Gaza: le point sur la résolution votée par le Conseil de sécurité de l’ONU

Alors que des milliers de Gazaouis sont en train de se faire rattraper par la famine, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé, explique notre correspondante à New York, Loubna Anaki, de se concentrer sur un objectif : comment maximiser le passage de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne ?

C’est une version édulcorée qui a été adoptée à New York. Et c’est la raison pour laquelle la résolution a non seulement été approuvée par treize États, mais surtout, qu’aucun membre du Conseil n’a voté contre. Les États-Unis et la Russie, membres permanents dotés d’un droit de veto, se sont en effet abstenus.

Ce n’est pas un texte parfait, seul un cessez-le-feu mettrait fin aux souffrances, a concédé l’ambassadrice des Émirats arabes unis, qui a coordonné les négociations. Mais les diplomates « exigent » donc, c’est le terme retenu dans le texte final, une aide humanitaire « à grande échelle », et rapidement, pour la bande de Gaza.

Il est exigé de toutes les parties qu’elles « autorisent et facilitent l’acheminement immédiat, sûr et sans entrave d’une aide humanitaire à grande échelle » pour les civils palestiniens, et qu’elles « facilitent l’utilisation de toutes les routes disponibles vers et dans toute la bande de Gaza » à cette fin. Les parties sont appelées à « créer les conditions d’une cessation durable des hostilités », formulation issue d’un compromis.

Le Conseil demande par ailleurs au secrétaire général de l’ONU de nommer un coordinateur pour superviser les opérations, que ce responsable soit chargé de créer un mécanisme onusien pour accélérer l’aide, autre formulation issue d’un compromis, et qu’il rende son premier rapport d’ici à 20 jours. La résolution exige enfin la libération des personnes retenues en otage, et que suffisamment de carburant soit autorisé à entrer dans l’enclave pour répondre aux besoins humanitaires.

Israël remercie les États-Unis

Un mécanisme où les Nations unies seront très impliquées dans le passage de l’aide doit donc être mis en place. L’Égypte et Israël auront encore un droit de regard, mais l’ONU pourrait avoir bien plus d’envergure sur le terrain qu’avant même les attaques du 7 octobre, alors que Gaza était déjà sous blocus israélien, rappelle notre correspondante à New York.

Le ministre israélien des Affaires étrangères a réagi, après le vote. Sur le réseau social X, Eli Cohen a assuré que son pays « continuera à agir conformément au droit international, mais examinera, pour des raisons de sécurité, toute assistance humanitaire à Gaza ».

Quant à l’envoyé israélien auprès des Nations unies, Gilad Erdan, il estime que « la focalisation de l’ONU uniquement sur les mécanismes d’aide à Gaza est inutile et déconnectée de la réalité ». À ses yeux, « Israël autorise déjà les livraisons d’aide à l’échelle requise » et « l’ONU aurait dû se concentrer sur la crise humanitaire des otages ».

M. Erdan remercie par ailleurs les États-Unis pour leur soutien lors des négociations sur le contenu du texte, dont la version finale préserve, constate-t-il à l’instar de M. Cohen, la capacité de son pays à continuer ses inspections. Et ce, alors que du côté des diplomates, maintenant que les États-Unis sont d’accord avec le schéma retenu et se sont engagés, on espère que Washington maintiendra une forte pression politique sur Israël.

Avant le vote, Washington avait mis son veto à plusieurs résolutions appelant à un cessez-le-feu permanent. Les Américains, ce vendredi, se sont abstenus. La position de l’administration Biden est claire et nette, depuis plus de deux mois : « Israël a le droit de se défendre », phrase répétée à chaque prise de paroles officielle à tous les niveaux de l’État fédéral.

