La nouvelle stratégie de défense américaine a été publiée. Ce document fixe la stratégie de l’armée la plus puissante du monde pour les années à venir. Mais il était aussi question, plus spécifiquement ce jeudi 27 octobre au Pentagone, de la conception de la dissuasion nucléaire observée par Washington.
Le Pentagone prévient : les armes nucléaires dont sont dotés les États-Unis d’Amérique sont destinées à « dissuader toute forme d’attaque stratégique ». Comprendre : conventionnelle inclue.
C’est la nouvelle stratégie nucléaire du pays, un document publié pour la première fois en même temps que la nouvelle stratégie de défense en général – et la nouvelle posture antimissile – ce jeudi.
« Cela inclut l’emploi d’une arme nucléaire, quelle que soit sa puissance, et cela inclut des attaques très importantes de nature stratégique, avec l’usage de moyens non nucléaires », détaille à la presse un haut responsable du ministère de la Défense.
Ce dernier précise que cette nouvelle posture est destinée à « compliquer la prise de décision » de l’adversaire, au moment où la Russie accuse l’Ukraine de se préparer à faire usage d’une « bombe sale », pour ensuite pointer du doigt son régime.
« La Russie a mené son agression contre l’Ukraine sous la menace nucléaire, avec des déclarations irresponsables, des exercices nucléaires à des dates irrégulières et des mensonges concernant l’usage potentiel d’armes de destruction massive », détaille le texte.
Ce dernier est long d’une vingtaine de pages. Une version plus longue, classée secret défense, avait été transmise au Congrès américain il y a plusieurs mois.
Le texte s’arrête au passage sur le régime de Pyongyang. Alors que Washington s’attend à un test nucléaire imminent de la Corée du Nord, le Pentagone prévient que « toute attaque nucléaire de la Corée du Nord contre les États-Unis ou leurs alliés et partenaires sera inacceptable et conduira à la fin de ce régime ».
Le point sur les rivaux
Dans sa nouvelle stratégie de défense pour les années à venir, la plus grande puissance militaire du monde dresse ses constats : certes, la Chine pose un risque « fondamental » pour sa sécurité dans les décennies à venir, mais la Russie représente une « menace aiguë », les mots sont choisis.
Selon le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, qui présentait le texte à la presse, Pékin « est le seul concurrent qui ait à la fois l’intention de modifier l’ordre international et, de plus en plus, les moyens de le faire ». En revanche, si « contrairement à la Chine, la Russie ne représente pas une menace systémique pour les États-Unis à long terme », elle « représente une menace immédiate et vive pour nos intérêts et nos valeurs ».
« La Chine a engagé un effort ambitieux d’expansion, de modernisation et de diversification de ses forces nucléaires », salue la documentation du Pentagone, précisant que Pékin « souhaite vraisemblablement posséder au moins 1 000 têtes nucléaires d’ici à la fin de la décennie ».
Mais c’est bien à la Russie que revient le titre de « principal rival des États-Unis avec les forces nucléaires les plus diverses et les plus capables ». Moscou dispose de 1 550 têtes nucléaires déployées et 2 000 autres non déployées, estime Washington.
« Son arsenal nucléaire moderne, qui devrait augmenter, représente une menace existentielle à long terme pour les États-Unis et nos alliés et partenaires », considère le ministère américain de la Défense.
Dans les années 2030, les États-Unis seront, pour la première fois de leur histoire, confrontés à deux grandes puissances nucléaires (…) des concurrents stratégiques et des adversaires potentiels.
Aucune fatalité à l’horizon
L’invasion de l’Ukraine par la Russie démontre que le danger nucléaire « persiste et pourrait s’aggraver, dans un contexte géopolitique de plus en plus concurrentiel et instable », écrivent les Américains dans leur documentation.
Quant à Pékin, « la rhétorique de plus en plus provocatrice et les activités coercitives de la Chine à l’encontre de Taïwan sont déstabilisantes, risquent d’entraîner des malentendus, et menacent la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan ».
Mais le Pentagone note cependant qu’un « conflit avec la Chine n’est ni inévitable ni désirable ». Et la documentation publiée ce jour précise que les États-Unis « n’envisageront l’usage de l’arme nucléaire que dans des circonstances extrêmes pour défendre les intérêts vitaux des États-Unis, de leurs alliés et de leurs partenaires ».
À noter cependant que l’heure n’est pas à la discussion. La Maison Blanche a en effet souligné, toujours ce jeudi, que Joe Biden ne participerait à aucun entretien bilatéral avec Vladimir Poutine à l’occasion du sommet du G20, où les deux dirigeants doivent se croiser, en novembre à Bali. Le président américain « n’a aucune intention de s’asseoir avec » son homologue russe, a indiqué le porte-parole de l’exécutif pour les questions de sécurité nationale, John Kirby.