Au Mali, les groupes armés du Nord signataires de l’accord de paix de 2015 sont, ce lundi 20 février, à Alger et Amassine. À Alger pour une réunion avec le chef de file de la médiation internationale sur l’accord de paix, plus menacé que jamais. Et à Amassine, dans la région de Gao, pour lancer une vaste opération militaire commune de sécurisation des populations.
380 véhicules et près de 2 500 hommes sont mobilisés: les groupes armés du Cadre stratégique permanent (CSP) qui rassemble tous les groupes signataires de l’accord de paix de 2015 – les ex-rebelles indépendantistes de la CMA comme les groupes loyalistes de la Plateforme – ont pour objectif de sécuriser eux-mêmes les régions du Nord, face notamment au Groupe État islamique qui a tué plusieurs centaines de civils, depuis un an, principalement dans la région de Ménaka.
Les groupes signataires contre le groupe État islamique
« Nous irons partout où l’État islamique commet des massacres, détaille un cadre du CSP, pour sécuriser les civils et leurs biens, pour sécuriser les mouvements de déplacés, mais aussi pour montrer que les mouvements signataires sont présents et que le Jnim n’est pas une alternative. » Le Jnim, Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda et grand rival du Groupe État islamique, a en effet lancé, depuis plusieurs semaines, une « campagne de recrutement » parmi les populations touaregs du Nord.
Démonstration de force également adressée aux autorités de Bamako
Cela fait plusieurs mois que les différents groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015 réfléchissent à cette inédite mutualisation de leurs forces militaires. Des opérations conjointes avaient déjà eu lieu de façon ponctuelle, mais jamais de cette ampleur.
La décision en a été prise pour contrer la menace que constituent les attaques récurrentes du groupe État islamique et pour pallier l’absence d’implication de l’armée nationale malienne. Les FAMA et leurs supplétifs russes, pourtant présents dans la ville de Ménaka, n’ont en effet pris part à aucune bataille contre le groupe État islamique, en dépit des multiples appels lancés, notamment par le MSA, groupe signataire en première ligne, pour défendre les civils dans la région.
L’opération commune du CSP est finalement lancée alors que les relations entre les groupes signataires et les autorités maliennes de transition sont plus tendues que jamais. Difficile, dans ce contexte, de ne pas également y voir une démonstration de force, voire une forme de mise en garde adressée aux autorités de Bamako. « Ces unités seront mobilisées contre toute cible pouvant constituer une menace immédiate », précise ainsi avec une subtile clarté un autre important cadre du CSP.
Surenchère de déclarations belliqueuses
La semaine dernière, des organisations et personnalités de la société civile, masquant mal leurs liens avec les autorités de Bamako ou avec les groupes armés de Kidal, se sont livrées à une surenchère de déclarations hostiles et belliqueuses.
Officiellement, les autorités maliennes de transition comme les groupes armés signataires restent attachés à l’accord de paix. Mais les derniers développements (blocage du processus DDR sur la question notamment de la hiérarchie militaire, demande d’une réunion d’urgence par le CSP en terrain neutre, refus du gouvernement malien, suspension du CSP de la participation aux instances de suivi de l’accord…) laissent surtout penser qu’aucune des deux parties ne veut endosser la responsabilité de son échec : ni des difficultés de son application depuis des années, ni surtout de sa mort, si elle devait finalement être actée.
Médiation internationale
Hasard du calendrier – les deux évènements ont été programmés puis reportés, chacun de leur côté, pour finalement tomber ce même jour – les groupes signataires de l’accord de paix seront, ce lundi, à Alger, pour une rencontre avec le chef de file de la médiation internationale pour le suivi de l’accord de paix. Sans les autres membres de la médiation internationale et sans le gouvernement malien.
Il ne s’agit donc pas de la « réunion en terrain neutre » exigée par les groupes signataires, depuis deux mois, à laquelle le gouvernement malien de transition refuse de participer, mais plusieurs importants chefs des groupes armés du Nord sont annoncés. Ils estiment que c’est le gouvernement malien qui refuse de s’engager dans la mise en œuvre de l’accord et souhaitent que la médiation internationale en prenne acte.
Sollicité par RFI sur cette rencontre, le ministère malien de la Réconciliation, en charge de l’accord de paix, n’a pas donné suite. Il y a trois semaines, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a « réitéré l’engagement du gouvernement malien » à « poursuivre la mise en œuvre diligente » de l’accord de paix, jugeant qu’il demeurait « la voie essentielle pour une stabilité durable au Mali. »
Mohamed el Maouloud Ramadane, porte-parole du CSP, explique les objectifs de cette opération commune : « C’est pour sécuriser le territoire, les populations et leurs biens, contre tout ennemi. C’est pour créer de la tranquillité dans les différentes régions où le CSP évolue. Il y aura des patrouilles dans les différentes régions, des centaines de véhicules seront dispatchés sur tout le territoire. »
Cette opération a été initiée en réponse aux attaques menées depuis plusieurs mois par le Groupe État islamique « pour porter secours à des populations qui fuient les zones de combat. Il y aura aussi d’autres objectifs, ce sont les chefs des états-majors chargés de mener cette opération qui en discuteront entre eux. Il y a déjà eu des patrouilles réunissant les différentes composantes du CSP, mais en termes de nombre [d’hommes et de moyens mobilisés, ndlr], elle sera la première », ajoute Mohamed el Maouloud Ramadane, porte-parole du CSP.