Depuis que les programmes de discrimination positive ont été lancés en 1965, à chaque occasion, la dernière fois en 2016, la plus haute juridiction du pays avait tranché en faveur de ces programmes. Cela s’est terminé ce jeudi 29 juin 2023.
Sans grande surprise, la majorité conservatrice de la Cour a parlé. Les six juges conservateurs, voire ultra-conservateurs ont pris cette décision, et les trois juges dits libéraux écrivent ce que l’on appelle une opinion dissidente.
La décision fait 267 pages. Elle invite les universités publiques et privées à utiliser d’autres critères que la race dans leurs programmes d’admission pour assurer la diversité du recrutement de leurs étudiants. Des critères comme le revenu ou l’origine géographique des candidats à l’admission.
Mais les associations afro-américaines estiment que cela va réduire le nombre de Noirs et de Latinos dans les grandes universités. Cette décision fait suite à des plaintes de collectifs d’étudiants blancs et asiatiques qui s’estimaient discriminés par ces programmes.
La Cour suprême a peut-être effacé plus de quarante ans de droit, mais les organisations pour les droits civiques dans le pays vont continuer le combat, jusqu’à ce que nous reprenions ce qui a été perdu.
Reportage à Washington : devant la Cour suprême, une décision saluée ou critiquée
Biden « fortement en désaccord »
Cette décision historique provoque de nombreuses réactions. Le président Joe Biden a modifié son programme pour exprimer son profond désaccord avec cette décision à laquelle il ne peut rien puisqu’elle est sans appel. Et il demande aux universités de trouver de nouveaux moyens pour s’assurer que leurs étudiants représentent la diversité du pays.
« Je suis fortement, fortement en désaccord avec la décision de la Cour suprême », qui est revenue sur « des décennies de jurisprudence » a-t-il dit lors d’une allocution télévisée. Les universités « ne devraient pas abandonner leur engagement à garantir que les étudiants aient des expériences diverses qui reflètent toute l’Amérique », a-t-il ajouté.
« Je pense que nos universités sont plus fortes avec la diversité raciale. Notre nation est plus forte, parce que nous puisons dans l’éventail complet des talents de cette nation. Je crois aussi que même si le talent, la créativité et le travail sont partout dans ce pays, ce n’est pas le cas de l’égalité des chances. Bien que la cour puisse prendre cette décision, elle ne peut pas changer ce que représente l’Amérique. L’Amérique est un idéal, une idée unique au monde. Une idée d’espoir, et d’opportunités, de possibilités, de laisser une chance à tout le monde et de ne laisser personne au bord du chemin. Nous n’en n’avons jamais été complètement dignes, mais nous ne l’avons jamais abandonnée non plus. Nous ne nous éloignerons pas maintenant. »
Trump salue « un grand jour pour l’Amérique »
Cette décision de la Cour suprême a suscité un concert d’applaudissements à droite. « La discrimination positive est une discrimination systémique », a écrit le sénateur républicain Tom Cotton sur Twitter. « Je suis heureux que la Cour suprême ait jugé que cette discrimination était contraire à la Constitution. Les admissions doivent être décidées sur la base du mérite, et non de la couleur de la peau. »
L’ancien président et candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024, Donald Trump, a salué dans cette décision de la Cour « un grand jour pour l’Amérique ». « Les personnes dotées de capacités extraordinaires et de tout ce qui est nécessaire pour réussir (…) sont enfin récompensées », a-t-il déclaré sur son réseau social Truth Social.
Je ne suis pas vraiment surprise parce que récemment, beaucoup de décisions de ce genre ont été prises. Cela nous a fait comprendre que nos dirigeants veulent nous ramener en arrière : la suppression des questions raciales dans l’enseignement dans plusieurs États, la fin du droit constitutionnel à l’avortement ou encore les limitations du droit de vote. Donc cette décision de la Cour suprême ne me surprend pas, mais cela ne la rend pas moins décourageante. Je ne pense pas que l’on puisse faire confiance aux universités pour choisir leurs étudiants équitablement. Au contraire, je pense que ce jugement permettra aux universités blanches d’empêcher l’arrivée des étudiants non-blancs. Pour les étudiants non-blancs, il sera désormais plus difficile de poursuivre leurs études supérieures et, surtout, ils n’auront maintenant plus aucune possibilité de se tourner vers la justice pour faire valoir leurs droits. Et ça, vraiment, ça me fait peur.