La rumeur enflait depuis des jours au Royaume-Uni : le remaniement ministériel a donc bien eu lieu. La ministre de l’Intérieur Suella Braverman a été démise de ses fonctions et remplacée par le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly.
La ministre de l’Intérieur est une personnalité clivante, explique la correspondante de RFI à Londres, Emeline Vin. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la semaine passée : elle avait critiqué à plusieurs reprises la gestion des manifestations pro-palestiniennes par la police londonienne. Au cours du week-end, des débordements se sont bien produits, mais en marge des commémorations du 11-Novembre et de la part de groupuscules d’extrême droite.
Suella Braverman au cœur de la tempête
C’est loin d’être la première polémique de Suella Braverman. Rishi Sunak l’avait pourtant maintenue à son poste, pour se protéger de sa capacité de nuisance et en tant que caution envers la droite du Parti conservateur. Mais en multipliant les sorties offensives, la ministre est devenue plus dangereuse au sein du gouvernement qu’à l’extérieur. C’est la deuxième fois que Suella Braverman est démise de ses fonctions à l’Intérieur : Liz Truss l’avait renvoyée en 2022 pour avoir enfreint le code ministériel. Ce lundi matin, Suella Braverman écrit que ce poste « avait été le plus grand honneur de sa vie » et qu’elle s’exprimerait davantage « en temps voulu ».
James Cleverly devient donc, à sa place, ministre de l’Intérieur. Le changement de poste de cette figure du gouvernement, âgé de 54 ans, déclenche donc un remaniement plus large puisqu’il était lui-même l’actuel ministre des Affaires étrangères.
Le retour surprenant de David Cameron
C’est l’ex-Premier ministre britannique David Cameron (57 ans) qui fait son retour au gouvernement en prenant la tête de la diplomatie britannique. Un retour en politique aussi spectaculaire qu’inattendu pour celui qui avait déclenché le référendum sur le Brexit en 2016, a annoncé Downing Street. « Le pyromane est de retour », c’est ainsi que qualifie de nombreux internautes la nomination de David Cameron. L’ancien Premier ministre qui, comme il le reconnait lui-même, faisait profil bas ces sept dernières années, se dit heureux de revenir au gouvernement sur proposition de Rishi Sunak.
Afin de pouvoir entrer au gouvernement alors qu’il n’était plus député, David Cameron a été nommé à la Chambre haute du Parlement britannique, celle des Lords, toujours selon Downing Street, qui a, en outre, indiqué que le ministre des Finances Jeremy Hunt serait maintenu à son poste.
David Cameron prend donc la tête de la diplomatie britannique dans un contexte très compliqué avec la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas, mais aussi tout un tas de défis à relever comme le réchauffement climatique. Et comme il l’explique sur les réseaux sociaux, il compte sur son expérience – 11 ans à la tête du parti conservateur et 6 en tant que Premier ministre – pour relever ces défis.
Une « plaisanterie »
Mais cette nomination va aussi permettre à sa formation politique d’affronter dans les meilleures conditions les prochaines élections législatives qui doivent se tenir au plus tard le 28 janvier 2025. Car actuellement, le Labor est actuellement à la traîne dans les sondages et en faisant revenir aux affaires David Cameron, le Premier ministre Rishi Sunak cherche à séduire les électeurs les moins radicaux, c’est-à-dire ceux qui manquent au parti conservateur.
« On peut y voir une volonté d’avoir un homme de forte expérience face aux troubles internationaux qui secouent l’ensemble du monde. L’expérience de David Cameron peut servir mais je pense que ça ne suffira pas », commente, de son côté, Aurélien Antoine, professeur à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne et directeur de l’observatoire du Brexit.
Le choix de David Cameron, ministre plutôt centriste, symbolise aussi une volonté de rassembler un parti très large mais aussi très fracturé. Il vient aussi contrebalancer la nomination de James Cleverly, une personnalité conservatrice visant à rassurer l’aile dure du parti.
Du côté de l’opposition, cette décision fait beaucoup parler. Chez les Verts, on voit dans le retour de David Cameron un choix désespéré, « le signe que Rishi Sunak n’a plus aucune personne de talent disponible ». Pour les Travaillistes, cela montre que la volonté de Rishi Sunak de tourner la page de 13 ans d’échec des conservateurs est une « plaisanterie ».