Il n’a pas encore émis la moindre réaction. Le président sortant du Brésil, Jair Bolsonaro, défait dans les urnes dimanche 30 octobre par Lula, ne s’est pas exprimé depuis l’annonce des résultats, alors que le monde entier saluait son adversaire. De quoi faire régner une atmosphère pesante, dans ce pays où la culture démocratique reste fragile, alors que des soutiens du candidat malheureux veulent tout bloquer.
Le pasteur évangélique Damares Alves, ancienne ministre ultraconservatrice des Droits de l’homme, de la Famille et des Femmes de Jair Bolsonaro, a reconnu la défaite de son candidat à la présidentielle.
La compagne du chef de l’État, la première dame Michelle Bolsonaro, a délicatement déposé un « like » sur le post d’un influenceur bolsonariste concédant la victoire de Lula da Silva sur les réseaux sociaux.
Dès dimanche soir, le quotidien Folha de São Paulo écrivait que certains alliés du chef de l’État sortant excluaient de contester le résultat officiel du scrutin, qui a accordé 49,1% des voix à M. Bolsonaro.
Et pourtant, le champion de la droite nationaliste brésilienne est resté muet. Son compte Twitter est à l’arrêt. Tandis que ses supporters priaient Dieu pour lui dans les rues de Brasília, il n’est même pas allé à leur rencontre.
Aucun signe adressé à ses soutiens
Jair Bolsonaro a passé cette soirée de liesse populaire à l’écart, reclus dans le palais de l’Alvorada, avec son fils aîné Flávio, selon la presse brésilienne. Il aurait parlé avec son colistier aussi, le général Walter Braga Netto.
Il aurait eu au téléphone, selon Libé, le président du Tribunal supérieur électoral, Alexandre de Moraes, chargé de lui notifier les résultats. En revanche, il aurait refusé de discuter avec d’autres, dont des ministres.
Tôt le soir, la presse a rapporté que le président, qui restera en fonction jusqu’au 1er janvier 2023, était parti « dormir ». Puis, à son réveil ce lundi, il a rejoint le palais du Planalto comme un jour ordinaire.
Il n’en a pas plus profité pour faire une déclaration, a constaté un photographe de l’AFP. Mais notre correspondant à São Paulo, Martin Bernard, précise qu’il s’est à nouveau réuni avec son colistier.
Lula, « inquiet », a regretté que le vaincu ne lui ait pas passé un coup de téléphone, comme le veut la tradition. D’autres font remarquer que M. Bolsonaro n’a même pas remercié ses plus de 58 millions d’électeurs.
Les camionneurs bolsonaristes mobilisés
Nostalgique de la dictature miliaire, M. Bolsonaro n’est pas fan du vote électronique. Mais peu avant le scrutin, il avait assuré qu’il reconnaitrait l’issue du vote : « Celui qui a le plus de voix gagne. C’est la démocratie. »
Aussi, son silence, alors que les résultats de la présidentielle démontrent que cette jeune démocratie n’a jamais été aussi polarisée, et après l’affaire du Capitole aux États-Unis, ne rassure pas les partisans de Lula.
D’autant qu’après une vaste polémique au sujet du rôle de la police fédérale des routes pendant les opérations de vote, les électeurs bolsonaristes les plus radicaux se font à présent entendre dans « leur » moitié du pays.
Au petit matin, des chauffeurs routiers ont ainsi érigé des barricades dans au moins onze États et à Brasília, y compris sur l’autoroute entre Rio de Janeiro et São Paulo, soit les deux plus grandes villes du Brésil.
Selon les autorités, quelque 236 manifestations bloquaient partiellement ou entièrement les routes dans 20 États brésiliens lundi soir. Et dans la journée, certains appelaient à un coup d’État.
Le jour des rumeurs, ce lundi au Brésil
Ce lundi, la Bourse de São Paulo était volatile. Mais « si le risque de manifestations à court terme est élevé, celui d’une sérieuse crise institutionnelle est très faible », estiment des consultants d’Eurasia Group cités par l’AFP.
Une loi datant de 2002 prévoit les conditions dans lesquelles l’alternance doit se dérouler, au Brésil. Un cabinet provisoire est mis en place, pouvant compter jusqu’à 50 membres.
Sur CNN, qui s’appuie sur des sources gouvernementales, le général Braga Netto – qui serait devenu vice-président en cas de victoire – est mentionné comme le favori pour prendre la tête de ce cabinet.
Le pays bruissait de rumeurs, ce lundi. Mme Bolsonaro a même publié une justification après que des observateurs ont réalisé qu’elle s’était désabonnée de l’Instagram de son mari. « Nous restons unis », a-t-elle dit.
Lundi soir, toujours aucune explication
Lundi soir, plus de 16 heures après l’annonce officielle de la défaite, le chef de file de l’un des partis qui ont soutenu le président sortant, Claudio Cajado, a assuré que son candidat allait s’exprimer.
Mais Jair Bolsonaro ne l’a pas fait. Il le fera, a ensuite déclaré le ministre des Communications Fabio Faria à Reuters, mais mardi. Le chef de l’État aurait décidé de prendre le temps de préparer un discours, dont on ne connait pas la teneur.
Son fils Flávio Bolsonaro, sénateur, a pris la parole ; sur Twitter, il a salué « tous ceux qui nous ont aidé à sauver le patriotisme » et leur a dit : « Levons la tête et n’abandonnons pas notre Brésil ! Dieu est aux commandes ! »
C’est finalement le vice-président sortant qui a opéré le moins de détours : lundi soir, Hamilton Mourão a pris le parti d’envoyer un SMS au colistier de Lula, Geraldo Alckmin, relate O Globo.
M. Mourão s’est ainsi rendu disponible pour contribuer au processus de transition au niveau des vice-présidents, et a assuré son successeur que le palais de Jaburu lui serait ouvert ainsi qu’à son épouse.