Arborant pour beaucoup du violet – couleur emblématique du féminisme – entre 13 000 personnes, selon la préfecture de police, et 75 000, selon les organisateurs, ont manifesté sous le soleil dans la capitale, à l’appel de plus de 200 associations, ONG et syndicats. Dans la foule, une majorité de femmes et des pancartes affichant « Ni mari ni patron, ni Marine ni Macron » ou « le machisme fait le lit du fascisme ». Et dans la sono, un tube de Clara Luciani, co-signataire avec plusieurs centaines d’artistes d’une tribune appelant au barrage face à l’extrême droite lors des législatives des 30 juin et 7 juillet.
Avec son maquillage coloré, Nina incarne à elle toute seule la ferveur de la manifestation. La jeune femme de 24 ans est fière de sa pancarte sur laquelle il est écrit : « Une bimbo contre les fachos ». « Autrement dit, les féministes contre les fascistes, contre l’extrême droite qui a toujours été motrice dans le fait de dissoudre nos droits », développe-t-elle. Nina reproche notamment au Rassemblement national sa volonté de relancer la natalité : « Leur vision de la société, c’est que les femmes sont là pour procréer. Et la procréation, chez eux, ça rime avec un retour au foyer. »
Des fleurs aux lignes fines tatouées sur les bras, Lou dénonce le féminisme de façade de Jordan Bardella. Le président du RN, qui pourrait devenir Premier ministre en cas de victoire de son parti aux élections législatives, s’est adressé cette semaine à « toutes les femmes de France » en affirmant qu’il défendrait de manière « indéfectible » leurs droits. « Ça m’a un peu fait saigner des oreilles », s’agace Lou, qui a encore en tête la position des élus du RN sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Sur 88 députés, 46 ont voté pour, 11 contre, 20 se sont abstenus et 11 étaient absents lors du Congrès à Versailles en mai dernier. « Je ne crois pas du tout qu’il parle au nom des femmes ni pour les femmes », conclut-elle.
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« À chaque fois que l’extrême droite arrive au pouvoir quelque part, elle s’attaque au droit à l’avortement »
Les leaders de la CFDT Marylise Léon, et de la CGT Sophie Binet ont aussi défilé à Paris. Tout comme l’Insoumise Clémentine Autain, l’ex-ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem ou l’actrice Corinne Masiero, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Également présente, l’actrice Judith Godrèche, engagée contre les violences sexuelles et sexistes. « À chaque fois que l’extrême droite arrive au pouvoir quelque part, elle s’attaque au droit à l’avortement, je ne vois pas pourquoi il y aurait une exception française », a déclaré à la presse Sarah Durocher, présidente du Planning familial.
Mais le droit des femmes est aussi une affaire d’hommes. Hugo, 22 ans, dit être venu « solidarité » envers toutes celles et ceux qui risquent « d’avoir des problèmes » en cas de victoire du RN. « C’est aussi un engagement que tout le monde doit prendre. Qu’on soit homme ou femme, on doit prendre part à ce combat contre le fascisme », considère Tristan, sa toute petite fille dans les bras.
Une campagne qui n’« a aucun débat d’idées, on agite les peurs »
Après deux semaines de campagne électorale éclair, l’heure est déjà à un premier bilan. Les manifestants dénoncent une campagne dominée par les invectives. « Il n’y a aucun débat d’idées. On agite les peurs, on joue sur les émotions. J’ai l’impression d’une fuite en avant », s’inquiète Camille, 28 ans.
Pour ces électeurs de gauche, la stratégie du parti présidentiel consistant à renvoyer dos à dos le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national ne passe pas. « On met sur un même plan les comportements outranciers de LFI et les idées anti-démocratiques du Rassemblement national », reproche Thibault, 22 ans. Ce tout jeune militant du Nouveau Front populaire constate en tout cas l’efficacité du discours. L’espoir des premiers jours ayant suivi la constitution de la coalition a laissé place à un profond sentiment d’inquiétude. « On se rend compte à quel point le pays est fracturé. Il est difficile de se parler. »
En régions, 14 000 manifestants ont été recensés dans 41 rassemblements, de source policière. Les organisateurs en ont annoncé « plus de 100 000 » au niveau national. À Bordeaux, 2 000 manifestants, selon la préfecture, ont marché derrière la banderole « L’extrême droite doit reculer, pas nos droits ». À Toulouse, entre 880 personnes, selon la préfecture, et 1 500, d’après les organisateurs, ont manifesté : « Femme et jeune, la double peine » ou « Lesbiennes contre le fascisme », lisait-on sur des pancartes. Ils étaient au moins un millier à Lyon, scandant, pour certains, « RN sexiste, riposte féministe ». Des manifestations ont aussi eu lieu à Rennes (350 personnes, selon la préfecture) et Strasbourg (450 selon la préfecture).