Légende du tennis et ex-numéro 1 mondial, Stan Smith a donné son nom aux baskets iconiques d’Adidas en 1973. Depuis son heureuse retraite en Caroline du Sud, le septuagénaire revient sur la genèse de cette collaboration et se confie sur sa vie à jamais associée à la chaussure star vendue à plus de 70 millions d’exemplaires. Il raconte enfin sa relation particulière et son estime pour Robert Haillet, le Béarnais qui lança en premier cette chaussure de tennis révolutionnaire dans les années 1960.
Connaissiez-vous les Adidas Robert Haillet avant de leur donner votre nom ?
Je connaissais la chaussure depuis quelques années, oui. En réalité, je l’avais portée un petit peu avant d’avoir mon contrat avec Adidas. Je n’avais pas de sponsoring avant de me rapprocher d’eux.
La grande nouveauté était, paraît-il, cette association entre le cuir et le caoutchouc…
Oui, c’était la première chaussure en cuir. Avant cela, nous portions tous des tennis en toile. Cela a changé grâce à cette collaboration entre Robert et Horst Dassler (le patron d’Adidas, NDLR).
Comment votre nom s’est finalement retrouvé sur la chaussure. Est-ce Adidas qui vous a appelé ou vous qui les avez approchés ?
Adidas m’a contacté, ils voulaient être davantage présents aux États-Unis. J’étais numéro 1 mondial à cette époque (entre 1972 et 1973) et j’étais américain. Donc ils ont pensé que c’était une bonne idée de m’associer à leurs chaussures pour conquérir le marché local.
Quel était le plan ? Vous ont-ils dit que la chaussure s’appellerait Haillet – Stan Smith ou Stan Smith tout court ?
À l’origine, le plan était de mettre uniquement ma photo sur la chaussure. Pendant trois ou quatre ans, il y a eu nos deux noms dessus puis ils ont finalement retiré le nom de Robert.
Vous ont-ils expliqué pourquoi ?
Ils ne voulaient plus qu’un seul nom sur la paire de tennis. Mais la chaussure était toujours connue comme « la Haillet » (« The Haillet shoe », NDLR) donc ils ont gardé son nom un petit peu plus longtemps que prévu. Puis ils ont fini par se dire que ce serait vraiment plus simple de l’enlever et de ne garder qu’un nom.
Jean-Louis Haillet, le fils de Robert qui a lui aussi été professionnel, nous a dit que le nom « Haillet » était très réputé aux États-Unis, qu’il était un synonyme de qualité. C’est bien ça ?
Oui, c’est ça, ce nom était populaire aux États-Unis mais Adidas voulait donner un accent plus américain à sa paire de tennis. Tout simplement.
Le nom Haillet est-il encore connu aujourd’hui aux Etats-Unis ?
Non, je pense que peu de gens le connaissent encore. Ceux qui sont passionnés de tennis, les anciens, doivent s’en souvenir. Pour Robert et pour les chaussures…
Ces tennis étaient-elles déjà portées dans la rue dans les années 1970 ?
Elles étaient principalement portées par les joueurs de tennis pendant les quinze ou vingt premières années. Disons jusqu’aux années 1980 où elles sont devenues des baskets à la mode en même temps que des chaussures pour joueurs de tennis. Maintenant, les Stan Smith ne sont quasiment que des chaussures qu’on porte dans la vie de tous les jours.
Quels étaient vos liens avec Robert Haillet ?
Je l’ai connu par les chaussures, on s’est rencontré par l’intermédiaire d’Adidas. J’ai croisé son fils Jean-Louis également, qui était un bon joueur lui aussi. Je voyais Robert à Paris à chaque fois que j’allais à Roland-Garros. On ne se côtoyait pas plus que cela mais on se connaissait.
Vous ne l’avez jamais croisé près des courts dans les années 1970 ? Il était capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis. Vous n’aviez jamais rencontré les Bleus ?
J’ai joué contre tous les joueurs français de l’époque mais jamais en Coupe Davis, non.
Vous avez remporté sept Coupe Davis avec notamment des duels acharnés contre la Roumanie d’Ilie Nastase, un autre ambassadeur d’Adidas, que vous aviez battu en 1972…
Oui, ça, c’était un gros match ! Il y avait Ion Tiriac aussi dans cette sélection. C’est vrai qu’Ilie Nastase (prononcé « Nastasi ») était avec Rod Laver et moi l’un des seuls à avoir des chaussures à notre nom.
Éprouvez-vous un sentiment de reconnaissance envers Robert Haillet ? Sans lui, la Stan Smith n’aurait jamais existé…
Oui complètement, c’est quelqu’un qui a compté dans ma vie car c’est lui qui a débuté cette aventure. On a une relation très spéciale à cause de ces chaussures qui ont marqué nos parcours respectifs. D’ailleurs, je rappelle toujours qu’elles sont nées en France (lancées par la collaboration avec Robert Haillet, cette paire de tennis était produite dans les usines alsaciennes d’Adidas, NDLR).
Connaissez-vous Pau, la ville d’origine de Robert Haillet ?
Non, pas précisément. C’est dans le Sud, c’est ça ? Sud-Est ou Sud-Ouest ?
Sud-Ouest, oui. La ville est située à une heure de route de Biarritz environ…
Ah d’accord.
Vous avez publié un beau livre « Certains pensent que je suis une chaussure ». Chaque jour de votre vie, vous devez préciser « Oui c’est moi Stan Smith, celui des baskets »…
Oui, très souvent. Beaucoup de gens n’ont aucune idée de la personne qui est représentée en réalité. Pour eux, c’est comme tous les autres produits qui ont des noms que personne ne connaît. Ils connaissent le nom du produit mais pas la personne qui l’a inspiré.
N’est-ce pas un peu frustrant au regard de votre carrière de numéro 1 mondial et vainqueur en Grand Chelem ?
Non, c’est tout à fait normal. À part à connaître l’histoire du tennis, il n’y a aucune raison que les gens sachent qui je suis.
Vous attendiez-vous à un tel succès quand vous avez signé votre collaboration avec Adidas en 1973 ?
Non pas du tout. Je n’avais aucune idée de ce qui allait advenir.
Touchez-vous des royalties sur la vente de chaque paire dans le monde ?
Oui, toujours.
Tout le monde a au moins acheté une paire de Stan Smith dans sa vie…
En tout cas, je pense que tout le monde devrait en avoir ! Ça devrait être inscrit dans la loi !