Notre série sur les ports du monde nous emmène aujourd’hui à Mar del Plata en Argentine. Cette station balnéaire abrite depuis toujours une colonie de quelque 500 lions de mer qui font sa fierté. Mais avec la pandémie, ces mammifères qui peuvent peser plus de 300 kilogrammes ont pris leurs aises et ont commencé à perturber les activités du port. En réponse, les autorités locales ont mis en place un dispositif impliquant scientifiques et défenseurs de la cause animale pour maintenir la cohabitation. Reportage à Mar del Plata de Théo Conscience
C’est la carte postale de Mar del Plata : des lions de mer qui paressent au soleil sur le port, au milieu des bateaux de pêches jaunes et oranges.
Attirés par les rejets de poissons, ces otaries à crinière cohabitent depuis toujours avec les pêcheurs de cette station balnéaire. Pourtant, à quelques mètres des animaux, José Antonio termine de souder une barrière.
« Le président du port nous a demandé d’installer une clôture pour que les lions de mer n’aillent pas dans la zone d’exploitation du port »
La baisse d’activité provoquée par la pandémie est en effet venue perturber la cohabitation.
« Ils se sont dits que c’était mieux d’être dans le centre du port plutôt que là où ils étaient avant. Et d’une quinzaine, on est passé à 450 animaux sur le quai », explique le président du consortium du port, Gabriel Felizia.
Et depuis, les habitudes ont la vie dure.
« Certains animaux étaient tellement accoutumés à être là, qu’à une certaine heure, ils allaient chercher une ration de poisson. D’autres montaient sur les voitures et les cassaient, ou s’installaient devant un commerce du quai des pêcheurs et ne laissaient entrer personne »
La présence de centaines de lions de mer, qui ont bien sûr des besoins naturels à satisfaire, sur le quai où les pêcheurs déchargent le poisson, pose aussi un problème de salubrité. Pour les déloger, les autorités du port ont dû demander de l’aide.
Guillermo Oliva tape dans ses mains et fait de grands gestes pour ramener un lion de mer aventureux vers la zone qui lui est réservée. Le jeune homme appartient à la fondation Fauna Argentina, qui prend soin de la colonie d’otaries à crinière de Mar del Plata depuis plus de 40 ans.
Il nous raconte ce qu’il fait : « On leur enlève des cordes, des filets et plein d’autres types de résidus. Et en ce moment, je suis en charge de la relocalisation des lions de mer »
Tous les jours, à la demande du consortium, des membres de la fondation viennent veiller à ce qu’aucun lion de mer ne s’échappe dans le port.
« Comme vous pouvez le voir, aujourd’hui c’est tranquille. Il y a 120 individus, ce qui n’est pas beaucoup comparé aux 300 animaux qu’il y avait dans la zone d’exploitation », constate Juan Lorenzani, le président de l’ONG.
Pour réduire le nombre d’animaux sur la zone de déchargement, les membres de la fondation ont dû se relayer sur le quai 24 heures sur 24 pendant tout le mois de juillet.
« On repoussait les animaux vers l’eau et, une fois dans l’eau, une grande partie d’entre eux se dirigeaient vers la réserve de la digue sud, là où un endroit spécial pour eux a été installé en 2000 », précise Juan Lorenzani.
Le suivi est ensuite assuré par le groupe d’étude des mammifères marins de l’Université nationale de Mar del Plata, dont fait partie Gisela Giardino. Elle raconte :
« Nous les avons marqués pour suivre leur évolution, les zones qu’ils colonisent. Pourquoi a-t-on eu ce problème ? Parce qu’avant, ils allaient sur une plage, mais les opérations de dragage du port ont fait disparaître cette plage. Les animaux se sont retrouvés sans cet espace et sont venus coloniser la zone de conflit »
C’est d’ailleurs pour cela que la dernière étape du plan de relocalisation consiste à proposer aux lions de mer un nouvel endroit pour s’installer.
« On est en train de travailler sur un système de pontons flottants comme ça existe en Californie, où les animaux sont dans la marina. L’idée n’est pas de les chasser totalement du port, car ils sont aussi une attraction pour les touristes. Ce qu’on veut, c’est les inciter à s’installer dans une zone où ils dérangent moins les activités de pêche », rajoute-t-elle.
ONG, scientifiques, autorités : tous les acteurs travaillent en collaboration pour que les lions de mer continuent de fréquenter Mar del Plata. Après tout, comme le remarque le président du port Gabriel Felizia : « Ils étaient là bien avant notre arrivée, quelque part, c’est nous qui sommes chez eux »