Les électeurs italiens sont attendus aux urnes ce dimanche 25 septembre pour des législatives où l’extrême droite est annoncée en tête, alors que l’abstention pourrait atteindre un niveau inédit.
Si la tendance que les sondages laissent entrevoir se confirme, l’Italie se dotera à l’issue du scrutin de ce dimanche de son gouvernement le plus à droite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et sera gouvernée pour la première fois par une femme.
Alors qu’il avait récolté à peine 4% des voix en 2018, le parti post-fasciste Fratelli d’Italia de Georgia Meloni est crédité de 24 à 25% des intentions de vote par les dernières enquêtes réalisées il y a deux semaines. Si elle arrive au pouvoir, ce ne sera cependant pas sans l’appui de ses alliés du bloc conservateur : la Ligue de Matteo Salvini (donné à 12%) et Forza Italia de Silvio Berlusconi (8%), des mouvements avec lesquels des divergences sont apparues au cours de la campagne. Giorgia Meloni devra le cas échéant composer avec une situation politique difficile, qu’il s’agisse de l’envolée des coûts de l’énergie, de la dette publique, du risque de récession ou des retombées du conflit en Ukraine.
Elle pourrait également devoir surmonter un écueil imprévu et se retrouver avec une majorité plus étriquée que pressenti, voire sans majorité du tout, ce qui prolongerait la période d’instabilité que connaît l’Italie à intervalles réguliers depuis des décennies. Car ces derniers jours, la Ligue, sans cesse attaquée pour ses liens étroits avec Vladimir Poutine, a marqué le pas tandis que les populistes du Mouvement 5 Étoiles se redressaient.
Une forte abstention attendue
Ce scrutin viendra en tout cas clore une campagne électorale plutôt terne qui n’aura pas soulevé l’enthousiasme des Italiens, à qui aucun débat télévisé n’a été proposé. Résultat, l’abstention pourrait dépasser les 30% lors de ce scrutin, selon les analystes, un chiffre élevé pour le pays. La majorité des électeurs qui ne se déplacent pas disent se désintéresser de la politique ou ne pas se reconnaître dans l’offre. « Je ne vais pas voter parce que les responsables politiques ne me donnent aucune lueur d’espoir dans ce qu’ils proposent. J’en suis désolé, mais je ne leur fais plus confiance, donc je ne leur donne plus mon vote », confie ainsi Alberto, 64 ans, à notre correspondante à Rome, Blandine Hugonnet.
Si ce désengagement politique est un choix pour beaucoup, l’abstention est aussi parfois subie en Italie. Faute de système de vote par procuration, 5 millions d’électeurs, bloqués par des études ou un emploi dans une autre ville que leur lieu d’inscription électorale, ne se rendent pas aux urnes. « Je voudrais aller voter, mais je suis coincé ici. Et finalement, je ne me suis même pas informé sur les programmes », confesse Saverio, serveur dans la capitale.
Alors que le taux de participation s’est effondré de près de 10 points en 10 ans en Italie, une autre inconnue pèse aussi sur l’issue du scrutin, notamment sur le triomphe annoncé de la coalition souverainiste menée par Giorgia Meloni : il resterait 20% d’indécis. Des électeurs qui choisiront au dernier moment à quel camp donner leur voix pour diriger l’Italie.
Un scrutin scruté de près à Bruxelles
Mais avant même les résultats, les Européens regrettent déjà amèrement Mario Draghi, constate notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Interrogée sur les menaces que représenteraient Fratelli d’Italia et la Ligue du Nord pour les valeurs européennes, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a ainsi imprudemment fait un parallèle avec les procédures engagées contre la Pologne et la Hongrie pour le respect de l’État de droit. Ces déclarations sont d’autant plus surprenantes que la Commission évite d’habitude de donner prise à des accusations d’immixtion dans la politique nationale.
La posture vis-à-vis du Kremlin est également source d’inquiétude pour le maintien de l’unanimité européenne. Solidaire de l’Otan depuis le début de l’invasion russe en Ukraine sous la houlette de Mario Draghi, Rome entretient traditionnellement des relations cordiales avec Moscou. Atlantiste, Giorgia Meloni a pour sa part pris des positions claires en faveur du soutien à l’Ukraine, des sanctions contre la Russie et de l’envoi d’armes à Kiev.
Mais son allié Matteo Salvini fait pression pour un allègement des sanctions contre Moscou, qu’il considère inefficaces et contre-productives, tout en jugeant « injustifiable » l’invasion de l’Ukraine. Silvio Berlusconi a quant à lui soulevé la polémique en déclarant jeudi soir que Vladimir Poutine avait été « poussé » par sa population à envahir l’Ukraine. Devant le tollé suscité par ses derniers propos, il a réaffirmé vendredi sa « loyauté absolue » envers l’Otan et l’UE.
Bombe à retardement
Les plus grandes craintes de l’UE sont cependant économiques et liées aux promesses fiscales de l’extrême droite. Bruxelles les juge farfelues et dangereuses pour un pays qui ploie sous une dette publique colossale. À 150% du PIB, sa dette publique est une bombe à retardement pour la zone euro dont l’Italie est une économie systémique.
Certains tempèrent ces frayeurs en soulignant que les coalitions italiennes ne survivent jamais très longtemps. Mais c’est justement cette instabilité que craignent avant tout les Européens. Les bureaux de vote ouvriront dimanche à 7h (5h TU) et fermeront à 23h. Les résultats complets ne sont pas attendus avant lundi matin.