Depuis les législatives d’octobre dernier, le pays traverse une grave crise politique qui s’est transformée en août en affrontements ayant fait au moins 30 morts. Cette séance parlementaire était la quatrième tentative d’élection du président. Il s’agissait de sortir du blocage, rapporte notre correspondante à Bagdad, Marie-Charlotte Roupie.
Le Cadre de coordination, le groupe chiite majoritaire au Parlement, a voté pour le candidat du compromis Abdel Latif Rashid, appuyé par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Ce soutien va à l’encontre de la traditionnelle répartition du pouvoir entre les grands partis kurdes : le président étant habituellement choisi dans les rangs de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK). Son candidat Barhem Saleh, au pouvoir depuis 2018, doit donc s’incliner.
Abdel Latif Rachid, un candidat du compromis pour un poste honorifique
Le nouveau président et ancien ministre Adbel Latif Rachid, ingénieur hydraulique de 78 ans formé au Royaume-Uni et versé dans les questions environnementales, était un candidat de compromis pour un pays polarisé. Il a vu sa candidature resurgir à la dernière minute. Car les factions pro-Iran qui dominent le Parlement cherchaient à accélérer le calendrier politique pour former un gouvernement.
Au poste largement honorifique de président de la République, Latif Rachid, comme l’appellent familièrement les Irakiens, succède à Barham Saleh pour un mandat de quatre ans. Tous deux sont issus de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti historique de la minorité kurde qu’Abdel Latif Rachid a représenté dans les années 1990 à Londres. Proche de Jalal Talabani, fondateur de l’UPK, il occupe depuis 2010 un poste de conseiller présidentiel loin des projecteurs. Il est désormais affilié au Parti démocratique du Kurdistan (PDK).
Mais l’enjeu de ce scrutin dépasse cependant le choix d’un nouveau président : l’homme fort en Irak, c’est le Premier ministre. Abel Latif Rachid a immédiatement désigné Mohamed Chia al-Soudani, plusieurs fois ministre et deux fois député, comme l’espérait le Cadre de coordination lorsqu’il a apporté son soutien au nouveau président.
Interrogé au Parlement par des journalistes, le nouveau Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani a espéré former son équipe « le plus rapidement possible ». « Nous félicitons le frère Mohamed Chia al-Soudani », a tweeté le Premier ministre sortant Moustafa al-Kazimi.
Revers pour les sadristes
La tenue et le succès de ce scrutin marque un revers pour le leader chiite Moqtada el-Sadr, farouche opposant au Cadre de coordination et dont le mouvement était majoritaire au parlement. Cela avant que les 73 députés ne démissionnent. En juillet, ses partisans avaient envahi le Parlement pour empêcher l’élection du président et la désignation du Premier ministre.
Depuis les législatives d’octobre 2021, le pays a vécu une impasse totale, les barons de la politique irakienne n’ayant pas réussi à s’entendre sur un nouveau président, ni à désigner un Premier ministre, malgré les marchandages interminables. En filigrane transparaissent les luttes d’influences entre les deux pôles chiites se disputant le pouvoir : d’un côté, les factions pro-Iran du Cadre de coordination, premier bloc au Parlement, de l’autre l’imprévisible chef religieux Moqtada Sadr.
Neuf roquettes sur la Zone verte le jour du vote
Illustrant les tensions, les accès à la Zone verte avaient été bloqués dès mercredi 12 octobre soir pour empêcher d’éventuelles manifestations ce jeudi. Et neuf roquettes de type Katioucha se sont abattues jeudi sur la Zone verte, secteur abritant le Parlement et d’autres institutions gouvernementales et ambassades. Un projectile est tombé près de l’Assemblée. Ces tirs n’ont pas été revendiqués.
Ils ont fait dix blessées, dont six membres des forces de l’ordre ou des gardes assurant la sécurité des députés, selon un responsable. Quatre civils ont été blessés par une roquette tombée sur un quartier limitrophe de la Zone verte.