Le président sri-lankais Gotabaya Rajapaksa a été transféré lundi dans une base aérienne proche de l’aéroport international, ont annoncé des responsables, alimentant l’hypothèse d’une fuite vers l’étranger.
Après avoir fui samedi le palais présidentiel assiégé par les manifestants, M. Rajapaksa a trouvé refuge dans des installations de la marine avant d’être emmené à la base aérienne de Katunayake, qui se trouve dans le même périmètre que le principal aéroport du pays, Bandaranaike, a confié un haut responsable de la Défense à l’AFP.
Le bureau de la présidence n’a pas communiqué lundi sur la situation du chef de l’État, mais plusieurs médias locaux avançaient qu’il se préparerait à partir pour Dubaï.
Quatre vols commerciaux vers le Moyen-Orient ont toutefois décollé sans lui, selon les responsables de l’aéroport.
Les agents de l’immigration ont refusé de se rendre dans la suite VIP pour tamponner son passeport, alors que M. Rajapaksa a lui refusé de passer par les espaces publics, ont-ils ajouté, une situation humiliante pour celui surnommé autrefois «Terminator».
Selon une source militaire, il reste le commandant en chef des forces armées et a toujours la possibilité de voyager dans un avion de l’armée de l’air.
Le dirigeant de 73 ans s’était échappé samedi par une porte dérobée de son palais. Les manifestants, qui occupent ce bâtiment depuis samedi, y ont découvert 17,85 millions de roupies (49 000 euros) en billets neufs et les ont remis à la police.
«L’argent liquide a été pris en charge par la police et sera présenté au tribunal aujourd’hui», a déclaré lundi un porte-parole de la police.
Selon des sources officielles, une valise remplie de documents a aussi été retrouvée dans la résidence.
M. Rajapaksa s’était installé dans ce bâtiment après avoir été chassé de sa résidence privée le 31 mars par des manifestants tentant de la prendre d’assaut.
Le président a annoncé qu’il démissionnerait mercredi pour permettre une «transition pacifique». Le premier ministre Ranil Wickremesinghe a assuré lundi que M. Rajapaksa l’avait officiellement prévenu de son intention.
Le chef du gouvernement, âgé de 73 ans, devrait alors automatiquement devenir le président par intérim, mais M. Wickremesinghe a fait savoir qu’il souhaitait se retirer, faute de consensus pour former un gouvernement d’unité.
M. Wickremesinghe, député de l’opposition, avait été nommé Premier ministre en mai afin de sortir le pays de la crise économique et politique.
Le processus pour la succession doit durer entre trois jours, le délai minimum pour réunir le Parlement, et 30 jours, le maximum autorisé par les textes.
Pourparlers
Le principal parti d’opposition, Samagi Jana Balavegaya (SJB), était en pourparlers lundi avec des formations politiques plus petites pour obtenir un soutien à leur chef de file Sajith Premadasa, qui avait perdu les élections en 2019.
Selon un responsable du SJB, un accord provisoire a déjà été conclu avec les dissidents du SLPP de M. Rajapaksa pour soutenir M. Premadasa, 55 ans, fils d’un ancien président, pour le poste suprême.
Le poste de premier ministre reviendrait alors à un membre du SLPP. Ancien fidèle de M. Rajapaksa, Dullas Alahapperuma, 63 ans, pourrait ainsi prendre la tête du gouvernement, a confié à l’AFP un député du SJB impliqué dans les pourparlers.
Cinq ministres ont démissionné au cours du week-end et le bureau du premier ministre a assuré que le gouvernement s’était mis d’accord lundi pour démissionner en bloc en cas d’accord pour un «gouvernement multipartite».
Lundi, une immense file d’attente se formait pour visiter le palais présidentiel, où se trouvaient encore des milliers de manifestants qui ont annoncé qu’ils ne quitteraient pas les lieux avant la démission effective du président.
«La revendication est très claire: les gens demandent toujours la démission (de M. Rajapaksa), la pleine démission, dans une confirmation par écrit», explique Dela Peiris, un des manifestants. «J’espère que nous aurons la démission du gouvernement, y compris du premier ministre et du président, dans les jours à venir».
M. Rajapaksa est accusé d’avoir plongé le pays dans une crise économique sans précédent, de l’avoir ruiné et laissé sans devises étrangères pour financer les importations essentielles à cette population de 22 millions d’habitants.
Colombo a fait défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars en avril et est en pourparlers avec le FMI pour un éventuel renflouement.
Le Sri Lanka a presque épuisé ses réserves d’essence. Le gouvernement a ordonné la fermeture des bureaux non essentiels et des écoles, afin de réduire les déplacements et d’économiser du carburant.