Des centaines de partisans de l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro ont envahi et saccagé ce dimanche 8 janvier le palais présidentiel, le Congrès et la Cour suprême à Brasilia. La police a repris le contrôle des lieux plus de quatre heures plus tard.
Brasilia et les trois principales institutions brésiliennes sont de nouveau sous contrôle. La police a évacué le Congrès, la Cour suprême et le palais présidentiel, plus de quatre heures après l’assaut donné dimanche par des centaines de partisans de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro. La situation semblait maîtrisée, même si un grand nombre de ces manifestants refusant de reconnaître l’élection de Lula demeuraient dans les alentours des lieux de pouvoir de la capitale brésilienne.
Les bâtiments gouvernementaux envahis à Brasilia, dont le palais présidentiel de Planalto et le siège de la Cour suprême, étaient vides en ce dimanche. Les dégâts paraissent considérables, dans ces bâtiments qui sont des trésors de l’architecture moderne et regorgent d’œuvres d’art. Selon la chaîne CNN, des manifestants ont mis le feu au tapis d’un salon du Congrès, qui a dû être inondé pour éteindre l’incendie. Sur les fenêtres de la façade qui n’ont pas été brisées étaient inscrites certaines des revendications : « Intervention maintenant », parlant de l’intervention militaire réclamée par les partisans du président sortant depuis le second tour le 30 octobre, « Suppression des trois pouvoirs », exécutif, législatif et judiciaire. Sur la place, deux voitures de police ont été vandalisées et au moins une a été incendiée.
Le président Luiz Inacio Lula da Silva, en fonction depuis seulement une semaine et déjà confronté à une crise majeure, a condamné l’invasion des lieux de pouvoir de la capitale par des « vandales, fascistes fanatiques ». Il a placé les forces de l’ordre locales sous le commandement des forces fédérales pour reprendre en main la sécurité à Brasilia où les policiers ont été totalement débordés par les assauts des bolsonaristes.
« Nous allons tous les retrouver et ils seront tous punis », a-t-il dit depuis Araraquara, dans l’État de Sao Paulo, où il s’était rendu après des inondations, déplorant des incidents « sans précédent dans l’histoire du Brésil ». « Ceux qui ont financé (ces manifestations) vont payer pour ces actes irresponsables et antidémocratiques », a-t-il prévenu. La première sanction est venue de la Cour suprême : un juge a décidé dimanche soir de suspendre de ses fonctions pour une durée de 90 jours le gouverneur de Brasilia, Ibaneis Rocha, à la suite de ce qu’il a décrit comme des failles sécuritaires ayant permis l’invasion de bâtiments officiels par des partisans de l’ex-président Jair Bolsonaro.
De son côté, ce dernier, qui se trouve aux États-Unis, a estimé sur Twitter que « les déprédations et invasions de bâtiments publics (…) sont contraires à la règle » régissant les « manifestations pacifiques ».
Des dizaines d’arrestations
Au moins 150 émeutiers ont été arrêtés. Des images de la chaîne CNN Brésil ont montré des bolsonaristes vêtus en jaune et vert descendre en file indienne, les mains derrière le dos, la rampe du palais présidentiel de Planalto, encadrés de policiers. Sur d’autres images, on peut voir un bus rempli de manifestants interpellés partir en direction d’un poste de police. La police attachée au Sénat a annoncé avoir arrêté 30 personnes dans la Chambre, un des lieux de pouvoir pris d’assaut par les bolsonaristes, au même titre que la chambre des députés voisine, le palais présidentiel et la Cour suprême.
Des images qui rappellent l’invasion du Capitole
La zone près de la Place des trois pouvoirs, où se côtoient le Palais présidentiel de Planalto, la Cour suprême et le Congrès, avait été pourtant bouclée par les autorités, mais les bolsonaristes qui refusent d’accepter l’élection de Lula sont parvenus à rompre les cordons de sécurité. Plusieurs dizaines d’entre eux sont d’abord parvenus à monter sur la rampe de ce bâtiment à l’architecture moderne pour en occuper le toit. Les forces de l’ordre ont opposé peu de résistances et paraissaient totalement débordées face à des manifestants semblant très bien organisés.
Les images impressionnantes, rappelant l’invasion du Capitole aux États-Unis il y a deux ans et deux jours, montraient une véritable marée humaine affluer vers le Congrès. Celui-ci regroupe dans un même bâtiment la chambre des députés et le Sénat. Des manifestants sont apparus sur le toit, mais aussi sur toutes les pelouses attenantes, y compris celle du palais présidentiel de Planalto. Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, a dit sur Twitter « rejeter avec véhémence cette manifestation antidémocratique, qui doit être punie par la rigueur de la loi ». Un syndicat de presse local a fait état de l’agression de cinq journalistes. Parmi eux, un photographe de l’AFP a été frappé et s’est fait voler tout son matériel.
Condamnations de la communauté internationale
Le chef de l’État français Emmanuel Macron a appelé dimanche au « respect des institutions démocratiques » au Brésil. « La volonté du peuple brésilien et les institutions démocratiques doivent être respectées ! Le président Lula peut compter sur le soutien indéfectible de la France », a-t-il tweeté.
La Maison Blanche a également réagi en condamnant « toute tentative d’ébranler la démocratie ». « Les États-Unis condamnent toute tentative d’ébranler la démocratie au Brésil. Le président Biden (depuis le sud des États-Unis où il se trouvait dimanche, avant une visite au Mexique) suit la situation de près et notre soutien aux institutions démocratiques du Brésil est inébranlable », a tweeté Jake Sullivan, conseiller de la Maison Blanche.
Le président de gauche du Chili, Gabriel Boric, a lui aussi apporté sur Twitter son soutien au gouvernement Lula « face à cette attaque lâche contre la démocratie ». Son homologue colombien, Gustavo Petro, a condamné pour sa part une « attaque fasciste ». Le président du Conseil européen Charles Michel a exprimé « condamnation absolue » de l’invasion. « Soutien total au président Lula da Silva, démocratiquement élu par des millions de Brésiliens à l’issue d’élections équitables et libres », a tweeté le responsable européen.
Des manifestations qui durent depuis l’élection
Les bolsonaristes manifestaient déjà devant des casernes militaires depuis la défaite de peu du président sortant d’extrême droite face à Lula le 30 octobre. Ils réclamaient l’intervention de l’armée pour empêcher ce dernier de revenir au pouvoir pour un troisième mandat, après ceux de 2003 à 2010. Certains d’entre eux ont également bloqué des axes routiers pendant plus d’une semaine après l’élection.
Jair Bolsonaro, qui n’a jamais félicité Lula de son élection et a boudé son investiture, a quitté le Brésil deux jours avant la fin de son mandat et se trouve en Floride, aux États-Unis. L’investiture s’est déroulée le 1er janvier à Brasilia sans incident majeur, en présence de dizaines de milliers de partisans de Lula.