On la surnomme la « dame de fer » des pays baltes : Kaja Kallas va devenir la nouvelle cheffe de la diplomatie européenne. À l’issue du Conseil européen qui s’est déroulé à Bruxelles, les Vingt-Sept l’ont choisie pour devenir la Haute représentante de l’Union européenne.
La nomination de la Première ministre estonienne n’est pas une surprise, son nom circulait depuis plusieurs semaines pour succéder à l’Espagnol Josep Borrell. La dirigeante estonienne faisait partie des favoris, car, depuis que la guerre en Ukraine a éclaté, elle s’est imposée comme l’un des soutiens les plus fermes de Kiev au sein de l’Union.
Soutien à l’Ukraine
Son pays, l’Estonie, n’a qu’un poids démographique et économique réduit en Europe. Mais la détermination et les prises de position très fermes de Kaja Kallas depuis que la Russie a envahi l’Ukraine lui ont donné une stature et une renommée qui vont bien au-delà. « Elle dit qu’il ne faut pas arriver à tout prix à une paix rapidement, mais arriver à une victoire de l’Ukraine, ce qui est assez différent, expliquait en juin 2022 Céline Bayou, chercheure associée au Centre de recherche Europe-Eurasie de l’Inalco. Pour Kaja Kallas, si on essaie d’aller plus vite et de négocier trop vite avec la Russie, on risque de laisser le champ libre à Moscou pour recommencer [une guerre], et donc on ne résoudra rien. »
« À Bruxelles, la Première ministre estonienne Kaja Kallas et moi-même avons signé un accord sur la coopération en matière de sécurité et le soutien à long terme entre nos pays. […] Je suis reconnaissant à l’Estonie pour son soutien indéfectible à l’Ukraine », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur son compte X, ce 27 juin.
Le pays balte, qui ne compte que 1,3 million d’habitants, est ainsi devenu, proportionnellement, l’un des plus généreux donateurs pour l’Ukraine, son aide dépassant 1% de son PIB : « Si une telle agression est payante en Ukraine, elle pourra inciter à faire de même ailleurs. Nous devons totalement discréditer l’outil d’agression », déclarait-elle lors d’un entretien à l’AFP en décembre 2023. En début d’année, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la République d’Estonie ont par ailleurs signé une convention de contribution, en vertu de laquelle l’Estonie apporte 10 millions d’euros au Fonds UE for Ukraine.
Sa position ferme face à l’agression déclenchée par la Russie, mais surtout ses efforts pour retirer les monuments de l’ère soviétique datant de la Seconde Guerre mondiale dans son pays, ont valu à Kaja Kallas le statut de personne recherchée en Russie. « Si j’entends cet argument selon lequel je serais une provocation pour la Russie, alors je rétorque que nous laissons trop de pouvoir à la Russie pour nous dicter nos décisions », déplorait-elle fin 2023.
« Nous laissons trop de pouvoir à la Russie »
Âgée de 47 ans, Kaja Kallas est avocate de profession. Elle est née dans la politique puisque son père, Siim Kallas, a été Premier ministre et a fondé le Parti libéral qu’elle dirige aujourd’hui. Son histoire familiale a également été marquée par l’occupation russe. Sa mère a été déportée en Sibérie, avec sa grand-mère, juste après la Seconde Guerre mondiale : « Je viens d’une famille déportée en Sibérie par Staline sous l’Union soviétique, avait-elle témoigné en mars 2022 devant le Parlement européen. Ma mère n’avait que six mois quand elle a été envoyée de force avec sa mère et sa grand-mère dans un wagon à bestiaux vers ce que les Estoniens appellent « la terre froide ». »
Devenue en 2021 la première femme de gouvernement de son pays, elle s’illustre une première fois à l’international en tenant tête à Angela Merkel lors d’un sommet européen où elle s’oppose à une rencontre avec Vladimir Poutine.
C’est donc une personnalité forte, déterminée, mais aussi convaincante qui va prendre la tête de la diplomatie européenne.
Eurodéputée de 2014 à 2018, Kaja Kallas ne sera pas perdue à Bruxelles : « L’Europe a toujours été pour moi synonyme d’espoir, d’avenir, de coopération, d’unité, de rendre l’impossible possible », expliquait-elle dans un entretien accordé à RFI, le 3 mai dernier.
En revanche, on sait peu de choses sur les autres domaines où la diplomatie européenne aura un rôle : les relations avec la Chine, avec l’Afrique ou encore le conflit à Gaza, avec une Union européenne qui a bien du mal à s’accorder sur une position claire.