Cyclone Chido: François Bayrou en visite à Mayotte avec la promesse d’un plan d’aide

Le Premier ministre français François Bayrou et le ministre de la Santé Yannick Neuder (à gauche) rencontrent des patients lors de leur visite à l’Escrim, l'hôpital de campagne installé à Mamoudzou, à Mayotte, le 30 décembre 2024.
Le Premier ministre français François Bayrou et le ministre de la Santé Yannick Neuder (à gauche) rencontrent des patients lors de leur visite à l’Escrim, l’hôpital de campagne installé à Mamoudzou, à Mayotte, le 30 décembre 2024. © AFP – JULIEN DE ROSA

Son avion s’est posé lundi à 05h40 locales (02h40 TU) à l’aéroport de Mamoudzou, chef-lieu de cet archipel français situé dans l’océan Indien. François Bayrou est accompagné de cinq ministres dont deux des poids lourds de son gouvernement annoncé il y a une semaine : la ministre de l’Éducation nationale Elisabeth Borne et le ministre des Outre-mer Manuel Valls.

Poursuite de l’acheminement de l’aide, reconstruction, éducation et rentrée scolaire immanquablement perturbée : les nouvelles mesures du gouvernement sont attendues sur l’île, deux semaines après le passage de Chido. Le cyclone le plus dévastateur qu’ait connu l’île depuis 90 ans a causé le 14 décembre la mort d’au moins 39 personnes et plus de 5 600 blessés, selon un bilan de la préfecture de Mayotte publié dimanche 29 décembre. Dans le département le plus pauvre de France, les dommages sont colossaux.

Le plan « Mayotte debout »

Juste après la catastrophe, le nombre de plusieurs milliers de morts avait été évoqué. Les chiffres sont revus à la baisse. Le Premier ministre, qui a répété son « objectif » de rebâtir Mayotte en deux ans, s’est interrogé sur le nombre de victimes du cyclone.

« Les Mahorais ont souvent le sentiment que ce qu’on leur apporte, ce sont des assurances, de belles paroles de solidarité dans les déclarations, mais ce qu’ils veulent, c’est du réel. […] Après une journée de dialogue, nous annoncerons ce soir un plan qui s’appellera « Mayotte debout », qui permettra d’apporter des réponses rapides », a promis François Bayrou.

La journée a débuté au petit matin par la visite de l’usine de dessalement de Petite-Terre, la petite île à l’est de l’île principale. Dans cette usine de production toujours déficitaire, François Bayrou s’est interrogé sur l’absence de citerne. L’eau est une préoccupation vitale pour les habitants de Mayotte. Elle est toujours coupée et les distributions de bouteilles d’eau sont aléatoires.

François Bayrou, accompagné notamment d'Élisabeth Borne (à droite) et de Manuel Valls (à gauche), visite l'usine de dessalement de Petite-Terre. Mayotte, France, le 30 décembre 2024.
François Bayrou, accompagné notamment d’Élisabeth Borne (à droite) et de Manuel Valls (à gauche), visite l’usine de dessalement de Petite-Terre. Mayotte, France, le 30 décembre 2024. AFP – JULIEN DE ROSA

Visite tendue au collège de Kaweni 2

Le Premier ministre s’est ensuite rendu au collège de Kaweni 2 à Mamoudzou. Le collège compte 1 500 élèves (mais l’administration n’a pu en recenser que 500), rapporte notre correspondante sur place Lola Fourmy. François Bayrou a pu constater les dégâts dus au cyclone, auxquels s’ajoutent des pillages de matériel. Les enseignants déplorent un manque de sécurisation des lieux auquel le Premier ministre a répondu par l’envoi rapide de nouveaux militaires.

Le recteur prévoit un retour des professeurs le 13 janvier, et le 20 janvier pour les élèves mais en mode dégradé : trois rotations pas jour, soit quelques heures de cours par jour, faute de places. Mais comment reprendre les cours sans la garantie d’avoir un toit et de l’eau, interrogent les enseignants qui questionnent aussi l’égalité des élèves en matière d’accès au savoir, car tous les établissements ne sont pas touchés de la même manière. « C’est une déflagration qui a frappé Mayotte », a confié le recteur. La reconstruction pourrait prendre jusqu’à six mois, soit une année blanche pour les élèves mahorais.

Pour Atoumani, comme de nombreux Mahorais, la question de l’éducation est prioritaire. « On attend des annonces, parce qu’on ne sait pas ce qu’on va faire avec tous les enfants qui doivent être scolarisés. Les établissements [scolaires] sont saccagés », explique-t-il à notre correspondante à Mayotte, Lola Fourmy.

François Bayrou a également visité l’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (Escrim), l’hôpital de campagne devant lequel des dizaines de personnes attendent. Cet hôpital prend en charge plus de 300 patients par jour, beaucoup plus que sa capacité d’accueil. Le Centre hospitalier universitaire de Mayotte n’est, lui, fonctionnel qu’à 60% – il faut réparer le toit.

