Ce lundi, le mari de la lauréate 2012 du prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de l’esprit, Mme Nasrin Sotoudeh, a confirmé l’arrestation de cette dernière. Me Sotoudeh a été interpellée dimanche à Téhéran, relate Reza Khandan. Les faits se sont déroulés lors des funérailles d’une adolescente décédée la veille dans des conditions troubles.
L’agence officielle iranienne Fars avait elle-même donné l’information dimanche soir, assurant que la célèbre avocate avait « été arrêtée et remise à l’autorité judiciaire » pour « ne pas avoir porté le voile » et pour avoir « perturbé la sécurité mentale de la société ».
Joint par RFI, M. Khandan revient sur les circonstances des faits en d’autres termes : « Mon épouse, dit-il, assistait hier [dimanche] aux funérailles d’Armita Garawand à Behesht-é Zahra, le grand cimetière de Téhéran. Les amis nous ont informés qu’elle et quelques autres personnes ont été arrêtées à cette occasion. Selon eux, Nasrin a été battue violemment. »
Lors d’une « très courte conversation » par téléphone, poursuit-il, sa conjointe lui a « confirmé que l’arrestation s’était déroulée avec violence », et lui a demandé « de lui apporter une paire de lunettes, car celles qu’elle portait au moment de l’arrestation avaient été cassées ». Et d’ajouter que les autorités n’ont pas accepté la paire qu’il a voulu lui faire passer.
Lui-même condamné en 2019 à la prison, mais libre, il rappelle qu’en Iran, « les personnes accusées de délits politiques et d’opinion ne peuvent pas bénéficier de l’assistance d’un avocat durant l’instruction, ce qui est contraire à la procédure judiciaire pratiquée partout dans le monde ».
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Prison Qarchak et grève de la faim
Selon les informations de son mari, les personnes arrêtées avec Mme Sotoudeh auraient d’abord été conduites dans un lieu de détention, puis dans un autre, avant finalement de passer la nuit de dimanche à lundi, dit-il, « dans le fameux centre de détention Vozara », où Mahsa Amini elle-même « s’est effondrée suite aux coups reçus », rappelle-t-il.
Reza Khandan fait ici référence à la jeune femme décédée après son arrestation par la police des mœurs en 2022, pour un voile mal porté, un drame qui allait conduire à un mouvement de protestation inédit en République islamique d’Iran.
Toujours de même source, Nasrin Sotoudeh et les autres personnes arrêtées ont ensuite été conduites au parquet d’Evin, mais comme elle et une autre personne refusaient de se voiler pour être présentées à un juge d’instruction, elles ont passé du temps « dans le fourgon cellulaire ».
L’autre femme ayant refusé de mettre son voile ce lundi s’appelle Manzar Zarrabi. En 2020, notre interlocuteur explique qu’elle a perdu quatre de ses enfants et petits-enfants dans l’avion ukrainien qui avait alors été abattu par la défense anti-aérienne des Pasdarans au-dessus de Téhéran.
Ce lundi soir, M. Khandan a confié à RFI que son épouse était en route pour la prison pour femmes de Qarchak, et qu’elle a engagé une grève de la faim.
« Une nouvelle voie pour l’avenir »
La jeune femme dont les obsèques ont donné lieu aux arrestations de ce week-end était une lycéenne de 17 ans, originaire d’une région kurde. Elle s’est éteinte samedi dans un hôpital après environ un mois de coma, à la suite d’un malaise dans le métro, « une chute de tension » selon les autorités, qui nient toute altercation entre elle « et des passagers ou des cadres du métro ».
Des ONG contestent cette version, et assurent que la jeune Armita Garawand a été violemment agressée par des membres de la police des mœurs, chargés de faire appliquer l’obligation pour les femmes de porter le voile dans le métro.
« Je souhaite exprimer mon admiration pour les femmes et les hommes iraniens qui depuis des années, et plus particulièrement depuis un an, luttent pour leur liberté, déclare M. Khandan. Le mouvement « femme, vie, liberté », malgré la répression, les meurtres et les exécutions, a insufflé un nouvel esprit et ouvert une nouvelle voie pour l’avenir. »
J’exprime mon respect pour ces femmes et ces jeunes.
Depuis 2010, Nasrin Sotoudeh a déjà été arrêtée, condamnée et libérée à plusieurs reprises. Elle avait été graciée en 2013, avant de vivre de nouveaux démêlés avec la justice à partir de 2018, notamment. Elle a, depuis treize ans, fait plusieurs grèves de la faim. Elle se trouvait en liberté en raison de sa santé fragile.