À l’issue de deux jours intenses à Paris, les représentants des États membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont décidé de lui accorder 16,9 milliards d’euros de budget pour les trois prochaines années. L’agence a également présenté sa nouvelle promotion d’astronautes.
Tous les trois ans, le monde du spatial européen retient son souffle. La « ministérielle» de l’ESA est en effet un événement qui jalonne la vie de l’agence pour les années suivantes. Durant deux jours à Paris, les représentants de ses États membres se sont ainsi réunis pour définir son budget et les programmes qu’elle devra suivre pour les trois prochaines années. Et l’ESA est arrivée avec une demande ambitieuse : une hausse de 25% de son budget pour un total de 18,5 milliards d’euros. Pour son directeur général, l’Autrichien Josef Aschbacher, il s’agissait en effet de ne pas manquer le train en marche, dans un secteur très compétitif dominé par les États-Unis et la Chine.
Après d’âpres négociations, le compte n’y est pas : ce sont ainsi 16,9 milliards d’euros qui ont été accordés. La satisfaction était cependant de mise, il s’agit tout de même d’une augmentation de 17% par rapport au dernier exercice. « C’est quelque chose d’assez remarquable étant donné le contexte », expliquait ainsi Josef Aschabacher. « Nous connaissons une crise financière, une crise de l’inflation, une crise de l’énergie. Il y a toujours le Covid-19 dont les effets se font toujours sentir pour beaucoup. Malgré ces circonstances, je suis impressionné par le fait que nous y soyons parvenus. »
Dans les faits, cette augmentation va permettre de sécuriser les principaux programmes de l’ESA, notamment en matière de missions scientifiques, de télécommunication, ou encore de navigation par satellite.
Les projets validés
Il restait cependant encore beaucoup d’inconnues. Le report d’un an du lancement inaugural de la nouvelle fusée Ariane-6 entraîne des surcoûts. Il manquait alors près de 200 millions d’euros à l’équation, ils ont été sécurisés. L’autre projet en suspens concerne Argonaut, un cargo automatisé capable d’envoyer de lourdes charges vers la Lune. Le projet a été validé, les premières études vont pouvoir commencer et on attend un premier lancement au début de la décennie 2030.
Toujours dans le domaine de l’exploration, mais vers Mars cette fois, le Conseil des ministres s’est accordé pour sauver la mission ExoMars. Il s’agit d’un projet très ambitieux qui prévoit d’envoyer le rover Rosalind Franklin vers la planète rouge pour y dénicher et étudier d’éventuelles traces de vie passée. L’engin est prêt, il devait décoller en septembre, mais à bord d’un lanceur russe. La mission était en effet un partenariat entre l’ESA et son homologue Roscosmos, abandonné depuis le début de la guerre en Ukraine. Depuis, toutes les options ont été envisagées, comme lui réserver une place au musée, mais ce sont finalement 360 millions d’euros qui ont été négociés pour reprendre le projet. L’ESA va pouvoir commencer à développer un atterrisseur européen, pour laquelle la Nasa devrait apporter son soutien.
Des projets probablement reportés
Malgré ces bonnes nouvelles pour le secteur, l’Agence spatiale européenne n’a tout de même pas eu la somme escomptée, et cela aura des incidences. « Pas d’annulation de projets », promet Josef Aschbacher, mais des ajustements à la baisse et probablement des reports. L’observation de la Terre fait partie des domaines les plus touchés. Même si le budget est en hausse par rapport à 2019, les États membres n’ont apporté que 80% du financement réclamé. Il faudra donc que l’ESA revienne vers ses membres « entre décembre et février, pour développer un plan sur ce qui peut être fait », assurait Simonetta Chelli, directrice du secteur à l’agence. Malgré cela, l’ESA a obtenu l’accord pour commencer sur Aeolus-2, un satellite d’observation des vents, qui fait suite à une première mission révolutionnaire dans le domaine.
Enfin, le dernier volet important concernait le vol spatial habité. Si la décision de doter l’Europe de moyens souverains pour envoyer ses astronautes en orbite est prévue pour la ministérielle de 2025, la décision a d’ores et déjà été prise d’assurer la présence de l’Europe à bord de la Station spatiale internationale jusqu’en 2030, en concertation avec ses partenaires internationaux.
La promotion 2022
Cela a également donné lieu à la présentation de la nouvelle classe d’astronautes. Ils sont ainsi cinq à rejoindre les sept déjà en service. Après presque deux ans de sélection et 22 500 candidats sur la ligne de départ, le Suisse Marco Sieber, l’Espagnol Pablo Fernandez, le Belge Raphaël Liégeois, la Britannique Rosemary Coogan et la Française Sophie Adenot réalisent leur rêve. « J’en rêvais depuis petite fille, mais ce n’est pas encore concret », souriait la Française, onzième astronaute du pays. « J’en attends beaucoup en matière de science, de technologie, et de pouvoir transmettre aux jeunes. » Pilote d’essai d’hélicoptère pour l’armée de l’air et de l’espace, Sophie Adenot débutera son entraînement au printemps avec ses nouveaux collègues. Il faudra ensuite attendre qu’on leur assigne leur première mission vers l’ISS avant de pouvoir envisager la Lune, dans le cadre du programme Artémis de la Nasa auquel coopère l’ESA.
En parallèle, l’Agence se dote également d’un corps d’astronautes de réserve. Ils sont onze à l’avoir rejoint, mais sans garantie de vol pour l’instant. Enfin, autre nouveauté, le Britannique John McFall devient le premier parastronaute. Médaillé de bronze au 200 mètres aux jeux paralympiques, il a été amputé d’une jambe au-dessus du genou à la suite d’un accident de moto. Il a été sélectionné pour participer à un programme d’étude de faisabilité d’un vol spatial pour les personnes porteuses de handicap.