« Un pas dans la bonne direction »

Pour sa part, l’envoyé palestinien à l’ONU Riyad Mansour a profité de cette réunion pour critiquer les agissements d’Israël à Gaza : « Ce à quoi nous sommes confrontés, a-t-il dénoncé, c’est une tentative de destruction de notre peuple et son déplacement à jamais de sa terre. C’est le but d’Israël, c’est son véritable objectif. Il n’y a pas d’avenir pour les Palestiniens en Palestine. »

Par son intermédiaire, les Palestiniens saluent l’amendement proposé par la Russie, auquel les États-Unis ont opposé leur veto, mais expriment néanmoins leur soutien à la résolution adoptée, « un pas dans la bonne direction », selon M. Mansour.

En revanche, le Hamas voit dans ce texte une « mesure insuffisante ». Par communiqué, le groupe armé considère qu’au cours des cinq derniers jours, « l’administration américaine a travaillé dur pour vider cette résolution de son essence et pour la publier dans cette formule faible ». Le Hamas y voit un « défi » lancé à la volonté de la communauté internationale et de l’Assemblée générale des Nations unies « de mettre fin à l’agression israélienne contre notre peuple palestinien sans défense ».

Ce texte, c’est clairement le maximum pour lequel le Conseil de sécurité pouvait s’entendre, vu l’état actuel du monde et compte tenu du lobbying d’Israël auprès de la Maison Blanche, analyse notre consœur Loubna Anaki. Mais Antonio Guterres a déjà réagi, insistant sur le fait que seul un cessez-le-feu humanitaire pourra vraiment faire avancer les choses (voir encadré).

Et malgré les appels des organisations internationales et la pression de l’opinion publique américaine, largement en faveur d’une fin des bombardements israéliens contre la bande de Gaza, les États-Unis refusent d’appeler à un cessez-le-feu. Cette semaine encore, Joe Biden a exclu tout appel à une cessation permanente des hostilités, selon l’expression utilisée.

Washington reste le premier fournisseur d’aide militaire à Israël. Il n’est donc pas étonnant que les États-Unis se soient abstenus lors du vote, même si le texte adopté n’appelle finalement pas au cessez-le-feu. Pour rappel, en coulisses, les Américains continuent de soutenir les négociations entre Israël et le Hamas pour obtenir une trêve et la libération des otages.

Il reste encore « beaucoup à faire », déplore le secrétaire général des Nations unies

Antonio Guterres s’est confié aux journalistes présents au siège de l’ONU à New York après le vote deu jour. Selon lui, juger de l’efficacité de l’opération d’aide humanitaire à Gaza sur la base du nombre de camions du Croissant-Rouge égyptien, de l’ONU et de ses partenaires qui entrent dans l’enclave, est « une erreur ». « Le vrai problème, c’est la façon dont Israël conduit son offensive, qui crée des obstacles massifs à la distribution de l’aide humanitaire à Gaza », dénonce le numéro un des Nations unies.

« Une opération d’aide efficace à Gaza nécessite la sécurité, un personnel capable de travailler en toute sécurité, une capacité logistique et la reprise de l’activité commerciale. Ces quatre éléments n’existent pas », constate M. Guterres, qui exhorte Israël à prendre des mesures visant à éliminer les obstacles à la distribution de l’aide.

Le secrétaire général condamne à nouveau les attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre, mais ajoute que « ces violations du droit international humanitaire ne pourront jamais justifier la punition collective du peuple palestinien et ne libéreront pas Israël de ses obligations vis-à-vis du droit international ». Et d’espérer que la résolution du jour contribuera à un début d’amélioration de la crise humanitaire à Gaza. Il reste « encore beaucoup à faire », prévient-il.

Un cessez-le-feu humanitaire est le seul moyen pour commencer à répondre aux besoins désespérés de la population de Gaza et mettre fin au cauchemar qu’elle vit.

Le secrétaire général précise qu’il aurait « espéré » plus, de la part du Conseil de sécurité. Il se dit par ailleurs « extrêmement déçu par les déclarations de hauts représentants israéliens remettant en cause la solution à deux États ». « Aussi difficile que cela semble aujourd’hui, la solution à deux États, en accord avec les résolutions de l’ONU, le droit international et de précédents accords, est le seul chemin vers une paix durable », considère Antonio Guterres.

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