« Plus c’est gros, plus ça pollue », affirmait début décembre la maire PS de Paris Anne Hidalgo pour justifier l’organisation d’une votation sur la mise en place d’un tarif spécifique pour les grosses voitures dans la capitale. Deux mois plus tard, 1,3 million d’électeurs parisiens sont invités à se rendre ce dimanche dans l’un des 38 lieux de vote pour répondre à la question : « Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ? ». Sont spécifiquement ciblées les voitures dites SUV, sigle anglais de Sport Utility Vehicle, aux caractéristiques combinant « celles d’une voiture de tourisme avec celles d’un véhicule utilitaire », et les 4×4.
Si le « pour » l’emporte, le visiteur dont le véhicule thermique ou hybride rechargeable dépasse 1,6 tonne, ou deux tonnes pour un véhicule électrique, devra payer 18 euros l’heure pour les arrondissements centraux, 12 euros pour les arrondissements extérieurs. Le visiteur seulement, en théorie, car ne seront pas concernés « les résidents parisiens et les professionnels sédentaires stationnés dans leur zone de stationnement autorisé, les chauffeurs de taxi dans les stations dédiées, les artisans, professionnels de santé » et les personnes handicapées, énumère la mairie.
Pollution, sécurité et partage de l’espace public
Pourquoi une telle décision, dans une capitale qui a déjà piétonnisé les quais de la Seine, interdit la circulation générale rue de Rivoli et végétalisé 200 rues en y supprimant là aussi le trafic ? Outre la question de la pollution générée par ces véhicules, la Ville fait valoir un argument de « sécurité routière », les accidents impliquant un SUV étant selon la mairie « deux fois plus mortels pour les piétons qu’avec une voiture standard ». Anne Hidalgo avait aussi mis en avant un « meilleur partage de l’espace public », les grosses voitures étant pointées du doigt comme prenant plus de place sur la chaussée. Selon la mairie, les voitures ont gagné en moyenne environ 250 kg depuis 1990.
À écouter aussiReportage France – Les Parisiens pour ou contre les SUV et à quel prix?
L’ONG WWF qualifie les SUV d’« aberration » face au réchauffement climatique : ceux-ci sont « 200 kilos plus lourds, 25 cm plus longs, 10 cm plus larges » qu’une voiture standard. En outre, ils nécessitent davantage de matériaux pour leur fabrication, consomment 15% de carburant et émettent 20% de CO2 en plus qu’une berline.
Sans surprise, les associations d’automobilistes et l’opposition fustigent l’initiative. Pour l’opposition de droite, cette votation « démontre l’étendue de la manipulation de la Ville, qui cible les SUV dans sa communication alors qu’en réalité, tout type de véhicule est susceptible d’être concerné par les normes soumises au vote ». « S’il était réellement question de limiter la pollution, une distinction serait faite entre véhicules thermiques et véhicules hybrides ou électriques », embraye la députée MoDem Maud Gatel, opposante d’Anne Hidalgo, qui reproche également à la maire d’épargner les Parisiens « alors même que les SUV « résidents » à Paris, non-concernés par la mesure, représentent 26,6% du parc selon l’agence AAA Data ».
« Un SUV moderne neuf » ne « pollue pas plus, voire moins, qu’un petit véhicule diesel d’avant 2011 », appuie l’association 40 millions d’automobilistes. Son délégué général Pierre Chasseray voit dans cette votation une simple manœuvre de séduction de la part d’Anne Hidalgo envers son électorat, puisque « seules les personnes qui ne sont pas concernées par ces mesures votent. »
Avec notre correspondante, Pascale Guéricolas
Au Québec, où les SUV forment la moitié du parc automobile, des arrondissements de la ville de Montréal ont pris des mesures. C’est le cas du quartier commerçant du Mont-Royal, où depuis quelques semaines, les tarifs des vignettes annuelles qu’utilisent les habitants pour se garer dans la rue ont presque doublé pour les SUV. Désormais, le poids du véhicule détermine le prix du stationnement. Le but : rétablir l’équité avec les automobilistes qui ont de plus petites voitures et utilisent moins d’espace sur la chaussée.
« On perd du stationnement, on perd des espaces. Ce sont des voitures qui prennent de plus en plus de place. Donc, cela peut être entre 3 000 et 7 000 places qui disparaissent à Montréal parce que les voitures sont de plus en plus grosses, explique Marianne Giguère, conseillère municipale dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal. L’entretien des espaces de stationnement comme tel nous coûte collectivement cher. L’asphalte, le déneigement, c’est de loin la facture la plus grande. » Avec cette mesure, adoptée aussi dans l’arrondissement voisin, les élus de ce quartier du centre-ville envoient un message aux conducteurs de SUV : leur choix de véhicules a aussi des incidences sur l’espace partagé pour se garer.