Le Conseil constitutionnel français dira ce vendredi 14 avril s’il juge conforme à la Constitution, tout ou partie du projet de loi réformant les retraites, adopté par le Parlement via 49.3. De la censure totale à la validation du texte, quelles options sont concrètement sur la table ? Et pour les opposants à la réforme du gouvernement ?
Que diront les Sages ? Gouvernement, opposition et syndicats sont suspendus à leur décision. Valider totalement ? Censurer une partie du texte ? Ou plus hypothétique, le rejeter d’un bloc ?
Le Conseil constitutionnel doit aussi annoncer s’il valide le référendum d’initiative partagée déposé par 252 parlementaires opposés à la réforme des retraites.
Pour Didier Maus, président émérite de l’Association française de droit constitutionnel, les deux dossiers sont indépendants. « Il n’y a absolument pas les mêmes arguments dans les deux cas, dit-il. Ce sont deux procédures complètement différentes. Mais politiquement, il y a évidemment un lien pour l’opinion publique. »
Pour les oppositions à gauche, valider le texte tel quel serait une décision politique et les Sages seraient du côté d’Emmanuel Macron. Une accusation infondée, selon Didier Maus.
« Un certain nombre de personnes ont intérêt à faire dire cela, c’est évident. Moi, je ne crois pas, parce que le Conseil constitutionnel va redire ce qu’il dit dans chaque décision importante, c’est qu’il n’a pas un pouvoir d’appréciation générale égal à celui Parlement. Ce n’est pas un organe élu, c’est un organe nommé. Il ne représente pas la souveraineté nationale, il représente la Constitution et l’État de droit, et donc il n’a pas à tenir compte des arguments politiques des uns ou des autres. »
Le juge constitutionnel est un pacificateur. Il n’a pas à tenir du fait qu’il y aura des manifestations dans la rue ou qu’il y en a eu, ça ce n’est pas son problème du tout.
Didier Maus, constitutionnaliste
La question du référendum d’initiative partagée
Le gouvernement appelle oppositions et syndicats à respecter la décision des Sages même si elle ne va pas dans leur sens. Mais quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, opposition et syndicats n’ont pas l’intention d’arrêter leur mobilisation.
Dans la Nupes, notamment, on ne compte pas abandonner la bataille et on place une partie de ses espoirs dans le référendum d’initiative partagée visant la réforme, sur lequel doit aussis tatuer le Conseil. D’autant que la censure totale du texte, ils n’y croient plus vraiment.
« Quelle que soit la décision, les gens qui sont ici ne se battent pas parce que la loi est inconstitutionnelle, considère Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Ils sont là parce que cette loi est injuste. Et donc, quelle que soit la décision, ils continueront d’une manière ou d’une autre. »
La pression doit donc être maintenue sur Emmanuel Macron, juge également l’ancien candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot : « Il écrase la démocratie sociale. Il humilie la démocratie parlementaire. Quelle que soit sa légalité, vous voyez bien qu’il n’a plus de légitimité pour porter ce projet. Donc il le retire. »
Et pour garder les retraites au cœur du débat public, quoi de mieux que les neuf mois de campagne que permettrait donc le référendum d’initiative partagée ? Fabien Roussel, du Parti communiste : « Ce référendum, c’est une voie démocratique et c’est la plus belle qu’il peut y avoir. Ce n’est pas le putsch, ce n’est pas l’insurrection, ce n’est pas la violence, ce n’est pas la radicalité, c’est la démocratie. »
Loin des micros, les dirigeants de gauche affichent une mine soucieuse, craignant des réactions imprévisibles de la rue, si le Conseil venait à valider la réforme et à rejeter le RIP.
À noter qu’une seconde proposition de RIP sur la réforme a été déposé au Sénat jeudi après-midi. Des experts juridiques proches de la Nupes estimaient en effet que des éléments du premier texte déposé étaient imprécis. Le Conseil constitutionnel pourrait donc avoir à statuer une seconde fois.
Dans la rue, une mobilisation en baisse ce jeudi
La mobilisation était en baisse ce jeudi. Ils étaient 380 000 à battre le pavé dans le pays, selon le ministère de l’Intérieur. La CGT a revendiqué 1,5 million de manifestants, contre deux millions la semaine précédente.
Mais même moins nombreux, les opposants à cette réforme et notamment au recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans restaient déterminés.