Dans le nord-est de la Syrie, les Kurdes s’inquiètent des conséquences des attaques turques

Sur la route près de Qamichli, en Syrie, mercredi 11 janvier 2023, une voiture calcinée, touchée par un projectile venant d’un drone.Sur la route près de Qamichli, en Syrie, mercredi 11 janvier 2023, une voiture calcinée, touchée par un projectile venant d’un drone. © Julien Boileau / RFI

Les bombardements turcs sur le nord de la Syrie sont moins intensifs que le mois dernier, mais il y a toujours des attaques sporadiques. Hier, mercredi 11 janvier par exemple sur une route fréquentée entre Qamichli et Hassake sur laquelle nous sommes passés, une voiture venait d’être ciblée par un drone turc. C’est en tout cas ce qu’ont raconté des témoins. Nous avons vu effectivement la carcasse fumante du véhicule et l’impact sur la route. Il y a eu deux blessés dont un grave.

Près de la ligne de front entre les Turcs et les forces kurdes qui dirigent cette région du nord-est syrien, nous avons pu visiter une ville à moitié détruite. Beaucoup d’infrastructures civiles étaient touchées. Nous avons rencontré des habitants ont fui à quelques kilomètres, dans une école. On entendait des bombardements au loin.

Des familles étaient là, traumatisées, démunies. Il n’y a pas beaucoup d’aide, disent-elles, et on est en plein hiver. Et certaines familles sont même là depuis plusieurs mois car les opérations turques sont récurrentes sur le nord de la Syrie.

J’étais en train de travailler dans ma ferme, là, quand j’ai entendu « ssssshhh », le son d’un missile. Puis l’explosion. Je suis allé voir et j’ai vu une voiture explosée sur la route. Des gens se sont rassemblés, et on est allé porter secours pour emmener les victimes à l’hôpital. Un homme a été gravement blessé, je pense que sa jambe était pratiquement coupée. Sa femme, ça va, elle a pu nous aider à le porter….

Ecoutez le reportage sur une route fréquentée entre Qamichli et Hassake, avec la participation de Jiwan Mirzo

Pourquoi cette opération turque ?

L’élément déclencheur de l’opération militaire de la Turquie sur le nord syrien a été l’attentat d’Istanbul du 13 novembre qui a fait six morts et qui a été attribué aux Kurdes, ce qu’ils démentent. Il y a donc des raisons sécuritaires.

Mais il y a aussi des raisons plus politiques. Le président Erdogan est en campagne électorale, il joue sur la corde nationaliste. Se débarrasser « des ennemis kurdes », dans le nord-est syrien, pour y reloger des réfugiés syriens qui sont très nombreux sur le territoire turc, près de 4 millions, pourrait être un argument payant. C’est en tout cas l’analyse que livrent des responsables politiques et militaires kurdes ici.

 

Vers une offensive terrestre ?

Pour l’instant ce n’est pas le cas, Erdogan a même menacé d’une offensive terrestre. En revanche il y a une autre source d’inquiétude : c’est un rapprochement possible entre la Turquie et le régime syrien de Bachar el-Assad. Il y a eu des discussions de haut niveau récemment entre les deux parties « qui ont en commun de détester les Kurdes ». « Notre projet démocratique déplaît à ces dictateurs », aiment répéter les responsables kurdes que nous avons rencontrés.

Il faut rappeler aussi que Bachar el-Assad souhaiterait à terme récupérer cette région du nord-est du pays sous administration autonome kurde, région qui lui échappe pour l’instant.

Si cette alliance entre les Turcs et le régime syrien prenait forme, les Kurdes disent qu’ils seraient pourchassés, et cela pourrait créer de nouveaux flux migratoires, notamment vers l’Europe.

Par ailleurs, les bombardements turcs détournent les forces kurdes de leur lutte contre l’organisation État islamique. On l’a vu d’ailleurs ces dernières semaines, les attaques de jihadistes se sont multipliées dans le nord-est syrien. L’EI en profite. Donc, les Kurdes avertissent les Occidentaux : « il faut faire pression sur la Turquie, il faut nous soutenir, sinon tout le monde en paiera les conséquences ».

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