Exécutions en Iran: deux ONG enregistrent une hausse massive en 2022

En Iran, les exécutions judiciaires ont augmenté de 75% en 2022, rapportent deux ONG. La peine de mort est, selon ces organisations, utilisée par le pouvoir iranien pour « répandre la peur ».

Mahmood Amiry Moghaddam parle d’une « machine à tuer ». Dans le rapport présenté le 13 avril à Paris avec l’organisation Ensemble contre la peine de mort (ECPM), le dirigeant de l’ONG Iran Human Rights (IHR) fait état d’une augmentation de 75% des exécutions judiciaires en Iran en 2022. Avec 582 exécutions par pendaison, ce chiffre devient ainsi le plus élevé depuis 2015 (972 exécutions).

Sur les 582 pendaisons enregistrées, les deux ONG notent que 49% sont liées à des condamnations pour meurtre, 44% pour trafic de drogue.

« Le but n’est pas de combattre le crime, mais de répandre la peur, analyse Mahmood Amiry Moghaddam, qui voit un lien avec le mouvement de contestation qui a traversé le pays à partir de septembre 2022. Comme les autorités n’ont pas le soutien de la population, leur seule façon de gouverner est de prétendre qu’elles sont plus fortes. »

Tuer donne donc au régime l’illusion du pouvoir et procure dans le même temps au peuple un sentiment d’impuissance.

Déjà 150 exécutions en 2023

En septembre 2022, la mort en détention de la jeune kurde iranienne Mahsa Amini a entrainé des vagues de manifestations dans tout le pays. D’après les deux ONG, quatre personnes – deux en 2022, deux en 2023 – ont depuis été exécutées dans le cadre de la répression menée par les autorités. Ces pendaisons, dont celle de Majidreza Rahnavard le 12 décembre en public, avaient suscité des réactions de l’étranger et des organisations de défense des droits de l’homme.

« J’appelle la communauté internationale à rappeler sans cesse au pouvoir iranien, que ce soit dans ses relations commerciales ou dans ses négociations sur le nucléaire, la question de la peine de mort et des droits de l’homme, tonne Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d’ECPM. Il faut condamner ces peines prononcées contre les manifestants, mais condamner aussi les exécutions des trafiquants de drogues et des meurtriers parce qu’au final, c’est l’ensemble de la population iranienne qui est visée. »

Depuis le début de l’année, 150 personnes ont déjà été exécutées, rapporte IHR, qui redoute que ce chiffre n’explose en 2023. « Le pouvoir est incapable de répondre aux revendications des manifestants, la situation économique et financière est de pire en pire, explique Mahmood Amiry Moghaddam. Les autorités n’ont qu’une solution, gouverner par la peur. »

Mahmood Amiry Moghaddam, de l'ONG Iran Human Rights (IHR).
Mahmood Amiry Moghaddam, de l’ONG Iran Human Rights (IHR). © Nicolas Feldmann / RFI

Quatre questions à Mahmood Amiry Moghaddam, de l’organisation IHR

RFI : Quel est le profil type des personnes exécutées en Iran ?

Dans notre rapport, 93% des exécutions sont liées à des condamnations pour meurtre ou trafic de drogue. Si on examine en détail, on constate que les personnes exécutées appartiennent principalement à des groupes marginalisés de la société.

Lorsqu’il s’agit de trafic de drogue, environ la moitié d’entre elles, en plus d’être très pauvres, appartiennent également à la minorité ethnique des Baloutches.

La République islamique d’Iran ne fait pas de distinction entre le meurtre prémédité et l’homicide involontaire. Peut-être s’agissait-il d’un accident, mais la loi iranienne ne fait pas de distinction. Je dirais donc que les victimes sont des groupes marginalisés de la société et des victimes à bas prix de cette machine à tuer.

Pourquoi employer cette expression, « machine à tuer » ?

L’Iran est, après la Chine, le pays où le nombre d’exécutions est le plus élevé. Nous devons aussi garder à l’esprit que le système judiciaire iranien n’est pas indépendant. Le pouvoir judiciaire fait partie du système oppressif, de sorte que les personnes condamnées à mort en Iran n’ont pas été soumises à un procès normal, ou alors si elles l’ont été, n’ont pas bénéficié d’une procédure régulière selon les définitions internationales.

Je dirais même que presque toutes les exécutions en Iran sont des exécutions extrajudiciaires. C’est pour cela que nous parlons d’assassinats.

Peut-on faire un lien entre l’augmentation des exécutions judiciaires et les manifestations déclenchées par le mort de Mahsa Amini à partir de septembre 2022 ?

Nous suivons l’évolution de la peine de mort en Iran depuis plus de quinze ans, et nous constatons que le calendrier des exécutions, quelles que soient les charges retenues, est très étroitement lié aux événements politiques du pays.

Les autorités iraniennes ont admis à de nombreuses reprises qu’en 43 ans d’exécutions, elles n’avaient pas réussi à réduire la criminalité liée à la drogue ou à la violence, et qu’elles n’avaient pas non plus réussi à faire baisser le nombre d’exécutions. Le but n’est pas de lutter contre la criminalité, mais de répandre la peur.

La peine de mort a un impact très profond sur les esprits. Quand vous avez une autorité qui est capable d’ôter la vie et qu’elle est prête à le faire, alors la population ne parle pas. Le message est le suivant : si vous faites quelque chose qui ne nous plait pas, nous vous tuons. C’est ce qu’ils appliquent.

Votre ONG rapporte l’exécution de 16 femmes en 2022. Quelles charges ont été retenues contre elles ?

C’est en Iran que l’on exécute le plus de femmes. C’est le cas depuis dix ans, et si vous regardez, la plupart sont condamnées à mort pour avoir tué leur mari. Si vous revenez en arrière, vous trouverez des histoires de violence domestique ou d’interdiction de divorcer.

Dans le système judiciaire iranien, le témoignage d’une femme pèse la moitié de celui d’un homme. Elles ont donc moins de droits. Je pense que cela fait partie de la tragédie à laquelle nous assistons en Iran.

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