Avant même le début de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Immigration porté par Gérald Darmanin, son texte a été rejeté par les oppositions qui ont voté la motion préalable de rejet déposée par les écologistes. Elle a été adoptée à cinq voix près, 270 voix pour, 265 contre.
Cet écart extrêmement ténu illustre l’incertitude qui aura présidé jusqu’au bout sur l’issue de ce vote, observe Eric Chaurin, du service politique de RFI. Même avec une Nupes en sommeil, celui de l’ensemble de la gauche – Insoumis, socialistes, communistes et écologistes – était acquis depuis longtemps. La question se posait en revanche pour la droite et l’extrême droite. Le suspense aura finalement duré jusqu’au bout. Les élus du Rassemblement national ont arrêté leur position juste avant les débats, alors que Les Républicains ont attendu le propos liminaire du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour sortir de l’Hémicycle et arrêter la leur. Les deux formations ont donc fait le même choix en votant la motion de défiance, mais pour des raisons diamétralement opposées à celles de la gauche.
L’adoption de la motion entraîne l’interruption de l’examen du texte avant même que ne soient abordés les articles au fond. Le gouvernement peut choisir désormais de laisser le texte poursuivre son parcours législatif au Sénat ou en commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, ou décider de l’abandonner.
Darmanin a proposé sa démission
Gérald Darmanin « a remis sa démission » ce lundi soir à Emmanuel Macron « qui l’a refusée ». « Le président de la République a demandé à la Première ministre et au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer de lui faire des propositions pour avancer en levant ce blocage et aboutir à un texte de loi efficace », a ajouté l’entourage du chef de l’État.
La cheffe du gouvernement a invité les ministres concernés et les présidents de groupes parlementaires lundi soir à des discussions aux allures de réunion de crise. En votant en faveur d’une motion de rejet préalable, « les oppositions refusent le débat sur un sujet important pour les Français », a estimé l’entourage de la Première ministre. Cette motion de rejet, votée par LR, le RN et la Nupes, « c’est l’alliance des contraires », a ajouté la même source.
Camouflet pour le gouvernement
La gauche et le Rassemblement national (RN, extrême droite) ont salué debout dans l’hémicycle l’adoption de la motion de rejet, des députés de gauche appelant à la démission du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce rejet est un camouflet pour ce dernier, qui a fait le pari de trouver un chemin, notamment avec la droite, pour faire passer son texte à l’Assemblée nationale, après son adoption au Sénat dans une version fortement durcie.
« Darmanin a dompté les groupuscules macronistes. Mais pas l’Assemblée nationale. Ça sent le bout du chemin pour sa loi et donc pour lui », a jugé le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter). « Le désaveu qui vient de s’exprimer ce soir est extrêmement puissant », a réagi la présidente du RN Marine Le Pen, estimant avoir ainsi « protégé les Français d’un appel d’air migratoire ».
Après plusieurs allers-retours entre les deux chambres du Parlement, la réforme, qui reposait initialement sur « deux jambes » – contrôler l’immigration, améliorer l’intégration –, penchait nettement sur le volet répressif, de l’avis de nombreux observateurs, avec beaucoup de mesures pour faciliter les expulsions d’étrangers « délinquants » et décourager les entrées sur le territoire. La France compte 5,1 millions d’étrangers en situation régulière, soit 7,6% de la population, et accueille plus d’un demi-million de réfugiés. Elle compterait par ailleurs de 600 000 à 700 000 étrangers en situation irrégulière, selon les estimations des autorités.