À Bruxelles, Zelensky assure que l’avenir de l’Europe est lié à l’Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky aux côtés de la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, le 9 février 2023 à Bruxelles.Le président ukrainien Volodymyr Zelensky aux côtés de la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, le 9 février 2023 à Bruxelles. © Alain Rolland/Pool via REUTERS

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été acclamé, jeudi 9 février, par les eurodéputés à Bruxelles, debout dans l’hémicycle, lors d’une visite qualifiée d’« historique » par la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. Dans son discours, le chef d’État a voulu démontrer combien l’avenir de l’Europe et de l’Ukraine sont liés.

Après des étapes à Londres et Paris la veille, le dirigeant ukrainien participe ce jeudi à Bruxelles à un sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, afin de demander des livraisons d’avions de combat face aux avancées de l’armée russe, près d’un an après le déclenchement de l’offensive de Moscou.

Dans la matinée, Volodymyr Zelensky a été accueilli, dans un premier temps, par le Parlement européen. Il a écouté l’hymne de son pays la main sur le cœur, aux côtés de la présidente de la chambre, Roberta Metsola. « Bienvenue chez vous, bienvenue dans l’UE ! », a lancé le président du Conseil européen, Charles Michel.

« Le mode de vie ukrainien et le mode de vie européen sont en danger »

Dès le début de son discours, le président ukrainien a longuement remercié les députés et les États membres pour leur soutien inflexible dès le début de la guerre à l’Ukraine, « seule façon d’aller de l’avant », a-t-il dit. Il a aussi insisté sur cette « maison Europe » à laquelle les Ukrainiens appartiennent et veulent appartenir.

C’est bien sûr une manière de rappeler la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. « Cette demande qui a donné le courage et la force aux Ukrainiens de tenir et de se battre. La victoire sur la Russie sera la garantie du maintien des valeurs européennes », a dit Volodymyr Zelensky devant les députés européens.

Le chef de l’État a demandé avec beaucoup de force et de conviction aux eurodéputés de continuer leur aide. « C’est une question de vie, de mort et d’Europe », a-t-il dit à la fin de son discours.

Nous sommes européens. Le mode de vie ukrainien et le mode de vie européen sont en danger. Pourquoi essaie-t-on de les annihiler par une guerre totalitaire ? Parce qu’une fois que l’Ukraine tombera, c’est votre mode de vie qui tombera. Le vôtre, celui des Vingt-Sept États de l’Union européenne…

M. Zelensky compte sans doute sur sa popularité auprès des Européens pour obtenir le soutien le plus large possible. En tout cas, cette popularité ne s’est pas démenti ce jeudi, constate notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. C’était la première intervention en personne du président ukrainien au Parlement européen.

Les eurodéputés avaient été convoqués pour l’occasion en session plénière extraordinaire. Le chef d’État a été applaudi debout pendant de longues minutes, en particulier lorsqu’il a affirmé que l’Ukraine défendait en fait l’Europe, et qu’elle partageait ses valeurs. Une heure plus tard, nouveaux applaudissements, ceux des 27 chefs d’État et de gouvernement de l’Union, qui l’ont donc invité à participer à leur sommet.

Lors de la traditionnelle photo de famille : nouvelle ovation, à l’exception du Hongrois Viktor Orbán. « À la place d’un applaudissement, une poignée de mains », a tweeté dans la soirée le directeur politique du Premier ministre.

« Nous sommes avec vous aussi longtemps qu’il le faudra »

Roberta Metsola a déclaré, dans son discours, ponctué par les applaudissements : « Désormais, les États doivent envisager, rapidement, comme prochaine étape, de fournir les systèmes à longue portée et les jets dont vous avez besoin pour protéger la liberté que trop de gens prenaient pour acquise […] Notre réponse doit être proportionnelle à la menace, et la menace est existentielle […] Nous sommes avec vous aussi longtemps qu’il le faudra. »

« L’Ukraine est l’Europe, l’avenir de votre nation est dans l’Union européenne. Nous savons le sacrifice que votre peuple a enduré pour l’Europe, et nous devons l’honorer non seulement par des mots, mais aussi par des actes », a-t-elle insisté, alors que les Vingt-Sept ont accordé à Kiev le statut de candidat à l’adhésion à l’UE.

Dans une déclaration commune, les présidents des différents groupes politiques au Parlement européen ont appelé les Vingt-Sept « à accroître et à accélérer leur assistance militaire, à fournir le matériel militaire et les systèmes de défense nécessaires et à former les forces ukrainiennes ».

Quant à la présidente de la Commission, elle a assuré en conférence de presse son soutien au président ukrainien, présent à ses côtés, et a notamment évoqué les crimes commis par la Russie en Ukraine, disant à Volodymyr Zelensky que Moscou devra rendre des comptes.

