Accord sur les céréales: l’insoluble question de la sécurité des navires

Les ministres russe et turc de la Défense, Sergueï Choïgou et Hulusi Akar, ont discuté au téléphone lundi 31 octobre de la suspension par Moscou de l’accord permettant les exportations de céréales ukrainiennes, dont Ankara est l’un des garants. Alors que les efforts diplomatiques s’intensifient pour débloquer la situation, le trafic s’est poursuivi lundi 31 octobre en mer Noire, le long du couloir maritime humanitaire mis en place il y a trois mois.

Pendant que les autorités turques et le secrétariat général des Nations unies tentent de convaincre la Russie de revenir dans l’accord sur les céréales, le Centre de coordination conjointe basé à Istanbul s’efforce d’entretenir le flux de navires en mer Noire et d’accélérer les inspections de ceux qui embouteillent déjà, depuis plusieurs semaines, les eaux turques au large d’Istanbul, rapporte notre correspondant à Istanbul, Anne Andlauer.

Ces opérations sont maintenues malgré le retrait de la délégation russe, qui participait depuis août aux inspections à bord des bateaux, aux côtés de délégués de l’Ukraine, de la Turquie et de l’Organisation des Nations unies. Ces trois dernières parties se sont aussi coordonnées pour permettre le départ, dimanche et lundi, d’une douzaine de navires depuis des ports ukrainiens, selon des données compilées par le Centre de coordination conjointe.

Le maintien du trafic dans le corridor maritime, alors que la Russie s’est dite dans « l’impossibilité de garantir la sûreté de la navigation dans ces zones », implique que la Turquie et les Nations unies comptent sur Moscou pour ne pas attaquer les bateaux sur leur route, au départ d’Ukraine. Le président turc s’est engagé lundi « à poursuivre ses efforts » pour défendre l’accord, malgré ce qu’il a qualifié d’« hésitation » de la Russie.

« Sécurité des navires »

L’armée russe, pour sa part, a exigé ce lundi des engagements de l’Ukraine, sur le fait de ne pas utiliser le couloir destiné aux exportations de céréales à des fins autres que commerciales. « Il ne peut être question de garantir la sécurité de quoi que ce soit dans cette zone tant que l’Ukraine ne prendra pas des engagements supplémentaires pour ne pas utiliser cette route à des fins militaires », a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.

Kiev est accusé d’utiliser les couloirs « pour mener des opérations ». « En attendant la clarification de la situation causée par l’acte terroriste commis par l’Ukraine le 29 octobre (une attaque de drones en Crimée dont Moscou accuse Kiev d’être en partie responsable, et qui a servi de prétexte à la Russie pour se retirer de l’accord, NDLR) le couloir de sécurité est suspendu », a confirmé l’armée russe, dont les navires escortaient jusqu’ici les cargos.

Lors d’une conférence de presse, ce lundi, le président russe a martelé ce message. « L’Ukraine doit garantir qu’il n’y aura aucune menace pour la sécurité des navires civils », a déclaré M. Poutine, accusant Kiev d’avoir utilisé le couloir céréalier pour l’attaque de drones. « Je me suis entretenu avec le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. J’ai confirmé l’engagement de l’Ukraine à l’accord céréalier », écrit pour sa part M. Zelensky sur Twitter.

« Impératif urgent »

Toujours ce lundi, le porte-parole du département d’État américain Ned Price y est allé de son commentaire. Sur les exigences de Moscou, « cela ressemble soit à une punition collective, soit à une extorsion collective », a-t-il confié à la presse. « Ce n’est pas une question qui concerne seulement deux pays sur Terre. C’est un impératif urgent », a-t-il rappelé, « particulièrement pour les pays à bas revenus et à revenus intermédiaires ».

L’accord signé en juillet sous égide de l’ONU et de la Turquie avait permis l’exportation de millions de tonnes de céréales coincées dans les ports ukrainiens depuis le début de la guerre, fin février. Mais après avoir dénoncé samedi une attaque subie par sa flotte dans la baie de Sébastopol, la Russie l’a « suspendu », accusant non seulement les Ukrainiens, mais également le soutien d’experts britanniques à cette opération.

Depuis lors, l’Ukraine parle d’un « faux prétexte » brandi par la Russie pour opérer un retrait auquel elle était déjà ralliée. Quant au Royaume-Uni, également pointé du doigt par les Russes dans l’affaire Nord Stream, il a démenti toute participation aussi bien dans le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, que dans cette attaque de drones en Crimée annexée brandie par la Russie depuis ce week-end.

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