Niger: au lendemain du coup d’État, la classe politique est dans l’expectative

Le président Mohamed Bazoum, toujours retenu, aurait dit à Emmanuel Macron dans la nuit être en bonne santé, rapporte la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. La France ne considère pas comme « définitive » la « tentative » de coup d’État, ajoute C. Colonna

► La Cédéao doit organiser dimanche ou lundi à Abuja un sommet extraordinaire sur la situation au Niger

► Une partie de l’opposition a apporté son soutien au C.N.S.P. dont on ne connait pas encore la composition

► Les manifestations publiques ont été suspendues par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur qui gère les affaires courantes

Mohammed Bazoum serait toujours sous bonne garde, avec sa famille dans la résidence présidentielle qui se trouve au sein d’un camp militaire juste à côté des bureaux de la présidence. Il serait en bonne santé. Le président Emmanuel Macron a parlé à plusieurs reprises à son homologue dont « nous demandons la libération », a rapporté ce vendredi la ministre française des Affaires étrangères aux journalistes en marge de la visite de M. Macron en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mohamed Bazoum aurait dit à Emmanuel Macron être en bonne santé. La France ne considère pas comme « définitive » la « tentative » de coup d’État de mercredi soir au Niger, a ajouté Catherine Colonna.

Les choses se sont accélérées jeudi, au Niger. Les opérations humanitaires de l’ONU sont désormais « suspendues » dans le pays, alors que la vie semble avoir repris son cours habituel à Niamey, la capitale. Banques et magasins sont ouverts, la circulation est normale.

Dans la matinée jeudi, le chef d’état-major général des armées, le général Abdou Sidikou Issa, a annoncé via un communiqué sur le compte des forces armées du Niger, sur le réseau social X, anciennement Twitter, qu’il soutiendrait le mouvement.

La situation semble s’être décantée depuis lors. Au lendemain de l’image des dix hauts gradés en provenance de tous les corps des forces de défense et de sécurité, armée, garde présidentielle, forces spéciales, gendarmerie, police et même les pompiers, annonçant le coup d’État mercredi soir, c’est un signal fort d’unité autour des putschistes qui a ainsi été envoyé par le chef des armées.

Difficile, en revanche, de joindre la classe politique nigérienne depuis mercredi. Beaucoup refusent de s’exprimer en raison de la suspension des activités des partis politiques annoncée dans un communiqué lu à la télévision nationale.

Le siège du PNDS, parti présidentiel, en flammes

La tension est forte et l’heure à la prudence, à Niamey. Dans l’après-midi, peu après l’annonce du ralliement de l’armée aux putschistes, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de Niamey pour manifester leur soutien à la junte. Certains dans la foule ont demandé le départ des troupes françaises, tout en brandissant quelques drapeaux russes. Les mêmes scènes de liesses se sont également déroulées à Tillabery et Dosso, même si à Niamey ces manifestations ont été marquées par des violences. Des manifestants ont saccagé le siège du PNDS, le parti au pouvoir jusqu’ici. Les photos d’agence montrent une importante fumée noire. Des véhicules ont été incendiés et un député de l’opposition venu pourtant soutenir la même cause a été pris en partie par des manifestants.

Des partisans des putschistes manifestent à Niamey, ce jeudi 27 juillet 2023.
Des partisans des putschistes manifestent à Niamey, ce jeudi 27 juillet 2023. AP – Fatahoulaye Hassane Midou

Une partie de l’opposition dit soutenir « les motivations du C.N.S.P. »

Ces scènes de violence ont poussé le secrétaire général du ministère de l’Intérieur à demander à toutes les autorités administratives du pays, de prendre des dispositions pour assurer la protection « des personnes et de leurs biens ». Il a également formellement interdit toutes les manifestations publiques, jusqu’à nouvel ordre. Ce sont des équipes réduites au sein des principaux ministères qui gèrent les affaires courantes.

Du côté de l’opposition, un communiqué a été publié. Les partis qui s’étaient rangés derrière l’ancien chef de file de l’opposition, Mahamane Ousmane, lors de la dernière élection présidentielle, se sont rassemblés dans une « Union des patriotes nigériens ».

Ces derniers « soutiennent les motivations du C.N.S.P. », et « s’engagent à l’accompagner dans sa mission, tant qu’il s’agira de rétablir la souveraineté nationale ». L’opposition semble donc s’être rangée du côté des putschistes et des messages de rassemblement d’une « Coalition des forces démocratiques » ont circulé sur les réseaux sociaux. Coalition jusque-là inconnue et dont la composition n’a pas été précisée.

Enfin, deux jours après la mise en place du C.N.S.P, la junte militaire qui a annoncé le coup de force contre Mohamed Bazoum, de plus en plus de Nigériens se demandent pourquoi les militaires tardent à donner la liste des membres de ce Conseil, le nom de son leader et la répartition des rôles entre ces différents des forces de l’ordre et de sécurité.

Paris justifie l’atterrissage d’un avion français

Les putschistes mettent un point d’honneur à ne pas subir de pressions extérieures. Le message a même été passé deux fois.

Il l’a d’abord été lors de l’allocution du CNSP, qui demandait « à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer ». Puis, dans son communiqué de ralliement, le chef d’état-major général des armées a prévenu que toute intervention militaire extérieure risquerait d’avoir « des conséquences désastreuses ».

Les yeux de la communauté internationale sont en effet tournés vers Niamey, et d’abord au sein de la sous-région.

D’après une source proche du président Bazoum, une délégation d’officiers nigérians a tenté une médiation dès le début de la crise. Selon plusieurs sites de suivi du trafic aérien, un avion de la Nigerian Air Force a quitté Kaduna mercredi après-midi pour atterrir à Niamey.

Il y a ensuite les partenaires internationaux. La France et les États-Unis disposent de bases militaires au Niger. L’Italie et l’Allemagne assurent aussi des formations en ce domaine. Une présence étrangère qui commençait d’ailleurs à courroucer une partie du commandement nigérien.

Dans le communiqué lu à la télévision nationale, le CNSP accuse la France d’avoir fait atterrir un avion militaire à Niamey, malgré la suspension des vols décrétée la veille.

De source diplomatique, ce jeudi soir, Paris répond qu’il n’y a pas eu de violation de l’espace aérien, car cet avion, qui disposait d’un plan de vol officiel, a décollé de France sans avoir connaissance de la notification publiée plus tard dans la nuit. La France ajoute que cet aéronef français s’est posé à Niamey comme ceux d’autres États aux mêmes heures de la matinée.

Des partisans du putsch, l'un d'eux affirmant par une pancarte « À bas Macron », ce jeudi 27 juillet 2023 à Niamey. Le drapeau russe aperçu en arrière-plan.
Des partisans du putsch, l’un d’eux affirmant par une pancarte « À bas Macron », ce jeudi 27 juillet 2023 à Niamey. Le drapeau russe aperçu en arrière-plan. AP – Sam Mednick

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