En récompensant un film qui aborde frontalement la question post-coloniale, le jury présidé par l’actrice mexicano-kényane Lupita Nyong’o, première personnalité noire à occuper ce poste prestigieux, est resté fidèle à la tradition politique de ce festival.
« En tant que Franco-Sénégalaise, cinéaste afrodescendante, j’ai choisi d’être de ceux qui refusent d’oublier, qui refusent l’amnésie comme méthode », a déclaré Mati Diop en recevant son prix. « Je suis solidaire des Sénégalais qui se battent pour la démocratie et la justice », a-t-elle ajouté, avant d’afficher également sa « solidarité avec la Palestine ».
Dahomey raconte la restitution en novembre 2021 au Bénin de 26 œuvres pillées en 1892 par les troupes coloniales françaises. Un mouvement amorcé ces cinq dernières années par les anciennes puissances occidentales, dont la France, l’Allemagne et la Belgique.
De jeunes réalisatrices en vue
Mati Diop, fille d’un musicien sénégalais, Wasis Diop, et d’une mère travaillant dans l’art, qui est née et a grandi à Paris, avait déjà remporté à Cannes en 2019 pour Atlantique le Grand Prix, la plus haute distinction après la Palme d’or. Il s’agit du deuxième film africain à recevoir l’Ours d’or, après le Sud-Africain U-Carmen e-Khayelitsha (« Carmen de Khayelitsha ») de Mark Dornford-May en 2005. Elle succède au Français Nicolas Philibert, Ours d’or l’an dernier.
Mati Diop ajoute aussi son nom à une jeune garde de réalisatrices françaises qui cumulent les prix majeurs ces dernières années avec Julia, Audrey Diwan, Alice Diop, et bien sûr Justine Triet, qui vient de dominer les César après avoir remporté la Palme d’or l’an dernier à Cannes, et est en lice pour les Oscars. Le 2e prix, lui, va au Coreen Hong Sang soo qui met en scène Isabelle Huppert en touriste extravagante dans « A travellers needs ». L’Ours d’argent du meilleur réalisateur va au dominicain Nelson Carlo De Los Santos Arias, qui raconte dans « Pepe » l’histoire du premier et dernier hippopotame d’Amérique.
Enfin, c’est une autre extravagance signée Bruno Dumont qui reçoit le prix spécial du jury. Dans « L’Empire » le cineaste français filme des forces extraterrestres qui s’affrontent dans le Nord de la France, une version ch’ti et déjantée de la Guerre des étoiles, rapporte notre envoyée spéciale à Berlin, Elisabeth Lequeret.