En Hongrie, l’Europe tente de sauver «l’union» face au retour de Donald Trump

Une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement sont présents dans la capitale hongroise pour un sommet de la Communauté politique européenne (CPE) ce 7 novembre 2024.
Une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement sont présents dans la capitale hongroise pour un sommet de la Communauté politique européenne (CPE) ce 7 novembre 2024. © Denes Erdos / AP

Les dirigeants européens ont convergé jeudi 7 novembre vers Budapest avec l’espoir d’afficher un front relativement uni face au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, conscients que leurs désaccords seront autant de brèches dans lesquelles le milliardaire républicain ne manquera pas de s’engouffrer.

Au lendemain d’un spectaculaire come-back politique qui a sidéré l’Amérique et le monde, une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement sont présents dans la capitale hongroise pour un sommet de la Communauté politique européenne (CPE), avant un conclave plus restreint avec seulement les 27 membres de l’UE ce 8 novembre.

De nombreux défis pour les Européens

Devenir du soutien à l’Ukraine, menace de désengagement militaire, retour en force des droits de douane, enjeux environnementaux : l’arrivée prochaine à Washington de l’imprévisible homme d’affaires, quatre ans après la fin de son premier mandat, place l’Union européenne (UE) et les pays qui en sont proches face à des défis vertigineux. En dépit d’appels répétés ces derniers mois à une plus grande « autonomie stratégique » européenne, le bloc semble pris de court face à un second mandat qu’il espérait évitable. Au niveau franco-allemand, le fameux couple, sans lequel la machine européenne se grippe immanquablement, est déjà en mauvaise posture.

En France, Emmanuel Macron est affaibli après la défaite de son camp lors des élections législatives. En Allemagne, Olaf Scholz vient de limoger son ministre des Finances Christian Lindner, signant la fin de la coalition avec les libéraux, et le pays se dirige vers des élections anticipées. Le président français a pris l’initiative de parler avec le chancelier allemand dès la victoire de Donald Trump acquise, pour affirmer ensemble la nécessité d’une « Europe plus unie, plus forte, plus souveraine dans ce nouveau contexte ».

Prise de conscience sur l’autonomie stratégique

Cela fait longtemps que le président français plaide pour une plus grande autonomie stratégique européenne, rappelle notre envoyée spéciale à Budapest, Carlotta Morteo. Mais l’élection de Donald Trump, dont la politique s’annonce plus isolationniste, plus protectionniste, peut-elle servir d’électrochoc pour les Européens ? C’est ce qu’espère Emmanuel Macron.

« C’est un moment de l’histoire décisif. Voulons-nous lire l’Histoire écrite par d’autres ? Les guerres lancées par [le président russe] Vladimir Poutine, les élections américaines, les choix faits par les Chinois en termes technologiques et commerciaux, ou est-ce qu’on veut écrire l’Histoire ? Si on décide d’avoir conscience de ce qu’on représente géopolitiquement, commercialement, c’est une puissance inouïe. »

Espérant convaincre ses partenaires, qu’il sait divisés, et transformer les discours incantatoires en actes, Emmanuel Macron file la métaphore : « Le monde est fait d’herbivores et de carnivores. Si on décide de rester des herbivores, les carnivores gagneront et nous serons un marché pour eux. Je pense qu’au moins, ce serait pas mal de choisir d’être des omnivores. Je ne veux pas être agressif. Je veux juste qu’on sache se défendre. Je n’ai pas envie de laisser l’Europe comme un formidable théâtre, habité par des herbivores, que des carnivores, selon leur agenda, viendront dévorer. »

Mais malgré l’incertitude qui plane, ainsi que les inquiétudes et les intérêts divergents entre capitales, les pays semblent partager un même constat et ont fait preuve de prise de conscience partagée : « Il n’y a pas de temps à perdre, l’histoire s’accélère, l’élection américaine doit nous faire réagir. L’Europe doit prendre en main sa sécurité et doit être un acteur majeur des négociations futures en Ukraine », a résumé VIktor Orban lui-même, en clôture du sommet.

Une déclaration surprenante pour le Premier ministre hongrois, dont on sait qu’il n’est pas un grand europhile et qu’il cultive des affinités avec Moscou. Mais cette affirmation prouve une prise de conscience partagée sur la nécessité d’aller vers une plus grande autonomie stratégique du Vieux Continent, un concept qui était loin de faire consensus il y a encore quelques années.

Face à un Donald Trump qui veut instaurer des taxes douanières, et à une Chine qui submerge le marché européen de ses produits, le président français appelle l’Europe à s’émanciper des grandes puissances.

Mais au-delà de cette volonté affichée, le risque de désunion au sein des Vingt-Sept est réel, et Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier 2025, ne devrait pas se priver de les encourager. Ce risque de désunion est notamment redouté en matière économique, face au « choc des droits de douane » annoncé. Donald Trump, qui comparaît en campagne l’UE à une « mini-Chine » qui abuse de son allié américain en accumulant des excédents commerciaux massifs, dit vouloir augmenter les droits de douane entre 10 % et 20 % pour l’ensemble des produits entrant aux États-Unis.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui n’a eu de cesse d’afficher son soutien à son « ami » Donald Trump et a immédiatement salué son « succès éclatant », joue une partition singulière et périlleuse à Budapest en recevant les dirigeants européens.  L’attitude de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, à qui ses détracteurs reprochent un atlantisme trop marqué, est aussi scrutée avec attention lors de ce premier sommet post-élection américaine. Adressant ses félicitations « chaleureuses » à Donald Trump, elle est restée très prudente dans sa première réaction, se bornant à réaffirmer l’importance du « partenariat entre les peuples » européen et américain.

Reste à voir si cela donnera lieu à des mesures concrètes dans les prochains mois. Les discussions continuent toutefois au soir et vendredi 8 novembre, dans un format plus resserré autour des 27 membres de l’Union Européenne réunis en Conseil informel.

Menace d’une baisse du soutien à l’Ukraine

L’objectif de la CPE, initialement imaginée par Emmanuel Macron, est de rassembler beaucoup plus largement que l’Union européenne. Au-delà des 27 membres du bloc, une vingtaine de pays ont été invités. Des pays aux trajectoires radicalement différentes vis-à-vis de l’UE : des candidats déclarés à l’adhésion, des pays qui savent que la porte leur est fermée pour longtemps, et le Royaume-Uni, qui a choisi de la quitter avec fracas.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a félicité son « ami » Donald Trump, faisait partie des dirigeants présents pour cette cinquième édition. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays redoute une chute de l’aide américaine, s’est également rendu à Budapest. Le président ukrainien n’a pas manqué d’avertir avec force que toute concession à Vladimir Poutine serait « suicidaire pour l’ensemble de l’Europe ».

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