Une fille attend devant l’hôpital de campagne pendant la visite de François Bayrou. Son bras a mal cicatrisé, elle attend un rendez-vous avec un chirurgien depuis cinq heures. Cavani à Mayotte, le 30 décembre 2024.
Une fille attend devant l’hôpital de campagne pendant la visite de François Bayrou. Son bras a mal cicatrisé, elle attend un rendez-vous avec un chirurgien depuis cinq heures. Cavani à Mayotte, le 30 décembre 2024. © RFI/Lola Fourmy

Face aux difficultés du quotidien après le passage du cyclone, nombre de Mahorais sont très en colère. Des banderoles « Les Maorés [Mahorais] = les oubliés de la République » ont été préparées pour la venue de François Bayrou.

Des rencontres avec de nombreux acteurs

Plusieurs rencontres sont prévues avec les acteurs économiques, du monde de l’éducation, les forces de sécurité et les élus locaux. « François Bayrou veut rencontrer beaucoup de monde », expliquait une source à Matignon à Victorien Willaume, journaliste au service politique de RFI. Selon cette même source, l’accueil des Mahorais, « vu la gravité de la situation », pourrait être parfois difficile.

À l’issue de cette journée, François Bayrou s’exprimera au conseil départemental avant de se rendre en soirée sur l’île française de La Réunion, importante base logistique pour l’aide à Mayotte, située à 1 435 kilomètres, où il poursuivra sa visite mardi matin avant de regagner l’Hexagone.

2,5 tonnes de matériel

Dans les soutes de l’Airbus gouvernemental se trouvaient 2,5 tonnes de matériel humanitaire, notamment des pastilles de purification d’eau, du matériel pour effectuer des soins et du matériel pour les patients sous dialyse, a indiqué Matignon. Les secours sont à pied d’œuvre pour rétablir les services essentiels comme l’eau, l’électricité et les réseaux de communications. Les moyens précis mis en œuvre pour nettoyer, réparer, et fournir du matériel scolaire aux sinistrés n’ont pas encore été détaillés. Tout peut encore être modifié au vu de ce que le Premier ministre constate sur le terrain, a confié ce dernier ce lundi à la presse.

La localité de Barakani, à Mayotte, le 22 décembre 2024. Ces images prises à l'aide de drones ont fait craindre un très lourd bilan au vu des dégâts provoqués par le cyclone Chido.
La localité de Barakani, à Mayotte, le 22 décembre 2024. Ces images prises à l’aide de drones ont fait craindre un très lourd bilan au vu des dégâts provoqués par le cyclone Chido. © Adrienne Surprenant / AP

Des choix critiqués en pleine crise

François Bayrou a connu une première et intense polémique en se rendant, deux jours après le cyclone, à Pau dans le sud-ouest de la France, pour présider le conseil municipal de la ville dont il est le maire depuis 2014. L’annonce de la composition de son gouvernement lundi 23 décembre, journée décrétée de deuil national, a également été critiquée.

Son arrivée était scrutée et attendue par les Mahorais de l’Hexagone, qui se sont réunis le week-end dernier à Paris pour exprimer leur sentiment d’abandon. Certains d’entre eux n’ont pas digéré les mots d’Emmanuel Macron lors de son passage à Mayotte : « Il nous a humiliés », confie une étudiante à RFI. « Il a tenu des propos vexants que je n’ai pas envie de citer ici. Il nous a dit que c’est un service, une faveur que l’on nous fait d’être Français, alors que l’on a choisi et nos ancêtres se sont battus pour que l’on reste français. C’est juste triste et ça fait très mal », explique une jeune femme originaire du nord de l’île.

Certains Mahorais à Paris expliquent avoir perdu espoir concernant une possible action du gouvernement : « Depuis des décennies, des membres du gouvernement vont à Mayotte et promettent beaucoup, mais il n’y a jamais rien qui se fait. Je n’attends pas grand-chose, car cela sera toujours la même chanson. »

Des Mahorais dans l’attente de « réponses concrètes »

Sur place, des collectifs de citoyens mahorais exigent « des réponses concrètes » et immédiates du Premier ministre. Dans une lettre ouverte, ils dénoncent « l’insuffisance criante des mesures » de soutien après le passage du cyclone. Ils demandent « un plan de reconstruction rapide et structuré », la création d’un « fonds solidaire exceptionnel » pour indemniser les sinistrés, y compris les non-assurés, et la « suppression des impôts fonciers pour l’année en cours ».

Reportage à Petite-Terre avant la visite de François Bayrou à Mayotte

Lola Fourmy

Le sort de Mayotte doit faire l’objet d’un projet de loi spéciale, qui pourrait être présenté lors d’une réunion ministérielle prévue vendredi 3 janvier 2025.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *