Des paillettes, du cuir et du gros son: sur la scène de l’Agora à Montpellier, les décibels ont grimpé haut par dessus les vieilles pierres du XVIIe siècle de ce théâtre à ciel ouvert, ancien couvent des Ursulines.
Entre guitares électriques, batterie et musique électro, le chorégraphe a voulu « un truc qui pète le feu », sans narration, construit « comme un concert de rock », explique-t-il à l’AFP lors d’un entretien avant la première mondiale de ce spectacle.
Le festival Montpellier Danse (17 juin au 3 juillet), plus habitué à la danse de création et de réflexion, a fait un pari en programmant à l’ouverture cet artiste obnubilé par le divertissement du public.
Après avoir « assez mal vécu » les périodes de confinement et surmonté la perte d’amis proches, Philippe Decouflé, 60 ans, a cherché à créer « quelque chose de vital » et est allé puiser dans son adolescence baignée par le rock.
C’est une « période de la vie qui a marqué de manière forte ma créativité », dévoile celui qui a longtemps rêvé d’être dessinateur de BD.
Sur scène, cinq danseurs-acrobates et trois musiciens dont, à la guitare basse, sa fille Louise Decouflé, interagissent constamment, sur fond de tubes musicaux et de compositions, dans un décor ludique et des costumes colorés imaginés par Jean Rabasse et Philippe Guillotel.
Ces deux vieux complices de Philippe Decouflé étaient déjà à l’origine de l’univers déjanté des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992 qui avaient fait connaître le chorégraphe au grand public et marqué l’irruption de l’art dans le monde du sport.
Trois ans avant, Decouflé avait participé aux côtés de Jean-Paul Goude aux commémorations très festives lors du bicentenaire de la Révolution française.
« Dans mes spectacles, je monte toujours une équipe composée d’anciens et de nouveaux », explique le chorégraphe.
De la danse, du cirque, du théâtre, de la musique? L’inclassable Philippe Decouflé conjugue les arts pour « prendre et donner du plaisir » en s’amusant des clichés.
Dans « Stéréo », il a introduit un chanteur macho, des « guitar-héros » se prenant pour des stars planétaires, des choristes jouant les cruches. « Les chorégraphies des choristes, c’est comme celles des majorettes, ça me fascine », dit-il.
Formé aux arts du cirque, puis à la danse auprès des chorégraphes américains Alwin Nikolais et Merce Cunningham, Philippe Decouflé emmène sans cesse sa compagnie DCA, fondée en 1983, dans une folie joyeuse et simple.
« Oreilles sensibles »? Attention!
Personnages centraux, les artistes qu’il choisit ont tous un charisme, une « gueule » à l’image de Christophe Salengro, comédien et danseur décédé en 2018, son complice de trente ans qui avait joué dans Contact, une autre pièce présentée à Montpellier en 2015.
Dans « Stéréo », Baptiste Allaert semble reprendre le flambeau. D’un naturel désarmant, ce jeune comédien incarne des personnages exubérants et absurdes, comme ce DJ hilarant empêtré dans des problèmes d’informatique.
En 1984, Philippe Decouflé jouait, lors du même festival Montpellier Danse, sa toute première création « Tranche de cake », sous les yeux, dans le public, de Dominique Bagouet, chorégraphe français décédé en 1992 après avoir marqué de manière indélébile le monde de la chorégraphie.
« Le lendemain de la première, il avait souhaité me rencontrer. Il m’a donné ce jour-là des encouragements qui résonnent encore dans ma tête », se souvient Philippe Decouflé près de 40 ans plus tard.
Cette première date à Montpellier (jusqu’au 20 juin) marque aussi le début d’une tournée prévue jusqu’en avril 2023 à travers la France. Mais prévient Philippe Decouflé, « si vous avez les oreilles sensibles, prenez des boules Quiès ».