« L’âge d’or de l’Amérique commence. » Expert de l’hyperbole et fidèle à son habitude, Donald Trump a multiplié les déclarations fracassantes lors de sa cérémonie d’investiture. Face à ses partisans et une kyrielle de milliardaires, dont les grands patrons de la tech et le Français Bernard Arnault, le président américain a annoncé l’expulsion de « millions et de millions » d’étrangers en situation irrégulière, le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé, la « reprise » du canal de Panama, la grâce des assaillants du Capitole, la fin des aides fédérales aux programmes soutenant la diversité… et une série de mesures prenant le contrepied de la politique menée par Joe Biden en faveur du climat.
Ces annonces ne sont pas une surprise. Elles s’inscrivent dans la droite ligne de son premier mandat où il avait dérégulé à tout-va. Mais elles interviennent alors que l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, dépassant pour la première fois le seuil de 1,5°C de réchauffement climatique par rapport à l’époque pré-industrielle. Les océans, qui absorbent l’essentiel de cet excès de chaleur, ont aussi continué à surchauffer, avec une température moyenne annuelle en surface – hors zones polaires – de 20,87°C. La quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, moteur des cyclones tropicaux et des tempêtes, a ainsi atteint un niveau inédit.
Alors que les États-Unis sont déjà le premier producteur mondial de pétrole et de gaz, et le deuxième pollueur derrière la Chine, les mesures annoncées par Donald Trump compromettent les efforts pour freiner le réchauffement climatique. Tour d’horizon de ses principales déclarations.
■ Sortie de l’accord de Paris sur le climat
Le décret était dans les cartons depuis des mois, il ne restait plus qu’à le signer. C’est désormais chose faite. Comme il l’avait promis, Donald Trump a annoncé dès son retour à la Maison Blanche la sortie des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, qu’il qualifie d’« escroquerie injuste et unilatérale ». Conclu sous l’égide des Nations unies en 2015, cet accord unit la quasi-totalité des États du monde et vise à maintenir le réchauffement climatique bien en dessous du seuil des 2°C par rapport à l’époque pré-industrielle, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Les États-Unis l’avaient déjà quitté en 2019, avant que Joe Biden n’acte leur retour quelques heures seulement après son arrivée au pouvoir.
La décision de Donald Trump ne sera cependant effective que dans un an. Mais sans les États-Unis, les efforts des autres pays du globe seront sérieusement ralentis. Surtout si d’autres dirigeants climatosceptiques, comme l’Argentin Javier Milei, décident de lui emboîter le pas. « La première fois, les autres pays signataires avaient tenu bon. Cela avait même conduit la Chine, l’Europe, le Japon, la Corée du Sud à être dans une logique d’émulation collective pour décarboner leur économie », tempère sur RFI Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales.
Mais le monde a changé. Et la perspective de guerres commerciales annoncées par Donald Trump risque cette fois de fragiliser le front qui s’était constitué lors du premier retrait. « Même s’il y a une dynamique négative entre pays qui veulent sortir symboliquement de l’accord de Paris, la plupart des autres vont croire à la dynamique positive sur la décarbonation », poursuit Sébastien Treyer. D’autant que la Chine, productrice de batteries électriques et de panneaux solaires, a tout intérêt à convaincre le reste de la planète à passer à une économe décarbonée. « L’UE a le même intérêt pour des questions d’indépendance énergétique. »
■ Augmentation de l’exploitation des énergies fossiles
« Nous allons forer à tout-va », a lancé Donald Trump durant son discours d’investiture, répétant une promesse de campagne d’augmenter la production de pétrole et de gaz des États-Unis pour faire baisser les coûts de l’énergie. « Nous redeviendrons une nation riche et c’est l’or (noir) liquide sous nos pieds qui nous y aidera », a-t-il développé, annonçant qu’il décréterait pour cela un « état d’urgence énergétique » national.
En cela, le 47e président américain ne se démarque pas de ses prédécesseurs. « On a déjà observé sous Barack Obama et Joe Biden une augmentation de l’exploitation du pétrole et du gaz », relève Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Centre sur la politique énergétique mondiale de l’Université de Columbia. Dans l’esprit de Donald Trump, cela doit à la fois passer par une plus grande exploitation des puits existants et par de nouveaux forages facilités par des procédures administratives simplifiées. Des projets dans des régions sauvages de l’Alaska sont notamment envisagés. Le chef de l’État entend également annuler l’interdiction prise par Joe Biden sur le forage en mer.
