Des élus de droite et d’extrême droite se sont indignés après la diffusion, vendredi 19 août, d’une vidéo montrant des détenus faire une course de kart avec des surveillants pénitentiaires. Pourtant, ils participaient à un évènement caritatif organisé par l’émission « Kholantess » du youtuber Djibril Dramé avec l’autorisation du ministère de la Justice, dans une prison où les conditions de détentions sont très difficiles.
Une course de kart, un quizz, des jeux d’eau, du tir à la corde, le tout dans la cour d’une prison mêlant détenus, surveillants pénitentiaires et habitants de quartiers populaires. Il n’en fallait pas moins pour déclencher l’ire de responsables politiques de droite et d’extrême droite comme le député Les Républicains Éric Ciotti ou Gilbert Collard, le président d’honneur du parti d’extrême droite Reconquête !. À l’instar de la vice-présidente Rassemblement national de l’Assemblée nationale Hélène Laporte, tous ont tweeté, samedi, en s’indignant que des détenus puissent s’adonner à une activité ludique pendant leur incarcération. L’élue d’extrême droite écrit : « Pendant ce temps-là, un enfant sur trois ne part pas en vacances par manque de moyens financiers. Les contribuables seront heureux de voir où part leur argent. »
Contactée par RFI, Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté en France glisse, lassée par ces réactions : « Ça n’a rien coûté à personne, c’est la production qui a tout payé. Nos impôts ne passent pas là-dedans. »
La polémique a enflé sur le réseau social et le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a aussitôt réagi, lui aussi, par un tweet : « Après les images choquantes de la prison de Fresnes, j’ai immédiatement ordonné une enquête [administrative]… » Pourtant, la tenue de l’évènement avait été validée par le ministère d’après les informations de nos confrères du Figaro. Sur la chaîne BFMTV, le producteur de l’émission « Kholantess », Enzo Angelo Santo, le confirme : « Tout le monde était au courant de notre action. Nous avons signé une convention entre nos parties et l’administration pénitentiaire. »
Événement pour des associations caritatives
Derrière cette polémique, il y a l’émission « Kohlantess » animée par le youtuber Djibril Dramé. Il avait déjà organisé ce type d’épreuve entre des jeunes de la ville de Fresnes et des policiers au mois de juillet. Le but de l’émission est simple : des équipes s’affrontent lors de jeux ludiques afin de rassembler des publics différents. Pour Dominique Simonnot, cet évènement est de nature à rapprocher les détenus et les surveillants pénitenciers. « Il y a de la violence en prison entre détenus et avec les surveillants. Là, c’était un moment de détente où ils pouvaient être fiers tous ensemble d’avoir fait quelque chose de bien », explique-t-elle.
En effet, chaque équipe représentait une organisation caritative. L’équipe des surveillants a gagné 1 700 euros pour l’association Arc-en-Ciel, qui a vocation à réaliser le rêve des enfants malades, l’équipe des détenus 650 euros pour l’association Relais enfants parents qui aide au maintien des liens entre l’enfant et son parent incarcéré. Les jeunes de la ville de Fresnes ont récolté, eux, 350 euros pour l’association Unitess qui fait le lien entre les jeunes de quartier populaires et les institutions. À la fin de la vidéo diffusée sur la chaîne YouTube de Djibril Dramé « Djibril942 60 », on voit les participants tout sourire, félicités par le directeur de la prison de Fresnes, Jimmy Delliste.
Conditions de détentions difficiles
La vidéo vise aussi à sensibiliser les jeunes à la prison. Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs des tweets polémiques, un évènement comme celui-ci ne s’organise pas facilement dans les maisons d’arrêt. « Ces activités sont extrêmement surveillées. C’est très compliqué d’obtenir les autorisations. L’administration pénitentiaire n’autorise pas n’importe quoi. En plus, ces activités sont assez rares. Il y a tellement de monde en prison que peu de détenus y ont accès », explique Danielle Simonnot, contrôleuse des lieux de privation de liberté en France.
Tout au long de l’émission, des détenus témoignent de leurs conditions de détention et de la rudesse de la vie derrière les barreaux : « Même en temps de canicule, on n’a que trois douches par semaine, ce n’est pas le club med’ », dit l’un d’entre eux qui porte le tee-shirt jaune de l’équipe des prisonniers. « Koh Lantess, ça nous a rappelé pendant quelques secondes ce que ça faisait d’être dehors. »
À l’intérieur, les conditions sont difficiles. « C’est une prison qui est surpeuplé à 144%, où il y a des matelas au sol, des rats un peu partout, des punaises de lit et des cafards. Dormir sur un matelas au sol, ça veut dire aspirer des cafards quand on dort. Les détenus se mettent du papier toilette dans le nez et les oreilles pour éviter ça. Pour moi, le scandale il est là ! », détaille Dominique Simonnot.
Face aux accusations qui comparent la prison à un club de vacances, elle souffle : « Je croyais qu’on était sorti de ce gimmick ridicule qui dit que la prison, c’est le club med’. Demandez à Patrick Balkany [l’ancien maire de Levallois-Perret coupable de fraude fiscale et libéré début août, NDLR]. Il dit lui-même que la prison était dure et encore, il a bénéficié de conditions exceptionnelles, ils n’étaient pas trois dans sa cellule. »