À Madagascar, la société publique ferroviaire Fianarantsoa Côte Est, aussi appelée FCE, se trouve dans l’impasse. Les employés et les riverains de cette ligne qui traverse deux régions sont en détresse alors que l’activité économique de la zone dépend de ce train. Les salariés n’ont pas été payés, depuis près de dix mois (novembre 2021) et ont décidé de poursuivre leur grève, commencée il y a un mois. Ces derniers réclament au ministère de tutelle, le ministère des Transports, le paiement de leurs salaires.
« Monsieur le Président Andry Rajoelina, le train est à l’arrêt, la population souffre », « Sauvez la FCE, sauvez le peuple », peut-on lire sur les pancartes d’habitants rassemblés devant les gares de Mahabako, de Fenomby et de Manampatrana ainsi que sur les posts publiés sur la page facebook dédiée à la grève des cheminots.
Les quelque 200 employés de cette société d’État « sont à bout », témoigne son directeur par intérim, Andriatsisalovanina Michaël Razafimahaleo. Ces employés qui se sont battus pour réhabiliter leur ligne de chemin de fer affectée, en début d’année, par deux cyclones.
« Les employés ont fait le dégagement des obstacles de leurs mains. Nous avons reçu 0 ariary de l’État », poursuit-il. Les restrictions liées à la crise du Covid-19 et les dégâts causés par les cyclones ont affecté les recettes de l’entreprise. L’octroi irrégulier des subventions de l’État, au fil des années, a aussi pénalisé la situation financière de l’entreprise, fait savoir ce dernier.
Un transport indispensable pour une zone enclavée
L’activité économique de cette région et des centaines de milliers d’habitants dépendent de cette ligne qui relie la ville des Hauts-Plateaux, Fianarantsoa, à celle de Manakara, sur la côte sud-est, et qui passe par une quinzaine de communes, la plupart enclavées.
« Il n’y a que la FCE qui peut assurer le transport des personnes et des marchandises : les produits de première nécessitée, les matériaux de construction, des véhicules et des camions, mais aussi des produits locaux qui font la fierté de la région Tanala, les fruits tropicaux, la vanille, etc. Notre train sert aussi d’ambulance dans ces zones-là », détaille le directeur par intérim.
« Nous demandons simplement le paiement de nos salaires qui est un droit fondamental (…) Nous vous demandons, Monsieur le président de la République, de résoudre ce problème parce que les employés et les usagers de la FCE souffrent », ont déclaré fin juillet les représentants des employés et syndicats de l’entreprise.
Ce train est aussi la principale attraction touristique de cette partie de l’île avec son trajet passant par la forêt tropicale humide jusqu’au canal des Pangalanes.
« Beaucoup de voyageurs annulent leur programme à Manakara à cause de cette coupure de ligne. Ce tourisme apportait aussi des revenus aux habitants de la région et des villages enclavés », déplore Phylis Raphael, directeur exécutif de l’Office de tourisme de la région Fitovinany. La filière souhaite aussi que le gouvernement débloque l’impasse dans laquelle se trouve l’entreprise.
Joint au téléphone, le secrétaire général du ministère des Transports et de la Météorologie, Rado Rajoelison, indique que le paiement des salaires n’est pas du ressort du ministère et que la FCE est autonome en la matière.
« Tout ce qui concerne le fonctionnement, c’est-à-dire le paiement des carburants, des salaires, de l’eau et l’électricité, l’entretien courant, tout est à la charge de la FCE. C’est donc plutôt par rapport à leurs recettes qu’ils procèdent à ces paiements. Les subventions ne servent pas à payer les salaires », signale-t-il.
Une aide pourra être apportée « à titre de dépannage, mais pas le paiement de l’ensemble des arriérés. Il faut aussi tenir compte des impayés concernant les fournisseurs en carburant et en pièces détachées. Il faut donc honorer toutes ces dettes-là », précise le secrétaire général du ministère des Transports.
Manque d’investissement
En plus des salaires non payés, l’entreprise peine à tourner avec un matériel vétuste. Si trois locomotives ont été livrées en 2020, les wagons qui, eux, n’ont pas été changés, ne sont pas compatibles avec celles-ci.
« L’ancienne locomotive que nous utilisons depuis 2012 nous est encore indispensable, en ce moment, car le système de freinage des nouvelles locomotives n’est pas adapté aux matériels remorqués, wagons et voitures que nous utilisons. Il y a aussi nos demandes d’année en année concernant les investissements sur la voie ou les rails qui présentent des risques. Nous exprimons nos besoins, surtout ceux concernant le matériel ainsi que les investissements sur les appareils et les voies, mais cela n’arrive pas et, au fil des années, cela nous pénalise. Nous ne demandons rien d’autre que les subventions que nous devrions avoir », explique Andriatsisalovanina Michaël Razafimahaleo, directeur par intérim de la FCE.
Le secrétaire général du ministère des Transports et de la Météorologie reconnaît un retard dans l’octroi de subventions d’investissement à l’entreprise, mais fait savoir que les dossiers sont en cours.
« Nous ne laissons pas la société à l’abandon. Cette ligne dessert environ un million d’habitants dans ce corridor forestier. On ne peut pas laisser à l’abandon cette population et il faut toujours prendre soin de la ligne. Seulement, il y a ce retard du paiement de la subvention. Nous avons fait la demande et préparé tous les dossiers, mais cela doit passer par plusieurs autorités. Nous attendons donc les décisions et une fois que ce sera payé, nous pouvons faire le nécessaire sous 24 heures », souligne-t-il.
Les employés de la FCE conditionnent leur reprise du travail au paiement de l’ensemble de leurs arriérés de salaire.