L’armée ukrainienne a affirmé samedi 1er octobre être « entrée » à Lyman, ville stratégique dans la région de Donetsk (Est), annexée la veille par Moscou malgré les condamnations de Kiev et des Occidentaux. L’armée russe a ensuite annoncé « s’être retirée » de cette ville utilisée depuis des mois comme base de troupes et de fournitures de l’armée russe.
« Les forces d’assaut aériennes ukrainiennes entrent dans Lyman, dans la région de Donetsk », a indiqué sur Twitter le ministère ukrainien de la Défense. Message accompagné d’une vidéo où l’on aperçoit deux soldats agiter le drapeau ukrainien près du panneau d’entrée de Lyman.
En parallèle, l’armée russe soutient s’être retirée. « Menacées de se faire encercler, les troupes alliées ont été retirées de Lyman vers des lignes plus favorables », a indiqué dans un communiqué le ministère russe de la Défense.
Après avoir repris cinq villages dans les environs, le porte-parole de l’armée ukrainienne dans l’est, Serguiï Tcherevatiï, avait déclaré à la télévision, cité par l’agence Interfax-Ukraine, qu’« environ 5 000 – 5 500 Russes » étaient retranchés dans et autour de Lyman ces derniers jours.
Pour Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région voisine de Lougansk, les soldats russes présents « dans le chaudron » de Lyman avaient alors « trois options : s’enfuir, mourir tous ensemble ou se rendre ».
Vendredi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’était félicité des « résultats significatifs » de la contre-offensive de ses troupes dans l’Est, poussant les Russes à se retirer de nombreux territoires conquis. Le même jour, un haut responsable séparatiste prorusse, Denis Pouchiline, avait reconnu que les Russes présents à Lyman y combattaient « à bout de force », face à une situation « difficile ».
Nœud stratégique utilisé comme base pour l’armée russe
Le retrait russe de Lyman porte une énorme charge symbolique au lendemain de la cérémonie d’annexion des territoires ukrainiens par la Russie. Cette région de Donetsk, où se situe Lyman, était censée être redevenue russe.
Pour les Ukrainiens, c’est la victoire la plus importante enregistrée depuis la contre-offensive éclair lancée autour de la grande ville de Kharkiv, plus au nord, le mois dernier. La ville pourrait être une nouvelle base pour maintenir cet élan, et un nouveau levier pour pousser plus loin vers l’Est. Cela notamment vers l’oblast voisin de Lougansk, très largement occupé aujourd’hui par l’armée russe.
La perte de Lyman représente donc un revers pour l’armée russe après plusieurs autres depuis début septembre et le lancement de la contre-offensive de Kiev dans le sud et l’est de l’Ukraine.
L’armée russe n’avait pas d’autre choix que de se retirer, analyse pour RFI le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense Nationale.
Cette ville est située à un carrefour logistique, avec des routes et des voies ferrées, et donc était importante parce qu’elle permettait aux Russes d’approvisionner leurs unités en première ligne. Et donc, la chute de Lyman est un coup dur puisque ce carrefour stratégique n’est plus contrôlée par les forces russes, ce qui les oblige à se réorganiser. D’où l’annonce de ce retrait. Et, à l’inverse, pour les Ukrainiens, c’est le symbole qu’ils sont dans une dynamique offensive et qu’ils reconquièrent du terrain. Il fallait impérativement pour le commandement russe éviter de perdre trop de soldats et surtout qu’il y ait des prisonniers parce que sur le plan du moral, eh bien, avouer que des soldats russe ont été faits prisonniers tomberait très mal compte tenu du contexte de mobilisation décrété par Vladimir Poutine la semaine dernière.
Général Pellistrandi (revue Défense Nationale): «La chute de Lyman est un revers pour les Russes»
Cette ville – aujourd’hui largement désertée de ses quelque 20 000 habitants – avait été prise par l’armée russe au mois de mai. C’est un nœud ferroviaire dans cette région de Donetsk, dans le Donbass, dont Moscou vient de célébrer en grande pompe l’annexion.
Mais c’est avant tout un nœud logistique. Lyman est utilisée depuis des mois comme une base par l’armée russe, pour ses troupes et ses armes envoyées sur le front de la région de Donetsk. Les forces russes doivent donc se réorganiser. La prise de Lyman est la confirmation que les Ukrainiens sont dans une dynamique offensive.
Kadyrov appelle à utiliser « des armes nucléaires de faible puissance »
Ces victoires ukrainiennes, à répétition depuis début septembre, ouvrent aussi une période d’incertitude.
Quelle sera la réaction du président russe Vladimir Poutine, lui qui avait célébré en grande pompe vendredi l’annexion de Donetsk par la Russie, cette région dont fait partie la ville de Lyman ? Son allié, le dirigeant de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, l’appelle à prendre des mesures plus drastiques. Habitué aux déclarations fracassantes, il propose de déclarer la loi martiale dans les zones frontalières et d’utiliser des armes nucléaires de faible puissance en Ukraine. « À mon avis, des mesures plus drastiques doivent être prises, jusqu’à la déclaration de la loi martiale dans les zones frontalières et l’utilisation d’armes nucléaires de faible puissance », a déclaré Ramzan Kadyrov dans un message posté sur Telegram. Il s’est insurgé contre le « népotisme » qui gangrène l’armée tout en s’interrogeant sur la façon dont le commandement rend des comptes à Vladimir Poutine, rapporte notre correspondant à Moscou Jean-Didier Revoin.
Depuis plusieurs jours, on savait que les troupes russes étaient en difficultés à Lyman, pratiquement encerclées par des forces ukrainiennes galvanisées par les succès de leur contre-offensive. Le commandement russe a justifié leur retrait de Lyman par la nécessité de redéployer ses hommes dans des positions plus favorables, ce qui veut dire les maintenir en état de combattre et reconstituer de nouvelles lignes de défense. Certaines sources s’attendent à une intensification des combats après le 5 octobre, lorsque ces territoires auront officiellement rejoint la Fédération de Russie.