Forte chaleur et inflation: quand la climatisation devient un luxe au Japon

Le Samu et les hôpitaux sont sur les dents au Japon depuis le début de la vague de chaleur. Rien que dans la capitale, chaque semaine, plusieurs milliers de personnes sont conduites aux urgences en état d’hyperthermie : victimes de « coups de chaleur ». Et dans près d’un cas sur deux, on les a retrouvées très affaiblies, voire inanimées, non pas dans la rue, mais chez elles : à leur domicile, car elles n’avaient pas ou pas assez utilisé leur climatiseur en raison de l’inflation.

Début juin, tout comme l’an dernier, les tarifs de l’électricité ont augmenté de 20% en moyenne à l’échelle du pays et même de 40% dans certaines régions. Les salaires et les pensions de retraite étant assez peu élevés dans l’archipel, beaucoup de Japonais peinent à boucler leurs fins de mois.

À l’image de ces Tokyoïtes, qui en sont réduits à rogner sur la climatisation. « Avec une telle inflation, mon petit budget n’arrive plus à suivre. Donc le climatiseur, c’est le moins souvent possible. Je compense en m’hydratant du matin au soir », explique une Japonaise. « Je coupe la clim’ la nuit : ça me coûterait trop cher. Mais vivant dans un studio mansardé, je dors très mal tellement il fait chaud. Ça va finir par m’épuiser », craint un autre Japonais. « Il n’y pas que le gaz et l’électricité qui ont augmenté : les denrées alimentaires, c’est +10% et les produits frais +20%. C’est difficile de s’en sortir dans de telles conditions… », abonde un autre.

« Si la clim’ tournait en permanence, je ne pourrais plus manger que deux fois par jour »

Vingt millions de Japonais vivent seuls, dont 8 millions de personnes âgées – soit près d’un senior sur cinq. Cela inquiète particulièrement les autorités sanitaires, car il n’est pas sûr que les services de secours seraient prévenus rapidement s’ils faisaient un malaise à la maison en raison de la chaleur.

Un risque que mesurent cette veuve et ce célibataire. Pour autant, ils se passent de climatiseur ou l’utilisent avec parcimonie. « Je ne touche que 100 000 yens de retraite [650 euros environ, NDLR]. Chez moi, dès lors, c’est le ventilateur et rien d’autre. Je suis déjà assez stressée comme cela avec les factures impayées et les intérêts de retard… », dit la Japonaise. « Si la clim’ tournait en permanence, je ne pourrais plus manger que deux fois par jour. Trois repas, ce serait l’assurance de ne pas pouvoir payer ma facture d’électricité à la fin du mois… », lâche ce Tokyoïte.

Cet été, bon nombre de municipalités ont décidé d’allouer une indemnité exceptionnelle aux ménages qui n’arrivent pas à payer leurs factures de gaz ou d’électricité. Ce « chèque énergie » se monte généralement à 30 000 yens par foyer, soit 200 euros environ. Mais vu la lourdeur et la lenteur proverbiales de l’administration au Japon, cette aide ne sera sans doute pas versée avant septembre.

D’ici là, beaucoup de Japonais continueront à ne pas assez utiliser leur climatiseur, au risque de mettre leur santé en danger…

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