Thomas Sankara, ex-président du Burkina Faso, assassiné en 1987 comme douze autres personnes, a été réinhumé ce 23 février 2023 à Ouagadougou, au Conseil de l’Entente, lieu de sa mort. Une cérémonie dénoncée par Blandine, sœur de l’ancien chef d’État.
Au Burkina Faso, c’est une journée particulière entre émotion et colère. Les autorités ont organisé ce 23 février 2023 les obsèques de Thomas Sankara et de ses douze camarades tués en octobre 1987. Une cérémonie boycottée par les familles, car les inhumations se sont déroulées au Conseil de l’Entente, là où Sankara et ses hommes ont été assassinés, là également où une statue à l’effigie du père de la révolution a été érigée en 2019.
Les treize cercueils y ont été recouverts du drapeau du Burkina Faso. La cérémonie religieuse, traditionnelle et militaire a été interdite au public. Les autorités ont été représentées par le Premier ministre.
Ces réinhumations, souhaitées par le Président de la transition, Ibrahim Traoré, en fin d’année, ont provoqué la colère des familles. Notamment celle de la sœur de Thomas Sankara, Blandine. « C’est une douleur pour nous aujourd’hui, explique-t-elle au micro de RFI. Enfermer les âmes de nos défunts dans le sang, dans cette douleur-là, sur les lieux où ils sont tombés, c’est nous obliger à aller marcher dans le sang de nos proches pour notre recueillement ».
Signe que l’héritage politique provoque tensions et divisions, Valentin, le frère de Thomas Sankara, était bien présent à la cérémonie au Conseil de l’Entente, mais il est venu à « titre personnel », estime Blandine Sankara. « Ils essaient de diviser treize familles, affirme-t-elle. Je ne sais pas si ce sont les autorités. Mais, en tout cas, c’est un fonds de commerce. Il y a aujourd’hui comme de la récupération du nom, de la mémoire de Thomas ».
Blandine Sankara poursuit : « Pour nous, c’est un non-événement. Ce n’est qu’un cirque. D’ailleurs, la même chose qu’ils ont fait avec notre famille, cette tentative de division, ils l’ont fait avec d’autres familles. En tout cas, depuis la fin du procès [des assassins de Thomas Sankara, le 6 avril 2022, NDLR], il y a tout de suite eu des réunions. On échangeait et on était sur la même longueur d’ondes : à savoir pas de Conseil de l’Entente, pas sur les lieux où ils sont tombés. On ne peut pas marcher sur les traces, dans le sang, pour un recueillement de nos proches. »
Trente-cinq ans après les assassinats, les familles de Thomas Sankara et de ses douze camarades demandaient que les inhumations soient organisées dans un autre lieu de Ouagadougou. Demande rejetée par les autorités.