Cyclone Chido: la catastrophe de Mayotte est-elle «seulement» climatique?

« Le cyclone, ce n’est pas moi ! », s’emportait Emmanuel Macron lors de son déplacement à Mayotte, quelques jours après le passage meurtrier de Chido sur l’archipel de l’océan Indien. Pris à partie par des Mahorais excédés par la lenteur des secours, le chef de l’État semblait rejeter la responsabilité du drame et de son bilan au seul événement météorologique.

Il apparaît pourtant que Mayotte était particulièrement vulnérable à un tel événement et que ce dernier était prévisible. Certes, les vents du cyclone ont soufflé par rafales à plus de 220 km/h et ces phénomènes sont rares sur l’archipel. Chido n’était cependant pas d’une intensité extrême, et si elles ne sont pas fréquentes, ces tempêtes ne sont pas inédites à Mayotte.

Comme l’explique Magali Reghezza, spécialiste des risques naturels et de la vulnérabilité des territoires à l’École normale supérieure, dans un billet publié sur le site Bon Pote, la science sait depuis longtemps mettre au jour les déterminants sociaux et territoriaux des catastrophes. « C’est ce qui explique par exemple que les conséquences des ouragans Chido et Irma en 2017 soient différentes : 11 morts aux Antilles françaises pour potentiellement plusieurs milliers à Mayotte. Pourtant, comparé à Irma, Chido est un “petit” cyclone : 220 km/h contre 320 km/h pour Irma. »

Mayotte est en effet, et de loin, bien plus pauvre que ne l’était Saint-Barthélémy lors du passage d’Irma. Le 101ᵉ département français est aussi le plus pauvre, et une large partie de ses résidents sont en situation irrégulière, vivant dans des bidonvilles d’une grande vulnérabilité face à ce type d’événement.

Des crises pré-existantes

De plus, de nombreuses crises pré-existaient à Chido sur l’archipel, comme des sécheresses répétées et persistantes, ainsi qu’un manque d’investissement dans les infrastructures. Hôpitaux et écoles, réseau de transport étaient déjà sous-dimensionnés avant Chido. Cette situation de départ rend d’autant plus compliquées les opérations de secours actuelles.

Ce sous-investissement concerne également les infrastructures censées être adaptées aux événements climatiques extrêmes. Le gouvernement français dispose en effet d’un fonds vert spécial à destination des territoires ultramarins. Il sert par exemple à renforcer les bâtiments face aux cyclones ou ouragans. Fin 2023, 1,3 million d’euros avaient été décaissés de ce fonds, à destination de projets en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion, mais aucun en Guyane ou à Mayotte.

À cette précarité de patrimoine, s’est ajoutée la précarité sociale : Météo-France a correctement anticipé la trajectoire du cyclone et son ampleur. Les bulletins d’alerte ont été émis en amont. Mais ces informations ne sont pas suffisamment parvenues aux populations les plus précaires, d’autant plus que Mayotte ne disposait pas de centres d’évacuations dédiés. De plus, plusieurs sources rapportent que de nombreux migrants sans-papiers n’ont pas souhaité se rendre dans les refuges, de peur de tomber dans un piège, d’être arrêtés et expulsés. De nombreux facteurs pré-existaient au passage de Chido, qui rendaient la catastrophe prévisible. Celle-ci « résulte toujours de la combinaison entre un phénomène physique, appelé aléa, et une situation d’exposition et de vulnérabilité », écrit Magali Reghezza.

Ainsi, si l’aléa Chido est naturel, dopé ou non par le réchauffement climatique, la catastrophe qui découle de son passage est bien le résultat de déterminants sociaux et de choix pris depuis plusieurs décennies à Mayotte.

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