondante et bouclée, toujours affublé d’un short et d’un tee-shirt, Sam Bankman-Fried est passé en l’espace de quelques jours de héros des monnaies numériques à paria du secteur.

Le jeune entrepreneur, patron de l’entreprise FTX, a explosé en plein vol et est aujourd’hui accusé de ce qui pourrait être l’une des plus grosses fraudes financières de l’histoire des États-Unis alors que son procès débute ce mardi 3 octobre à New York et qu’il pourrait être condamné à passer le reste de sa vie en prison.

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À l’origine, l’histoire a pourtant tout d’une « success story » à l’américaine. Diplômé de mathématiques et de physique du prestigieux MIT, Sam Bankman-Fried fait de sa petite start-up lancée en 2019 le numéro deux mondial des plateformes d’échange de cryptomonnaies en quelques mois. L’ascension est stratosphérique : à même pas trente ans, « le Mozart des cryptos » se fait une place dans le paysage médiatique et politique. En 2021, il apparaît pour la première fois en costume cravate au Congrès américain pour s’exprimer lors d’une audition sur les cryptomonnaies.

« Seul Mark Zuckerberg est devenu si riche, si jeune »

Le jeune homme est charismatique. Il plaît aux politiques et son message clair et sa vision limpide de l’avenir des cryptomonnaies rassure les investisseurs et donne de la crédibilité à un secteur dont la volatilité inspire beaucoup de méfiance. « SBF », comme il est surnommé, va jusqu’à s’afficher sur scène aux Bahamas lors d’une conférence sur les cryptomonnaies aux côtés de Bill Clinton et Tony Blair…

Il n’hésite alors pas à dépenser sans compter pour faire la promotion de sa plateforme à grande échelle. Rien n’est trop beau pour FTX qui va par exemple donner son nom à la salle de l’équipe de basket du Miami Heat en échange de 135 millions de dollars. L’entreprise s’offre également une publicité à la mi-temps du Superbowl 2022 ou engage des stars américaines comme le basketteur Stephen Curry ou le footballeur Tom Brady pour vanter les mérites de la plateforme d’échange.

Et cela marche. Bankman-Fried lève des dizaines de millions de dollars de fonds. À son apogée, FTX est alors valorisée à 32 milliards de dollars, soit 26 milliards d’euros. « Seul Mark Zuckerberg est devenu si riche, si jeune », titrait le magazine Forbes en octobre 2021.

Rendre le monde meilleur à l’aide des cryptos

Diagnostiqué dans sa jeunesse comme ayant un trouble déficitaire de l’attention, les parents de Sam Bankman-Fried se rendent assez rapidement compte des capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne de leur fils. Élevé en Californie à Stanford, où Joseph Bankman et Barbara Fried sont depuis les années 90 des professeurs de droit reconnus, « SBF » passe son enfance à entendre ses parents parler de politique avec d’autres sommités universitaires de la côte ouest. Une influence familiale qui le pousse assez rapidement à s’intéresser à la philosophie utilitariste et à prôner « l’altruisme efficace », un courant de pensée en vogue dans la Silicon Valley dont ambition est de déterminer les méthodes les plus efficaces pour aider les autres, puis de les mettre en œuvre. Car si le jeune homme amasse des milliards de dollars avec les cryptos, le but est avant tout, selon lui, de « faire un maximum d’argent pour en donner un maximum », expliquait-il lors d’une interview à CNBC en septembre 2022. 

À en croire Sam Bankman-Fried, l’objectif numéro un de FTX serait donc de rendre le monde meilleur à l’aide des cryptos, et ce alors même qu’en octobre 2021, le néo-milliardaire n’avait fait don que de 25 millions de dollars, soit 0,1% de sa fortune, le plaçant ainsi parmi les membres les moins généreux du classement des 400 personnes les plus riches du monde de Forbes.

Confronté à cette ambivalence, la nouvelle star des cryptos admettait « qu’il y avait encore beaucoup de travail à faire de ce point de vue » et qu’il « ne s’agissait pas d’un objectif à court terme, mais à long terme ». La suite des événements ne lui a toutefois pas laissé le temps de mettre en œuvre ses grands objectifs philanthropiques, car en novembre 2022, les choses se gâtent lorsque le média CoinDesk révèle qu’Alameda Research, une entreprise fondée par Sam Bankman-Fried avant FTX, a converti une bonne partie de ses actifs en FTT, la cryptomonnaie créée par FTX, ce qui l’expose à une chute de la devise. Une partie des fonds des clients de FTX avait ainsi été utilisée, à leur insu, pour alimenter la filiale Alameda, afin d’effectuer des placements risqués.

8,7 milliards de dollars partis en fumée

Un mouvement de panique a immédiatement suivi, particuliers ou partenaires commerciaux cherchant tous à récupérer leur mise dans l’urgence, au point de provoquer la chute de FTX, placé en dépôt de bilan. Une fois la poussière retombée, quelque 8,7 milliards de dollars manquaient à l’appel, selon l’administrateur judiciaire nommé pour gérer la liquidation. Parmi, les investisseurs lésés, on retrouve alors des personnalités comme la superstar du foot américain Tom Brady, son ex-femme Gisele Bündchen, le basketteur Stephen Curry, le magnat du pétrole Robert Belfer, la joueuse de tennis Naomi Osaka ou encore l’ancien porte-parole de Trump, Anthony Scaramucci.

Face à l’ampleur de l’affaire, le procureur fédéral de Manhattan, Damian Williams, ouvre une enquête et accuse « SBF » d’avoir détourné les fonds de clients de FTX pour les injecter dans Alameda, mais aussi pour acheter plusieurs centaines de millions de dollars d’immobilier aux Bahamas ou faire des dons à des candidats politiques. Près de 40 millions de dollars de dons auraient été consentis en 2022 aux démocrates, mais aussi aux républicains, selon CBS.

Inculpé notamment pour fraude et association de malfaiteurs, Sam Bankman-Fried est extradé vers les États-Unis depuis les Bahamas où il avait basé FTX à la fin du mois de décembre 2022. Il a tout d’abord échappé à la prison en s’acquittant d’une caution monumentale de 250 millions de dollars, mais il ne comparaîtra finalement pas libre à son procès qui s’ouvre ce mardi 3 octobre à New York. Sa liberté sous caution a été révoquée en août, la justice l’accusant d’avoir fait fuiter des documents au New York Times pour tenter d’influencer le témoignage de Caroline Ellison, l’ancienne PDG d’Almeda et ex-petite amie du milliardaire. 

Un procès aux airs de grand déballage

Elle aussi inculpée avec trois autres cadres de FTX, la jeune femme de 29 ans a accepté de collaborer avec la justice américaine et de plaider coupable des sept chefs d’inculpation – les mêmes que ceux retenus contre Bankman-Fried – qui lui sont reprochés en échange d’un accord avec le département de la Justice pour éviter de nombreuses années de prison. Elle devrait ainsi témoigner à charge contre Sam Bankman-Fried lors du procès qui devrait durer cinq à six semaines et s’annonce comme un grand déballage.

De son côté, « SBF » a toujours clamé son innocence, assurant qu’il n’avait jamais eu connaissance des mouvements de fonds opérés entre FTX et Alameda. Quelques jours après l’implosion de FTX, il avait simplement admis avoir « foiré », mais il dément tout détournement de fonds et charge régulièrement ses anciens collègues, notamment Caroline Ellison, qui devraient témoigner contre lui lors du procès. « Je suis fauché, je porte un bracelet électronique et je suis l’une des personnes les plus haïes au monde », écrivait-il récemment dans un document publié récemment par le New York Times. « Il n’y a rien que je puisse faire qui donne à ma vie un bilan positif. Mais la vérité, c’est que j’ai fait ce que je pensais être juste ». Cela pourrait toutefois valoir à Sam Bankman-Fried jusqu’à 115 années de prison.

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