La russie doit payer pour les destructions commises et le sang répandu.  La communauté internationale travaille aussi dur afin que la justice soit rendue. Trois points sont importants : le premier, et nous avons déjà commencé, est de collecter des preuves des crimes commis. Le second est de disposer de procureurs travaillant de concert, et dans ce but nous allons mettre en place un centre à la Haye. Le troisième et dernier point est de mettre sur pied un tribunal. Nous poursuivons les discussions sur sa forme exacte, mais je vous assure, Volodimir, nous avons la volonté politique de faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes, y compris de leur crime d’agression. A nous de trouver le moyen de concrétiser cette ambition.

Extrait de la déclaration d’Ursula von der Leyen


« Oui, nous sommes une même famille », et on sera avec vous jusqu’à la victoire face à la Russie, a insisté la présidente de la Commission européenne.

« La frontière entre engagement indirect et direct disparaît »

Les dernières semaines l’ont prouvé, avec l’affaire des chars Leopard, et ce moment à Bruxelles le confirme : le président ukrainien sait comment obtenir des fournitures de systèmes d’armes, qui paraissaient pourtant, au départ, impensables. Quant à sa demande d’une adhésion rapide à l’UE, elle est très favorablement accueillie par une grande partie des députés européens. Mais cette rapidité risque d’être toute relative.

Alors que Kiev souhaiterait pouvoir entamer des négociations d’adhésion cette année, et que Charles Michel et Ursula von der Leyen ont souligné les progrès « impressionnants » de l’Ukraine dans la mise en œuvre de réformes exigées par Bruxelles, les deux ont confirmé que la route vers l’intégration serait longue et difficile.

Néanmoins, le passage à Bruxelles de Volodymyr Zelensky aura eu le mérite de démontrer face à la Russie l’ancrage de son pays dans l’UE. Le chef d’État aura notamment réussi, ce qui est notable, à s’afficher avec les dirigeants des deux seules puissances nucléaires du continent, dans leur capitale respective, Londres et Paris.

Un porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a d’ailleurs commenté la situation. Dmitri Peskov a mis en garde contre « un engagement croissant de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France dans le conflit ». « La frontière entre engagement indirect et direct disparaît peu à peu. On ne peut que le regretter », a-t-il déploré.

Après plus de huit heures passées au sein des institutions européennes, il a finalement quitté le sommet en début de soirée pour se diriger vers le palais royal, où M. Zelensky s’en est allé rencontrer le roi des Belges, Philippe.

La question des avions de combat en suspens

L’Union européenne et ses États membres estiment avoir contribué à hauteur d’au moins 67 milliards d’euros au soutien militaire, financier et humanitaire apporté à Kiev depuis le 24 février 2022.

Mais M. Zelensky réclame des engagements concrets en matière d’avions de combat, et les Européens ont pour l’instant refusé de s’engager sur ce type de fournitures. Aucune annonce concrète n’était sortie du sommet de Bruxelles en soirée.

En conférence de presse, le chef d’État ukrainien a évoqué « des signaux positifs », laissant entendre qu’il espérait aboutir avec certains pays, à l’occasion de réunions bilatérales qui devaient avoir lieu dans l’après-midi. « Nous voulons obtenir ces avions dont nous avons besoin et il y a des accords qui (…) ne sont pas publics », a-t-il dit.

« Je ne peux tout simplement pas rentrer à la maison sans résultat », a-t-il insisté. Selon lui, des progrès ont été enregistrés lors de ses discussions avec Emmanuel Macron et Olaf Scholz, mais le contenu de ces discussions n’a pas été dévoilé, signe que les capitales européennes veulent rester prudentes pour ne pas provoquer d’escalade.

Si le président du Conseil a déclaré que les Vingt-Sept étaient « convaincus de l’urgence », il n’a pas parlé d’avions. « Les prochaines semaines et les prochains mois seront probablement décisifs. C’est le moment de ne pas trembler », selon lui. Il appelle à livrer « des munitions, de l’artillerie, des missiles, des véhicules, des systèmes de défense ».

Le flou persiste. Ursula Von der leyen l’a d’ailleurs répété, la décision d’armer l’Ukraine n’appartient pas à l’Union européenne. Cette dernière décide de sanctions et débloque des fonds, mais le reste appartient à chaque État membre.

« Vous avez demandé des armes, y compris des MiG-29 pour protéger votre ciel et votre peuple. Je vais m’y atteler. La Slovaquie est avec vous », a en revanche tweeté le Premier ministre slovaque, Eduard Heger. La Pologne « ne sera pas le premier à livrer des avions de combat », mais répondra « positivement » si d’autres en venaient à ouvrir la voie, a pour sa part expliqué le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

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