Alors qu’une Commission mixte paritaire se réunit mercredi 15 mars pour tenter de s’accorder sur le texte de la réforme des retraites, la Première ministre française Élisabeth Borne a lancé mardi un appel aux députés de la droite, et les syndicats ont eux poursuivi leurs grèves et actions, avec des situations contrastées.
Une huitième journée d’action est prévue mercredi à l’appel de l’intersyndicale. Si la mobilisation sociale semble s’essouffler dans certains secteurs, elle se poursuit dans l’énergie et chez les éboueurs. À Paris, ces derniers ont voté la poursuite de la grève « au moins jusqu’au 20 mars » : quelque 6 600 tonnes de déchets n’étaient pas ramassés dans la capitale mardi 14 mars.
Des poubelles ont d’ailleurs été jetées devant le siège du parti présidentiel Renaissance à Paris par des militants syndicaux afin de « rappeler que des gens sont en grève, que des gens sont responsables de cette situation », a expliqué à l’AFP Simon Duteil, co-délégué général de Solidaires.
Peu avant, la Première ministre française Élisabeth Borne a lancé un appel aux députés de la droite, dont les voix sont essentielles pour le texte, les assurant mardi qu’un vote positif de leur part sur sa réforme des retraites ne serait pas interprété comme un « soutien au gouvernement ».
« Vous serez […] conduits à vous exprimer sur la réforme des retraites. Pas sur un soutien au gouvernement, mais sur ce projet, sur ce projet seulement », a affirmé la Première ministre devant l’Assemblée nationale, martelant à une douzaine de reprises, dans une anaphore, qu’« une majorité existe » pour voter le texte.
« Une majorité existe, qui n’a pas peur des réformes, même impopulaires, quand elles sont nécessaires », a-t-elle ajouté. Avant de demander à l’opposition, dans une autre anaphore, « d’assumer » son attitude quand elle fait « le choix de l’obstruction ».
L’appel intervient à la veille de la réunion de mercredi en Commission mixte paritaire (CMP), sur laquelle le gouvernement compte pour échafauder un texte de compromis. Sept députés, sept sénateurs et autant de suppléants seront alors réunis à huis clos pour en débattre.
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Malgré le compromis probable en CMP, incertitude à l’Assemblée
« Si la CMP a un texte commun, ce texte aura une majorité » au Sénat puis à l’Assemblée, a estimé le ministre du Travail Olivier Dussopt.
Mais, même si un compromis est probable au sein de la commission mixte, où les macronistes et la droite sont majoritaires, le suspense reste immense sur le vote qui doit suivre jeudi à l’Assemblée. Cette incertitude laisse planer la possibilité que le gouvernement déclenche l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote mais expose l’exécutif à une motion de censure.
La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a retoqué mardi la demande des socialistes et de La France insoumise d’une retransmission audio et vidéo de la réunion de la commission mixte. Ses débats feront donc l’objet d’un compte rendu écrit, mais sans doute avec quelques jours de décalage.
Les députés « spectateurs de quelque chose qui a déjà été décidé ailleurs »
En réaction, LFI devrait tweeter en direct les délibérations du conclave, plusieurs de ses élus donnant « rendez-vous » sur les réseaux sociaux.
Les parlementaires fourbissaient leurs armes et leurs arguments en vue de la CMP. Thomas Ménagé, membre titulaire pour le groupe Rassemblement national, admet qu’« on sera en partie spectateurs de quelque chose qui a déjà été décidé ailleurs », entre le gouvernement et les Républicains, dont les voix sont indispensables pour faire passer sa réforme.
L’exécutif a déjà concédé à la droite un recul de l’âge de départ à 64 ans, et non 65, ainsi qu’un relèvement des petites pensions élargi aux retraités actuels. Au sein du groupe LR, on souligne que le « seul sujet » sera les carrières longues. Certaines concessions sur ce sujet faites aux Républicains pourraient disparaître du texte final, a prévenu le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, soucieux de « l’équilibre » financier de la réforme.
L’opposition prépare une « motion de censure transpartisane »
La commission, « ça risque d’être un peu long », relève le député centriste du groupe Libertés, indépendance, outre-mer et territoires (Liot) et vieux routier de l’Assemblée, Charles de Courson.
Les yeux sont déjà rivés sur la journée de jeudi à l’Assemblée, où les députés opposés à la réforme préparent une motion de rejet global du texte, s’il est soumis au vote, et une « motion de censure transpartisane » contre le gouvernement.
Le patron de la CFDT Laurent Berger a une nouvelle fois mis en garde contre les conséquences d’un passage en force via le 49.3, une option qui doit auparavant être autorisée en Conseil des ministres.
Essoufflement dans les raffineries et transports, force dans l’énergie
Le mouvement semblait s’essouffler dans les raffineries et certains pans des transports. La plupart des raffineries françaises étaient encore en grève mardi, mais les grévistes étaient réticents à mettre les sites totalement à l’arrêt alors que les stocks sont quasiment pleins. Depuis plusieurs jours, les syndicats du pétrole proposent aux grévistes des raffineries de durcir le mouvement contre la réforme des retraites en arrêtant la production, mais ces derniers renâclent à entamer ces opérations techniquement délicates et longues.
Le trafic restera perturbé mercredi à la SNCF avec notamment 3 TGV sur 5 et des difficultés en Ile-de-France. La RATP prévoit elle un trafic légèrement perturbé dans le métro parisien et très perturbé dans le RER.
La mobilisation reste toutefois assez importante dans le secteur de l’énergie. Des baisses de production sont toujours à l’ordre du jour dans le secteur de l’électricité, encore très mobilisé compte tenu de l’enjeu crucial pour les électriciens et gaziers, qui, outre le recul de l’âge légal, redoutent la suppression de leur régime spécial de retraite.
Le site d’EDF recensait mardi après-midi des baisses de production dans des centrales nucléaires tout comme dans des centrales thermiques. Dans l’hydraulique, le site d’EDF indiquait une « perte de puissance disponible en cours » de 6 650 MW. D’autres actions coup de poing ont eu lieu, notamment à Limoges, où le siège social d’Enedis a été complètement bloqué.