Au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, les auditions des parties civiles entrent dans leur troisième semaine. La cour a notamment ce mardi 26 septembre Audrey, dont la sœur jumelle a été tuée dans l’attaque au camion.
« On était comme cul et chemise, on se ressemblait comme deux gouttes d’eau. J’étais son livre intime et elle était le mien. C’était la moitié de ma vie », débute Audrey, la voix brisée. Le 14 juillet 2016, elle avait 13 ans quand sa sœur jumelle Laura a été tuée par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel sur la Promenade des Anglais. Son père, sa mère, son frère et sa sœur aînés sont venus témoigner ensemble mercredi dernier pour raconter leur douleur et comment ce drame avait « disloqué » leur famille. Audrey, elle, a choisi de déposer plus tard et seule à la barre.
De sa sœur jumelle, elle garde une dernière image : Laura et leur mère clamant leur amour pour effacer une dispute de la veille. Puis c’est le camion. La famille parvient à se regrouper, mais Laura a disparu. Alors que ses parents la cherchent parmi les corps, Audrey est ramenée chez elle. « Sur la route, j’ai eu cette incapacité à respirer, l’impression de sentir son dernier souffle. C’était ma jumelle, quand elle n’allait pas bien, je le savais et là, je ne la sentais plus. C’est comme si on me saignait le cœur ». Mais l’adolescente veut garder espoir et multiplie les appels aux hôpitaux ou sur les réseaux sociaux.
Après trois jours d’attente insupportable, elle est convoquée avec ses deux aînés. Comme ils l’ont dit avant elle à la barre, l’annonce est brutale : « La bonne nouvelle, c’est qu’on a retrouvé votre sœur. La mauvaise, c’est qu’elle est sans vie ». Effondrée, mise sous anxiolytiques, Audrey est envoyée le lendemain voir ses parents, fous de chagrin et hospitalisés en psychiatrie. « Je n’avais pas fait un pas que ma mère a hurlé : « Regardez, c’est ma fille, c’est Laura, elle n’est pas morte« . J’ai compris que je ne pouvais pas rester », raconte Audrey.
Dans le cercueil blanc de Laura, au fond de ce si grand trou, dit-elle, elle a placé son doudou. Et gardé celui de sa sœur. Six ans plus tard, entre boulimie, pensées suicidaires et relations familiale tendues, Audrey confie avoir « du mal à avancer ». Mais « j’ai 20 ans et vivre, pour moi, ce n’est pas gratuit, c’est pour elle que je vis », assène la jeune femme avant de lancer : « Nous avons vécu le pire malheur, mais tout reste possible. Le bonheur n’arrive pas qu’aux autres ».