Il y a une foule très impressionnante, constate notre envoyée spéciale dans le cortège de la manifestation parisienne, Sylvie Koffi. « Non à la haine ! », « Jordan, barre-toi de là », peut-on lire sur des pancartes bricolées en carton où ces slogans sont inscrits au feutre rouge et noir. « Tout le monde déteste qui ? Les racistes et les fascistes ! », scandent les manifestants qui chantent à tue-tête en dansant sur le pavé.
Des manifestants qui ont répondu présents à l’appel de tous les syndicats, des partis de gauche et des associations. Un total de 75 000 personnes ont manifesté samedi à Paris contre l’extrême droite à l’appel de syndicats, d’associations et de la gauche du « Nouveau Front populaire », selon les chiffres de la Préfecture de police, et 250 000 dans tout le pays. Quatre personnes ont été interpellées « à ce stade », a précisé la Préfecture de police. La CGT a dénombré de son côté 640 000 personnes au sein de 182 rassemblements en France, dont 250 000 à Paris.
« L’alliance du Nouveau Front populaire fait du bien ici », lancent certains militants, même si certains expriment de la colère par rapport aux divergences et de la décision de LFI de ne pas réinvestir plusieurs figures opposées à Jean-Luc Mélenchon. « Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de se diviser », explique un étudiant qui est venu avec ses amis faire « barrage aux idées racistes de l’extrême droite ». Il n’a que ça en tête et il appelle tous ses proches à voter.
« On ne peut pas rester les bras croisés »
Keziah, 23 ans, est animateur en centre social. Il n’est militant d’aucun parti et se définit simplement comme un électeur de gauche. Il a beaucoup d’espoir en l’union des gauches pour contrer l’extrême droite aux élections prochaines, confie-t-il au micro de Jeanne Richard, envoyée spéciale dans le cortège de la manifestation. « On a tous été choqués de l’annonce de la dissolution qu’a annoncée Emmanuel Macron. Pour nous, il laisse un boulevard au Rassemblement national, sachant que cela intervient au moment où le Rassemblement national est en dynamique. […] C’est un sursaut de se dire que l’union des gauches a réussi à se faire, déjà. Rien qu’à se faire, c’est quand même super. Après, on espère que ça va suivre », dit-il.
Le manifestant poursuit : « Honnêtement, l’union des gauches, on sait ce que ça a donné avec la Nupes. On sait qu’il y a des dissensions, mais ce qui nous rassemble, c’est quand même les valeurs qu’on porte tous, c’est-à-dire des valeurs d’humanité. On n’a pas envie que ce soit l’extrême droite, le rejet de l’autre, qui mène dans le pays. Donc malgré tous les désaccords qu’on peut avoir, on va tous se rassembler, parce que le moment est trop important pour rester focalisé sur des histoires de partis, d’égos des uns et des autres. Là, c’est trop important, on ne peut pas rester juste les bras croisés. »
Fayma Djeroudi est mère de famille, assistante sociale, elle est venue manifester avec son fils Kemi 5 ans. Elle craint l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite et se souvient du passé du parti, colonialiste et anti-étrangers, ce qui bien loin des valeurs de la France selon elle.
On vient avec notre enfant pour montrer qu’on ne veut pas porter ça à la génération suivante et qu’on a une responsabilité vis-à-vis d’eux.
À Marseille, on défile également contre le Rassemblement national
On bat également le pavé à Marseille. C’est un cortège très fourni de plusieurs milliers de personnes qui s’avance du Vieux-Port vers l’Hôtel de Ville et sur les rues attenantes, observe notre correspondante sur place Siam Spencer. Les manifestants continuent d’affluer, équipés de leurs pancartes sur fond de slogan anti-Rassemblement national et anti-fasciste. De nombreuses personnes brandissent dans l’air ces morceaux de carton. Dessus, on peut lire des slogans comme « Bardella, barre-toi de là », « l’histoire ne vous a rien appris » ou encore « Ruffin, président ».
Un cortège où l’ambiance est à la fois grave et festive, tandis qu’il progresse le long du Vieux-Port. Grave parce que beaucoup ici se mobilisent pour la première fois pour faire barrage « à l’extrême droite qui n’a jamais été aussi proche du pouvoir », disent les manifestants et joyeuse aussi parce que cette manifestation, beaucoup le disent, c’est celle de l’union des gauches et de l’espoir que celle-ci représente. Aurélia, rencontrée dans le cortège, avoue ne pas avoir voté depuis une dizaine d’années à cause de la division des gauches et se dit désormais « militante du Nouveau Front populaire ».
Néanmoins, il suffit de s’éloigner à quelques mètres du cortège pour voir de petits groupes de manifestants être rapidement hués par d’autres Marseillais, pour la plupart sympathisants du Rassemblement national.
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Dans l’Ouest de la France, des dizaines de milliers de personnes défilent
À Rennes, les opposants à l’extrême droite, 25000 selon les organisateurs, 12000 selon la préfecture, se sont joints à la Marche des fiertés, où se mêlaient des drapeaux arc-en-ciel et palestiniens, et où on pouvait notamment lire parmi les pancartes « plus d’amour, moins de Zemmour ».
« La démocratie, on peut la perdre à tout instant », a prévenu Florence Audebert, 40 ans, ancienne intermittente du spectacle en reconversion. « J’ai souvent voté utile, Chirac en 2002 contre Jean-Marie Le Pen, Macron ensuite contre Marine Le Pen… Donc, je suis contente d’avoir des candidats de gauche pour qui voter pour ces législatives ! », a-t-elle ajouté.
Peu avant 16 heures, les premières tensions, au cours desquelles la police a tiré du gaz lacrymogène, ont éclaté au niveau de la place de Bretagne, selon un journaliste de l’AFP.
À Nantes, le cortège a réuni 15000 personnes selon les organisateurs, 8500 selon la préfecture, dont de nombreux jeunes. « Le RN c’est comme ton ex, il dit qu’il a changé, mais c’est faux », indiquait la pancarte d’un groupe d’étudiants.
Dans le cortège, une famille homoparentale, Chloé Mahouet-Pujol aux côtés de son épouse Natacha et leur fille de deux ans et demi en poussette, s’inquiète : « on est en train d’essayer d’avoir un deuxième enfant et on se demande ce qui va advenir des droits des personnes homosexuelles et LGBT+ ».
Vers 16h30, le cortège nantais s’est scindé en deux, une partie des manifestants est revenue au point de départ dans une ambiance bon enfant au son d’une fanfare, tandis qu’à une centaine de mètres des groupes de jeunes faisaient face à la police dans une fumée de lacrymogènes, a constaté une correspondante de l’AFP, avant que le calme revienne.
La préfecture de Loire-Atlantique a recensé cinq interpellations et « pas de dégradations majeures. »