Car il va falloir répondre aux besoins des cinq terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) qui doivent entrer en service d’ici 2029. « Si on se dit que la demande domestique reste stable, il va falloir sous le mandat de Trump autour de 100 milliards de mètres cubes de production supplémentaires pour répondre à ces cinq projets », estime encore la chercheuse.
Mais selon le directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales, Sébastien Treyer, le besoin actuel en énergies fossiles n’est pas irréversible. « Le marché mondial du pétrole et du gaz est extrêmement fort aujourd’hui, mais l’électrification des véhicules a de bonnes chances d’aboutir, compte tenu de la capacité de la Chine à inonder la planète avec des véhicules électriques. Ce qui pourrait conduire à réduire significativement la demande en pétrole. »
L’« état d’urgence énergétique » promis par Donald Trump concernerait surtout les minerais essentiels, ces matériaux prisés pour leurs propriétés conductrices et magnétiques et indispensables dans l’imagerie médicale, l’armement, les véhicules électriques ou les data centers. Les ressources dont disposent les États-Unis pourraient vite s’avérer insuffisantes face aux besoins croissants du secteur de l’intelligence artificielle, en plein boom. « Il va falloir faire davantage en matière de production d’électricité, mais aussi au niveau de toute l’infrastructure pour la transporter », note Anne-Sophie Corbeau. Pour se libérer de la dépendance de la Chine, qui monopolise aujourd’hui plus de 60% du marché mondial de ces minerais essentiels, Donald Trump lorgne sur les territoires arctiques, notamment au Canada et au Groenland, qui en regorgent.
■ Fin du soutien aux véhicules électriques
Déclarant vouloir respecter son « engagement sacré » envers les ouvriers du secteur, Donald Trump a promis dans son discours d’investiture de sauver l’industrie automobile et de la développer « à un rythme jamais vu auparavant ». Pour le président américain, ce sauvetage passe par une révocation du « mandat sur les véhicules électriques ». Sitôt dit, sitôt fait, le président américain a révoqué un décret de 2021 signé par son prédécesseur qui visait à garantir que la moitié des nouveaux véhicules vendus aux États-Unis d’ici 2030 soient électriques ou hybrides, en réduisant progressivement la quantité d’émissions autorisées.
Dans le même registre, le nouveau locataire de la Maison Blanche a aussi décidé de geler les fonds gouvernementaux non dépensés pour les bornes de recharge des véhicules électriques. L’enveloppe prévue par Joe Biden s’élevait à 5 milliards de dollars. Donald Trump a également appelé à une révision du crédit d’impôt accordé aux acheteurs de véhicules électriques.
■ Démantèlement de la loi climatique « IRA »
Cette dernière mesure s’inscrit dans la volonté du président républicain de mettre fin à la vaste politique d’investissement vers la transition écologique lancée en 2022 par Joe Biden. L’inflation Reduction Act (IRA) vise à encourager la production et le développement des énergies propres aux États-Unis grâce aux crédits d’impôts accordés aux entreprises et aux ménages.
Cette politique a contribué à l’explosion des énergies renouvelables, qui représentent aujourd’hui le quart de la production électrique des États-Unis, soit deux fois plus qu’il y a dix ans, note le spécialiste des questions énergétiques mondiales, Philippe Copinschi, dans The Conversation. Au Nevada, l’énergie photovoltaïque assure ainsi plus du quart de la production d’électricité. Dans l’Iowa, le Kansas ou le Dakota du Sud, l’éolien constitue plus de la moitié du mix électrique.
Pas sûr cependant que ces différentes annonces permettent à l’Amérique de retrouver sa grandeur, comme le scande Donald Trump. « Il se pourrait très bien qu’un certain nombre de ces paris ne soient pas les bons, avance Sébastien Treyer. Comme on l’avait vu en 2017, lorsqu’il avait annoncé qu’il allait sauver l’industrie du charbon aux États-Unis, ce qui était en réalité impossible d’un point de vue économique. »