La gauche a déjoué le piège d’Emmanuel Macron qui misait sur ses divisions. La dissolution du dimanche 9 juin a ressoudé les partis de gauche en leur faisant miroiter une opportunité électorale, celle d’avoir plus de députés dans la nouvelle Assemblée nationale, mais aussi un ennemi à combattre ensemble, à savoir le Rassemblement national (RN).
En quelques jours, malgré des dissensions de fond, par exemple sur le positionnement vis-à-vis du Hamas, les insoumis, les écologistes, les communistes ou encore les socialistes se sont retrouvés pour se départager les circonscriptions. Et ils ont construit un programme, finalement présenté ce vendredi 14 juin, avec une bannière commune, le « Nouveau Front populaire ». Même Raphaël Glucksmann et François Hollande, pourtant opposés à un accord avec LFI, ont apporté leur soutien à l’initiative.
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La France insoumise, « principal adversaire » du RN
Cette alliance formée dans l’urgence a donc déjà réussi à créer une dynamique, espérant devenir le recours pour les électeurs voulant faire barrage à l’extrême droite mais ne soutenant pas la majorité. Une espèce de vote utile. D’ailleurs, Jordan Bardella a compris le danger, déclarant lors de son premier déplacement de campagne ce jour dans le Loiret, que le Front populaire était bien « son principal adversaire ».
Reportage – Jordan Bardella en campagne
De l’autre côté, son parti, le Rassemblement national, déjà favori après sa large victoire aux européennes, est encore renforcé par le ralliement d’Éric Ciotti, même si l’ensemble des cadres de la formation Les Républicains se sont immédiatement désolidarisés, dénonçant une initiative motivée par des intérêts personnels, et notamment sa réélection dans les Alpes-Maritimes. Il n’en reste pas moins que cela permet d’élargir le socle du parti de Marine Le Pen.
Depuis longtemps, le RN essayait de capter la frange droitière des LR. Les Républicains sont ainsi déstabilisés, obligés de mener une guerre interne pour savoir qui dirige le parti. Leur président Éric Ciotti, exclu par le bureau politique, a déposé un recours en justice, revendiquant d’être le seul maitre à bord. Et ce vendredi, la justice a annulé son exclusion.
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Ces législatives tombent à point nommé pour faire bouger les lignes dans le sens de ce qu’attendait Marine Le Pen. Jordan Bardella a annoncé que 70 candidats issus de LR seraient investis comme des candidats communs. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron. La clarification joue contre la majorité.
Bloc central compromis
Le chef de l’État espérait que la majorité apparaitrait comme le camp de la responsabilité et de la compétence, entre deux blocs des extrêmes, pour récupérer les modérés de chaque camp. Il n’a pas vu venir la réconciliation à gauche, où LFI et Jean-Luc Mélenchon faisaient office de repoussoir. Il comptait sur une proximité de la majorité avec la ligne de Raphaël Glucksmann, portée aux européennes, pour trouver un renfort électoral ? Le Nouveau Front populaire change la donne.
À droite, Éric Ciotti a fait exploser son mouvement, et a compliqué les négociations pour les législatives au niveau national entre Les Républicains et la majorité, même si des alliances locales ont pu être faites comme dans les Hauts-de-Seine. La perspective d’un rassemblement large autour du bloc central espérée par le président est donc compromise.
Un risque donc : que la bataille électorale tourne au duel entre Rassemblement national et Front populaire. Ainsi, le président tire dans les deux sens. Ce vendredi, il a par exemple déclaré que les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national « font porter un très grand danger » à l’économie française et sont « totalement irréalistes ».